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Saodat Ismailova invite l’Asie centrale au Fresnoy

Saodat Ismailova invite l’Asie centrale au Fresnoy

29 March 2023 | PAR Laetitia Larralde

Après l’invitation faite à Enrique Ramirez l’année dernière, Le Fresnoy renouvelle l’expérience d’inviter un ancien élève avec Saodat Ismailova pour une découverte enthousiasmante de la scène contemporaine d’Asie centrale.

Le Fresnoy propose une formation post Master en deux ans, où les élèves sont formés par des artistes reconnus aux techniques traditionnelles du cinéma, de la photographie, de la vidéo, et de la création sonore et musicale et aux technologies actuelles des arts numériques. Ils sont poussés à sauter le pas de la création par la production de deux projets grâce à des moyens professionnels mis à leur disposition. Ainsi, l’œuvre Stains of Oxus de Saodat Ismailova qui nous accueille à l’entrée de l’exposition est l’une des réalisations de son cursus au Fresnoy, de 2015 à 2017.

Saodat Ismailova est née à Tachkent en 1981, en Ouzbékistan, où elle a étudié le film documentaire et cinématographique. Ses recherches sur le cinéma l’ont ensuite menée en Italie puis en France, et aujourd’hui la jeune artiste a déjà reçu plusieurs prix et participé à la Biennale de Venise ou à la Documenta de Cassel. L’exposition du Fresnoy, coproduite avec le Centre Pompidou, est sa première exposition en France. Autour de ses œuvres, l’artiste a puisé dans les collections du Centre Pompidou et a invité des artistes contemporains d’Asie centrale pour nous présenter une scène artistique très peu connue en France.

L’Ouzbékistan a une histoire riche, qui s’est construite par accumulation de strates : la culture grecque tout d’abord, puis deux siècles de bouddhisme, le soufisme ensuite et la domination russe puis soviétique au XXème siècle. Traversé par la route de la soie et par de nombreuses influences culturelles, le pays a su se tisser une identité où les différents apports se sont imbriqués, malgré certaines volontés extérieures de faire place nette. Les artistes présentés ici font ressortir ces différents aspects d’une culture aux racines profondes et variées. Ainsi le souligne l’installation vidéo Two horizons qui confronte de nuit la base spatiale de Baïkonur et le cimetière chamanique de Qorqut dans un face à face tourné vers le cosmos.

La place du documentaire est centrale dans le travail de Saodat Ismailova, comme nous le montre son studio suspendu où elle dévoile sa documentation, sa façon de travailler et son projet en cours. Elle collectionne les films d’archives qu’elle confronte à des documents écrits, des récits, des cartographies, dans une démarche de préservation de la mémoire et de mise au jour des croyances et des traditions enfouies par les années soviétiques. De même, les photographies de sa famille où se superposent l’écriture de chaque personne soulignent ces langues qui ont été perdues, et l’évolution rapide d’une génération à l’autre, par un glissement culturel inéluctable.

Les œuvres des autres artistes de l’exposition résonnent avec les propos de celles de Saodat Ismailova. Sergei Maslov s’inspire du lien des nomades kazakhs au cosmos quand Vyacheslav Akhunov reconstitue un « désert de l’oubli » et Deimantas Narkevicius utilise les systèmes sonores du régime soviétique pour diffuser des compositions faites avec des instruments vernaculaires de Saulius Petreikis. Chacun évoque à sa façon son lien avec ses racines et la culture de ses ancêtres que les régimes totalitaires ont tenté d’enfouir. La spiritualité, l’écriture, les savoir-faire artisanaux ou la musique sont autant de fils tirés par tous ces artistes pour recomposer la grande tapisserie qui raconte leur histoire.

Cette année l’Ouzbékistan est très présent dans les institutions françaises. Le Louvre a évoqué les splendeurs des oasis d’Ouzbékistan au début de l’année et l’Institut du monde arabe nous entraîne sur les routes de Samarcande jusqu’en juin. Deux contrepoints historiques à la visite de Double horizon au Fresnoy qui viendront enrichir notre compréhension du travail de Saodat Ismailova.

Saodat Ismailova – Double horizon
Du 10 février au 30 avril 2023
Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains – Tourcoing

Visuels : 1- Saodat Ismailova. Double Horizon, Saodat Ismailova-Stains of Oxus-2016, Exposition Le Fresnoy-Studio national, 10 février-30 avril 2023 – Photo Richard Baron / 2- Saodat Ismailova, The Letters. Abdulaziz 1904, 2014-2019, Courtesy of the artist / 3- Saodat Ismailova. Double Horizon Exposition Le Fresnoy-Studio national, 10 février-30 avril 2023 – Photo Richard Baron / 4- Saodat Ismailova. Double Horizon, Exposition Le Fresnoy-Studio national, 10 février-30 avril 2023 – Photo Richard Baron

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Laetitia Larralde
Architecte d'intérieur de formation, auteure de bande dessinée (Tambour battant, le Cri du Magouillat...)et fan absolue du Japon. Certains disent qu'un jour, je resterai là-bas... J'écris sur la bande dessinée, les expositions, et tout ce qui a trait au Japon. www.instagram.com/laetitiaillustration/

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