Rétrospective Simon Hantaï au Centre Pompidou : une ode à la peinture
Cinq ans après sa disparition, Simon Hantaï reçoit enfin un hommage digne de son œuvre au Centre Georges Pompidou. Une exposition imposante et méthodique, à l’image de ce que fut l’aventure du pliage pour le peintre.
En guise de préambule à cette vaste exposition sise en galerie 1 du centre Pompidou, de petites salles nous narrent les premiers contacts du peintre d’origine hongroise avec le surréalisme alors dominant dans le Paris de l’après-guerre. Si ces pièces ont été éclipsées par la suite par ses toiles monumentales dépliées, elles conservent le frisson de la liberté, celle d’un peintre prêt à vivre dans le plus grand dénuement pour pouvoir exprimer sa vision créatrice. Un artiste entier, jamais freiné par les conventions : cherchant à assimiler les recherches de Pollock en termes de all over, Hantaï fourbira ses armes avec le cadre d’un réveille-matin…
Quelques tatônnements plus tard, Hantaï renonce au surréalisme pour s’adonner pleinement à l’abstraction, emportant pour seul souvenir de ces premières années un merveilleux voyage en Italie, traversée à pied de découverte en découverte, des fresques giottesques aux mosaïques de Ravenne. Clou de l’exposition : le rassemblement inédit de deux toiles gigantesques, deux épopées qui disent d’un même élan l’ambition picturale et la modestie de leur auteur : pendant un an, entre 1958 et 1959, Hantaï se mure dans son atelier et travaille sur Ecriture Rose le matin, et À Galla Placidia l’après-midi. Un sacerdoce qui lui permet de renouer avec l’inspiration, au terme d’une crise existentielle soldée par les heures passées à recopier des textes liturgiques et philosophiques à l’image des moines du Moyen-Âge.
À partir de ce moment charnière, l’art de Hantaï prend son envol et ne touchera plus jamais terre, puisqu’il décidera en 1984 de s’extraire de la vie publique pour ne plus quitter les sphères de la création. Car Hantaï fait alors une découverte majeure : il peut peindre en aveugle. Que ce soit une réminiscence des plis enregistrés sur le tablier de sa mère, ou la recherche d’un procédé primitif, la (trop) fameuse méthode du pliage éblouit par tous les contraires qu’elle parvient à concentrer : blanc/couleur, lumière/aveuglement, plein/creux, artificiel/manuel, contrôle/lâcher prise, etc.
L’écrivain Dominique Fourcade, qui compte parmi les nombreuses personnalités littéraires, artistiques ou philosophiques séduites par l’œuvre comme par l’artiste (dont Jacques Derrida, Jean-Luc Nancy et Hélène Cixous ), commissaire de l’exposition aux côtés d’Alfred Pacquement et Isabelle Monod-Fontaine), résume ainsi l’enjeu du parcours offert au visiteur au sein de cette œuvre : chaque salle, qui correspond à une période de travail dans l’œuvre de Hantaï, doit permettre d’apercevoir les toiles accrochées aux cimaises de la salle suivante, afin de mieux cerner la progression de sa quête. Tout au long du parcours, les couleurs les plus subtiles et vibrantes dialoguent avec les camaïeux du ciel parisien dans un parcours vers la lumière qui parviendrait à convertir les plus sceptiques parmi nous.
Pour prolonger le plaisir, une salle vidéo permet de découvrir la personnalité de Hantaï, filmé au travail et interviewé par Jean-Michel Meurice au milieu des années 1970. À ne manquer sous aucun prétexte, pour admirer le temps de quelques plans pudiques la beauté du regard de Hantaï, d’un azur insondable qui dit toute son inquiétude face à l’épreuve de la création, et de la vie.
visuel : portrait du peintre Simon Hantaï, vers 1970 © Édouard Boubat/Rapho
Peinture (écriture rose), 1958-1959 © Adagp, Paris 2013
Meun, 1968 © Adagp, Paris 2013
Tabula, 1980 © Adagp, Paris 2013