Arts
Visite du jardin d’Eva Jospin, dans les pas d’Emmanuelle Brugerolles

Visite du jardin d’Eva Jospin, dans les pas d’Emmanuelle Brugerolles

19 May 2022 | PAR Capucine De Montaudry

Du 11 mai au 3 juillet 2022, une collection de dessins réalisés par Eva Jospin est exposée aux Beaux-Arts de Paris. “Dessins pour un jardin”, ce sont huit œuvres réalisées à la plume ou à la mine de plomb, dans un dialogue avec des dessins sélectionnés par l’artiste. 

L’exposition a lieu dans le Cabinet des dessins. Le contact avec les œuvres d’Eva Jospin est ainsi très intime. L’artiste souhaitait constituer un jardin avec ses dessins. Nous avons pu nous y promener avec Emmanuelle Brugerolles, conservatrice aux Beaux-Arts et commissaire de l’exposition. La suite de cet article reprend ses explications. 

La mission pédagogique des collections et expositions

La collection de dessins des Beaux-Arts (25 000 dessins anciens) est la plus importante après celle du Louvre (plus de 150 000). Sa mission est pédagogique. Lorsqu’en 1648 est créée l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, il s’agit de proposer un enseignement reposant sur le dessin. Les exercices scolaires sont des études sur des modèles vivants et des sculptures. Par la suite, des amateurs et artistes ont souhaité donner leurs collections de dessins aux Beaux-Arts pour que les étudiants se nourrissent des grands maîtres. Des collections importantes arrivent alors avec des œuvres de Raphaël, de Michel-Ange,… 

Ce lieu est donc complètement consacré aux dessins de la collection. Les expositions, à la suite desquelles sont proposés des catalogues scientifiques, montrent des dessins anciens en lien avec la création contemporaine. “Notre but, c’est d’établir des correspondances entre l’art contemporain et l’art ancien, car la rupture n’existe pas vraiment entre les deux. Il y a beaucoup de correspondances et c’est intéressant de les faire jouer ensemble.” Au départ, c’étaient d’abord des œuvres réalisées par professeurs, puis, avec Eva Jospin, ce sont celles d’une ancienne élève de l’école. À la fin de l’exposition, l’artiste fait don d’une œuvre pour garder ensuite une trace de son passage à travers cette exposition. 

Eva Jospin, son œuvre, ses inspirations

Jusqu’ici, la production dessinée d’Eva Jospin n’a jamais été montrée. Elle était plutôt connue pour ses sculptures. De nombreux dessins ont été réalisés spécialement pour l’occasion. 

Un travail sur la nature et sur le temps

Dans son approche, on perçoit son goût pour la nature. Elle fait de nombreuses références aux jardins italiens de la Renaissance. Ses dessins montrent également une grande sensibilité à l’architecture en ruines et aux grottes, architecture naturelle. Les deux évoquent en effet dans son œuvre le résultat du temps qui passe, celui des hommes et celui de la nature. Parfois, grotte et architecture sont même indissociables. 

L’homme, lui, n’est présent que par l’architecture et l’aspect parfois domestiqué de la nature. Dans la majorité des dessins, celle-ci apparaît cependant sauvage, saturée. Eva Jospin mêle l’aspect minéral et l’aspect aquatique, dans un mouvement descendant qui donne la sensation de quelque chose qui coule, peut-être le temps. “Nature et présence humaine, à travers cette architecture, sont complètement en symbiose.” 

Une technique de dessin à la pierre graphite et à la plume

Eva Jospin pratique aussi bien le graphite que la plume. Ses traits sont très fins et les contours tracés avec beaucoup de soin, de précision. “Elle joue beaucoup sur le trait, sur ce travail de traits parallèles, entrecroisés… Ce sont de grands dessins où vous voyez cette architecture qui évoque des architectures italiennes de la Renaissance“. La nature envahit les ruines, avec ses réseaux, ses faisceaux de traits. Le mouvement raffiné de la plume semble le même que celui de la nature. 

Deux de ses tableaux ont un cadre en carton, travaillé par l’artiste. Il montre, comme ses œuvres, un excès de production de la nature, dans son foisonnement et ses branchages. Emmanuelle Brugerolles explique également que le jeu sur la réserve du papier est très important, le blanc qui entoure le motif a tout autant d’importance que le motif lui-même. 

L’artiste, dotée d’une grande mémoire, travaille en visitant beaucoup de sites, avant de créer ces grands dessins. Elle connaît de nombreux sites à Rome et en Italie. Son travail fait ainsi référence au Grand Tour, voyage en Italie réalisé par les intellectuels et artistes au cours du XVIIIème siècle. 

Les dessins anciens, au nombre de quatre, sont la Coupe de la grotte Saint-Jean sur l’île d’Antiparos, de Louis-François-Sébastion Fauvel, ainsi que deux représentations de la Basilique de Constantin à Rome, réalisées respectivement en 1888 par Hector-Marie-Désiré d’Espouy et en 1901 par Jean-Jacques Haffner. Enfin se trouvent des dessins de Cassas, qui proposent différentes vues de Rome. 

Une exposition à aller voir ! 

Cette exposition est conçue pour tous types de publics. Elle s’adresse en particulier aux milieux scolaires, que ce soient des élèves d’écoles d’art ou d’architecture, ou des élèves en provenance de la périphérie de Paris. Il s’agit de faire comprendre aux visiteurs qu’il n’y a pas de rupture entre l’art contemporain et l’art ancien. 

“Je voulais vraiment mêler les deux, déclare Emmanuelle Brugerolles. L’idée, c’est que les gens comprennent qu’il n’y a finalement pas tant de rupture que ça, une réinterprétation, d’un sujet, d’un objet, mais qui a toujours existé. C’est une approche contemporaine, mais d’un sujet qui est universel.” 

Nous recommandons chaudement l’expérience de ce cabinet intime, qui donne la sensation de pénétrer dans un univers. Ici le dessin sublime les contours délicats d’une nature où se fondent les œuvres des hommes. Pierre Wat, dans le catalogue de l’exposition, nous rappelle ces mots de Georg Simmel : “C’est tout l’attrait des ruines de permettre qu’une œuvre humaine soit presque perçue comme un produit de la nature.”

Alors n’attendez pas pour vous rendre aux Beaux-Arts et vous promener dans le jardin d’Eva Jospin. Pour plus d’information, c’est par ici

Visuel : Cour du Palais des études de l’École des Beaux-Arts, CC © Dalbera. 

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Capucine De Montaudry

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