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Utopia, Lille imagine le monde d’après

Utopia, Lille imagine le monde d’après

07 June 2022 | PAR Laetitia Larralde

Pour sa 6ème édition, lille3000 a choisi Utopia pour thématique de sa saison culturelle. Pendant plusieurs mois, expositions, spectacles, randonnées artistiques et encore bien d’autres évènements vont faire vibrer l’imagination des visiteurs.

Tous les trois ans depuis 2006, une nouvelle saison culturelle vient animer la Métropole de Lille. Après la saison Eldorado en 2019 où le Mexique était à l’honneur, nous nous penchons cette année sur une question brûlante : le changement climatique, et comment artistes, inventeurs ou scientifiques imaginent d’autres rapports entre l’homme et son environnement. Il est donc question d’utopies, mais également de dystopies, car même en y mettant la meilleure volonté, il est parfois difficile d’imaginer un avenir radieux pour l’humanité.

Le 14 mai dernier, la grande fête d’ouverture a lancé la saison Utopia. Avec sa grande parade regroupant chars, compagnies de danse ou de musique, géants et créatures gonflables et clôturée par un feu d’artifice mêlant un spectacle de drones aux fusées, la saison a débuté dans une ambiance festive. Et si l’épicentre du festival se trouve à Lille, il implique les équipements culturels et les festivals de toute la région, allant même jusqu’en Belgique. De plus, les CAPS, la nouveauté de cette saison, proposeront de découvrir des artistes et des lieux par des randonnées festives offrant au public de nouveaux points de vue sur leur région.

Utopie ou dystopie pour notre futur ?

Et c’est bien de cela dont il est majoritairement question : changer de point de vue sur notre situation actuelle pour trouver des solutions à la crise climatique. A la Gare Saint Sauveur, le basculement du regard est le plus radical et déstabilisant, même s’il se veut optimiste. L’exposition Novacène est basée sur la pensée de l’environnementaliste James Lovelock qui imagine l’ère post-Anthropocène pendant laquelle l’Homme aura enfin trouvé une relation équilibrée avec son environnement.

Mais les œuvres telles que la fontaine en feu (Beneath it All Flows Liquid Fire) de Julian Charrière, la coulée de boue (La Terre est-elle ronde) de Fabien Léaustic ou les méduses faites de déchets plastiques (Slow Dance) de JeeYoung Lee, dont on ne peut détacher le regard, appuient avec insistance sur la catastrophe écologique dans laquelle nous nous trouvons. L’installation de Bianca Bondi, Not a place but a feeling, qui reconstitue un ancien cabaret en le figeant dans le sel, si elle parle elle aussi de mondes disparus, nous offre une respiration poétique et nostalgique.

Au Tripostal, la Fondation Cartier propose avec Les Vivants une réflexion équivalente : retrouver une cohabitation plus humble avec notre environnement en soulignant sa beauté et sa fragilité. Avec de nombreux artistes contemporains amérindiens d’Amazonie au cœur du parcours, nous sommes amenés à questionner le système pyramidal au sommet duquel l’homme occidental s’est placé. L’œuvre de Bernie Krause The Great Animal Orchestra achève de démontrer l’impact destructeur de l’Homme sur la planète.

Protéger la nature de notre quotidien

Tous à plumes ! à la maison Folie le Colysée souligne également l’inattention dont nous faisons preuve pour notre environnement quotidien en se focalisant sur les oiseaux. Alors que les moineaux ont presque disparu de nos villes, il est temps de mieux prendre conscience de ce qui nous entoure et de leur laisser plus de place pour se développer. Un tour au Musée d’histoire naturelle nous permet de regarder le monde tel que d’autres animaux le perçoivent, nous faisant littéralement changer de point de vue. Nous y découvrons également le Blob, être unicellulaire ni animal ni végétal se développant en forêt mais pourtant doué d’une intelligence qui nous échappe.

Avec le Palais des Beaux-Arts nous restons en forêt pour faire le point sur comment nous la percevons et comment les artistes la représentent de l’Antiquité à nos jours. Pour mettre en lumière l’importance capitale de la forêt sur la planète, qu’elle soit vécue comme hantée, magique, sacrée ou enchantée, artistes, botanistes et écologues s’allient pour dresser un portrait impossible de la complexité de la forêt. L’exposition, immersive et très variée dans ses choix d’œuvres, est également éco-conçue, dans une démarche d’engagement écologique immédiat de la part du musée.

