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“Sculptures infinies”, l’original et la copie

“Sculptures infinies”, l’original et la copie

27 January 2020 | PAR Laetitia Larralde

Jusqu’au 16 février le Palais des Beaux-Arts de Paris s’intéresse au moulage. Une promenade dans l’univers de la sculpture qui soulève de nombreuses questions sur l’art à l’époque de la reproduction numérique.

Longtemps, la copie en plâtre de sculptures antiques a servi de base d’étude aux artistes et étudiants. L’école des Beaux-Arts de Paris en conserve encore une collection importante, entre statues grecques et modèles anatomiques, servant de modèle à ses élèves. Mais le développement de la technologie contemporaine en matière de reproduction emmène l’idée du moulage dans une toute autre dimension.

Les images des différentes gypsothèques, longs alignements de reproductions en plâtre classées par tailles et typologies plutôt que par origine ou chronologie, montrent la valeur que l’on accorde à ces objets. La copie est inférieure à l’original, de par sa matière fragile et commune, et de par le fait qu’elle n’est pas directement issue de la main de l’artiste. Mais elle constitue une mémoire de l’œuvre, une sauvegarde pour des originaux qui peuvent se perdre ou être abîmés. De plus, le temps leur apporte la valeur de ce qui a su résister à ses assauts.
Aujourd’hui, les technologies numériques brouillent les frontières entre original et copie. Si la question est particulièrement sensible en ce qui concerne les arts graphiques, où tout ce qui est produit sur ordinateur n’a plus cette origine tangible issue des mains de l’artiste et de ses outils, le cas de la sculpture diffère. Car une sculpture, même créée avec des outils numériques, aura toujours une existence physique, au contraire de l’image qui pourrait ne rester que virtuelle et dont on peine à considérer une impression comme un original.

Les artistes contemporains présentés mettent en lumière les nouvelles problématiques ainsi que les avantages liés aux techniques modernes de reproduction des œuvres. Aujourd’hui la reproduction tient presque du clonage tant la copie peut être fidèle, mais elle permet également de jouer avec les échelles, comme le montre Xavier Veilhan avec ses statues Laurent, ou Jumana Manna et ses reproductions géantes de moulages de parties de corps.
Outre l’échelle, la reproduction moderne permet d’expérimenter avec les matériaux. Résines, silicone, ou mélanges de particules minérales et organiques pour David Bestué, ou encore le classique bronze de Francisco Tropa ou le plâtre de Simon Fujiwara : le moulage n’est plus uniquement un objet utilitaire, il est modulé par l’artiste et acquiert une identité propre.

L’exposition soulève également la question de l’appropriation d’une œuvre par un autre artiste. Steven Claydon par exemple, reprend dans Voyager Assembly la sculpture antique de Sénèque mourant en résine et y ajoute le haut de la tête de Wesley Snipes, une armature en acier et prolonge les bras. L’œuvre originelle y est toujours parfaitement lisible, mais complètement revisitée par l’artiste. Celui-ci peut-il alors être considéré comme l’unique créateur de l’œuvre ?

Cette collaboration entre les Beaux-Arts de Paris, le musée Calouste Gulbekian de Lisbonne, la gypsothèque du Louvre à Versailles, les ateliers d’Art, de Moulage et de Chalcographie de la RMN et la Faculdade de Belas Artes de Lisbonne met en relief un matériau de base : le plâtre. Modeste matériau réservé aux études, il montre ici sa valeur et la complexité des implications qu’entraîne son utilisation. Dans un monde où l’uniformisation est galopante, trouver l’unicité au cœur de la reproduction devrait être une question centrale.

Sculptures infinies, des collections de moulage à l’ère digitale
Du 4 décembre 2019 au 16 février 2020
Palais des Beaux-Arts – Paris

Visuels : 1- in situ © Nicolas Brasseur / 2- Oliver Laric, The Hunter and His Dog, 2015 [Austrian] – Courtesy the artist, Tamares Group in collaboration with Zabludowicz Collection and Tanya Leighton, Berlin © Gunter Lepkowski / 3- Vue de l’atelier de morphologie des Beaux-Arts de Paris © Carlos Azevedo / 4- in situ ©Nicolas Brasseur / 5- Vue des caves des Beaux-Arts de Paris © Carlos Azevedo

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Laetitia Larralde
Architecte d'intérieur de formation, auteure de bande dessinée (Tambour battant, le Cri du Magouillat...)et fan absolue du Japon. Certains disent qu'un jour, je resterai là-bas... J'écris sur la bande dessinée, les expositions, et tout ce qui a trait au Japon. www.instagram.com/laetitiaillustration/

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