Expos
Un Group Show majoritairement féminin chez Arnaud Lefebvre

Un Group Show majoritairement féminin chez Arnaud Lefebvre

23 January 2023 | PAR Hannah Starman

Jusqu’au 25 février 2023, la Galerie Arnaud Lefebvre met en honneur treize artistes, dont huit femmes, dans une exposition articulée autour du lien qui se tisse au fil des années, entre les artistes et la galerie qui les représente. Plus un geste qu’un concept, l’approche d’Arnaud Lefebvre nous permet de découvrir le noyau d’artistes issus des courants minimaliste et conceptuel dans une ambiance où l’écoute et l’attention aux autres n’ont rien de désuet.

Group Show : un lien qui s’inscrit dans le temps

Le local de la Galerie Arnaud Lefebvre au 10, rue des Beaux-Arts dans le 6ème arrondissement de Paris est bondé le soir du vernissage de l’exposition intitulée simplement Group Show. Non moins que huit artistes femmes figurent sur le sobre carton d’invitation. Nicole Hassler, Nadine de Koenigswarter, Christine Piot, Noémi Pujol et Anne Saussois sont présentes, ainsi que deux de leurs confrères, Stéphane Bayard et Pat H. Mart. Les artistes se retrouvent en vieux amis, parlent leur travail, regardent attentivement celui des autres, regrettent l’absence de ceux qui n’ont pas pu venir et discutent de leurs projets en cours ou à venir.

“J’avais proposé aux artistes que je représente, pour la majeure partie, depuis longtemps, de m’envoyer leurs œuvres récentes,” explique Arnaud Lefevbre. “Je n’ai donné aucune indication thématique ou technique, mais les artistes partagent une lecture assez minimaliste, même si celle-ci a évolué au fil du temps. L’exposition questionne aussi la place des uns et des autres dans cette histoire de l’art minimal et conceptuel.”

Un accrochage contrasté et percutant

L’accrochage est habilement construit autour de deux murs. Sur celui à gauche, épuré, presque monochrome, montre les œuvres de Marie-France Jean, Nicole Hassler, Helga Natz, Eiji Suzue et Stéphane Bayard, alors que celui de droite dégage plus de couleur et de texture, avec des œuvres de Nadine de Koenigswarter, Ned Richardson, Anne Saussois, Ryo Takahashi, Judith Nelson et Christine Piot. L’installation vidéo de Pat H. Mart et la toile Le Pas de Noémi Pujol font le pont entre les deux sur le mur d’en face.

L’ensemble de deux œuvres de Stéphane Bayard, qui sont mises en relation avec une citation du poème “l’Entrevue au ruisseau” de Marceline Desbordes-Valmore, interroge la distance fragile entre l’artiste et l’œuvre et entre celle-ci et le spectateur. ” Je ressens que ces éléments picturaux nous échappent tout le temps. Qu’est-ce qu’il reste d’une œuvre que l’on a vu ? Il y a là quelque chose d’insaisissable à saisir,” raconte Stéphane Bayard. “J’ai voulu montrer quelque chose d’extrêmement flottant qui met en jeu cette fragilité sur la surface du tableau. J’ai utilisé un liant vinylique qui vient un peu en relief pour caler chaque proposition picturale. Ca peut ressembler à une plaque de verre à travers laquelle on observe avec le microscope des organismes vivants, mais je cherche surtout à figer quelque chose dans le temps et dans l’espace pour l’offrir au regard.”

L’art de la maîtrise, la maîtrise de l’art

En face, deux œuvres de Nadine de Koenigswarter, Rayon 3 à la craie grasse et une ravissante petite toile, Peinture 1, dont la technique en interpelle plus d’un. Nadine de Koenigswarter élucide son approche : “Dans Rayon 3, comme souvent dans mon travail abstrait, je passe les couches et je gratte. J’obtiens la clarté en retirant la craie grasse au burin. En revanche, pour réaliser la série à laquelle appartient Peinture 1, je fais le contraire. J’effleure la surface au rouleau et les aspérités de la toile font que l’accumulation des couches successives crée des formes qui ressemblent à des stalactites. L’œuvre se fait petit à petit et je ne maîtrise pas vraiment le processus. Les formes et les couleurs sont aléatoires. J’ai fait une dizaine de toiles avec cette technique, mais elles ne sont pas toutes vivantes. Parfois, il ne se passe rien.”