Trouver des solutions dans l’imaginaire

Certains artistes misent sur leur imagination et le fantastique pour s’échapper du réel et trouver des solutions poétiques aux questionnements actuels. Les rues de Lille sont habitées par les métamorphoses urbaines qui viennent décaler le paysage minéral de la ville. Là, les Moss People de Kim Simonsson, enfants vivant en harmonie avec la nature issus des contes nordiques, croisent les Nanitos de Jean-François Fourtou, personnages jardiniers à têtes de légumes, sur fond de tentacules géantes de Designs in Air.

Dans la gare, une immense sculpture de laine, tissus et leds accueille les voyageurs. C’est Simone, la Valkyrie de Joana Vasconcelos, que l’on retrouve à la maison Folie Wazemmes pour la première partie de l’exposition Jardin d’Eden, qui se poursuit à la maison Folie Moulins et à l’Eglise Sainte Marie Madeleine. Ces trois chapitres sont orientés autour du corps et des sensations. Si les installations de Joana Vasconcelos stimulent surtout la vue avec son champ de fleurs lumineuses ou sa sculpture textile foisonnante et colorée, elles impliquent aussi le corps avec une activation de la sculpture par des danseurs.

Dans l’Eglise, Peter de Cupere a créé un parcours olfactif aux univers très définis, des épices à la pollution, jusqu’au très agréable parfum de la saison Utopia. On retrouve ses œuvres également à la maison Folie Moulins, où la nature semble avoir repris ses droits. Les petits Moss People sont accompagnés de fleurs cristallisées dans le sel, un arbre diffuse de l’encens et des cactus s’envolent vers le ciel, le tout dans une ambiance de profondeurs marines.

Enfin, Le Serpent cosmique au musée de l’Hospice Comtesse nous propose d’aller encore plus loin dans le changement de perception avec l’idée développée par le philosophe français Edgar Morin selon laquelle les artistes créent dans un état post-chamanique, en connexion inconsciente avec le vivant. L’exposition stimule tous les sens pour guider le visiteur vers un état de conscience alternatif, en se laissant guider par les diverses propositions des artistes, jusqu’à l’expérience méditative d’Alpha Wave Experience pouvant mener à des visions.

Espérons que cette saison Utopia saura sensibiliser le public aux urgences écologiques et donner envie de s’impliquer activement à la protection de notre environnement. Car si la Nature est détruite, l’Homme le sera aussi.

Utopia
Du 14 mai au 02 octobre 2022
Lille (Métropole, Eurométropole et région Hauts-de-France)

Visuels : 1- Kim Simonsson, Moss People, 2022. Vue de l’installation Rue Faidherbe (Lille) © Jefunne Gimpel (Images By Jefunne) / 2- JeeYoung Lee, Slow Dance, 2022 © maxime dufour photographies / 3- Bianca Bondi, Not place but a feeling, 2022 © maxime dufour photographies / 4- Sheroanawe Hakihiiwe et Joeseca – Photo Luc Boegly / 5- Vue de l’exposition La forêt magique © maxime dufour photographies / 6- Jean-François Fourtou, La Maison du Maxitos, 2022 © maxime dufour photographies / 7- Joana Vasconcelos, Valkyrie Martha, 2022 © maxime dufour photographies / 8- Peter de Cupere, Flower Fragum Cardamomi, 2012 © maxime dufour photographies / 9- Peter de Cupere, Olfactory Tree, 2010 © maxime dufour photographies / 10- Vue de l’exposition Le serpent cosmique © maxime dufour photographies / 11- Jean-François Fourtou, Nanitos, 2022 © maxime dufour photographies

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Laetitia Larralde
Architecte d'intérieur de formation, auteure de bande dessinée (Tambour battant, le Cri du Magouillat...)et fan absolue du Japon. Certains disent qu'un jour, je resterai là-bas... J'écris sur la bande dessinée, les expositions, et tout ce qui a trait au Japon. www.instagram.com/laetitiaillustration/

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