“On ne maîtrise pas tout,” renchérit Christine Piot dont les œuvres sont un peu plus loin sur le même mur. “Ce qui m’intéresse dans l’art abstrait c’est qu’il puisse y avoir des formes indéfinis et indéfinissables. Parfois j’ai l’impression d’entendre au lieu de voir. Je fais quelque chose de côté et soudain, les différentes parties du tableau, je les vois de nouveau. Parfois, il y a quelque chose dans le tableau qui bouge et qui s’animé. Il faut intégrer aussi des choses et des formes qui viennent le perturber. J’aimerais que mes tableaux soient comme ce qu’on a dans la tête quand on pense à mille choses en même temps.”

L’actualité s’invite au Group Show

La série Convulsions d’Anne Saussois, installation d’une peinture sur toile ou sur carton avec tirage photographique, donne un coup d’éclat rouge au milieu du mur de droite. “En ce moment, je mets en écho la peinture et la photographie. Je suis très frappée par ce qui se passe dans le monde et on est tous touché par la guerre en Ukraine. Je travaille sur l’idée des ruines depuis un certain temps. Je collectionne des photographies et je superpose des images de la guerre avec une peinture, souvent italienne, pour créer cette rencontre entre les ruines et la beauté. J’essaie de mêler cette destruction et reconstruction qui est la peinture. Je retravaille lentement, avec des retouches, des interventions colorées, des lignes.”

L’aspect commercial n’est pas prioritaire

Pendant que les visiteurs échangent avec les artistes, Arnaud Lefevbre et son assistant, le photographe Pascal Hausherr, dans la salle d’exposition, un ou deux habitués de la maison se glissent dans le bureau d’Arnaud pour câliner Ralph, le jeune braque hongrois aux yeux d’ambre, sagement installé dans un panier douillet. Quelques feuilles plastifiées sont posées discrètement dans un coin. C’est le catalogue des œuvres exposées et proposées à la vente. Combien d’entre elles seront vendues ? “Les ventes sont occasionnelles,” répond Arnaud. “Il y a une certaine ligne de recherche dans la galerie et l’aspect commercial n’est pas ce qui est mis en premier. Le Group Show c’est avant tout une mise à plat, une occasion pour mener des conversations nourrissantes sur l’art et renouer les liens, parfois distendus par le passage du temps. C’est aussi un renouvellement de la confiance en l’œuvre des artistes que l’on suit.”

Une série de conversations filmées entre Arnaud Lefevbre et des artistes exposés sont disponibles sur youtube et sur le site de la galerie.

Visuels : 1. sans titre, 2020 Pigment et acrylique sur toile, 30 x 30 cm et sans titre, 2022 Acrylique et liant vinylique sur toile, 50 x 61 cm. Extrait de L’entrevue au ruisseau de Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) ©Stéphane Bayard, courtesy Galerie Arnaud Lefevbre.

2. Peinture n°1, 2018 Acrylique sur toile maroufle?e sur panneau de bois, 27x27cm et Rayon 3, 2021 Craie grasse sur papier, encadre?, 50 x 70 cm. ©Nadine De Koenigswarter, courtesy Galerie Arnaud Lefevbre.

3. Clairs-allants, vaguer, 2021 Tempera sur toile, 50 x 50 cm et Clairs-allants, brisant, 2022 Tempera sur toile, 54 x 73 cm. ©Christine Piot, courtesy Galerie Arnaud Lefevbre.

4. Sans titre, série Convulsions, 2022, Acrylique sur carton et collages, 52 x 71 cm. Photographie, impression pigmentaire sur papier 350 g. 30 x 42 cm et Sans titre, série Convulsions, 2022, acrylique sur toile, 33 x 46 cm. Photographie, impression pigmentaire sur papier 350 g. 30 x 42 cm. ©Anne Saussois, courtesy Galerie Arnaud Lefevbre.

 

Agenda de la semaine du 23 Janvier 2023
Les 100 ans de la mort de Sarah Bernhardt : célébrations et hommages
Hannah Starman

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration