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Prince.sse.s des villes : le Palais de Tokyo au rythme effrené de Dacca, Manille, Téhéran, Lagos et Mexico

Prince.sse.s des villes : le Palais de Tokyo au rythme effrené de Dacca, Manille, Téhéran, Lagos et Mexico

21 June 2019 | PAR Yaël Hirsch

Hier soir, en plein début de fashion week, le Palais de Tokyo lançait sa nouvelle saison : Prince.sse.s des villes avec une proposition urbaine d’artistes et collectifs venus de 5 « archivilles rhizomatiques » : Dacca (Bangladesh), Lagos (Nigéria), Manille (Philippines), Mexico (Mexique) et Téhéran (Iran). Une flânerie majestueuse mais qui manque un peu de cohérence.

Dès la façade du Palais, où sont apparus deux panneaux colorés et urbains, on se demande si le Lasco Project n’a pas essaimé jusque là. En effet, Hugo Vitrani qui est le curateur de ce projet, qui peuple les espaces de la friche retrouvée de graphs, est aussi, secondé par Fabien Danesi, commissaire de Prince.sse.s des villes.

L’installation et la scénographie sont une magnifique invitation au voyage et à la « Flanerie du 21e siècle » : l’espace est transformé en circuit avec murs blancs bruts et panneaux de bois à la fois faciles et élégants pour délimiter les espaces. Dès le hall, les œuvres sont un cri et un encouragement. Et pour faire vivre encore plus cet espace qui s’ouvre sur une actualité si vibrante, le public est invité à s’enfoncer dans les installations pour débuter avec une performance de l’artiste australien Justin Shoulder qui a mis en scène, par le vide et les néons, son avatar : le cyborg carrion. C’est calme et élégant. Et d’autres performances sont prévues tout au long de la soirée.

Le hall d’entrée nous accueille donc, avec deux grands panneaux du nigérian Kadara Enyeasi qui revisite le nu noir à l’aune des marques puis, sur les marches, on reste à Lagos avec Ndidi Dike et son esthétique transactionnelle. On a la même critique de la mondialisation chez Bikini Wax EPS avec l’installation Laissez faire, laissez passer. A coté, le collectif Bangladeshi Britto Arts Trust défend la peinture des cyclopousses. On retrouve également cette peur de la perte par la mondialisation chez Reeti Sattar avec son film La Mélodie perdue. Un peu plus loin, fin mais tout aussi angoissant, l’art de Wura Natasha Ogunji cartographie la pollution à Lagos.

Derrière, l’iranien Farrokh Mahdavi nous propose de marcher sur des visages roses et ses comparses Mamali et Reza Shafahi reviennent à l’héritage de la miniature perse à l’aune de la famille pourrie. Puis nous avons envie de faire un petit tour de skate en corridor avec Wafflescream et Emeka Ogboh, des artists qui nous transportent à Lagos en mode « légende » street. Dans de belles couleurs, Stephen Tayo propose une photo de mode nigériane et l’on exécute une traversée vers Manille avec la marque de mode locale Ha.MÜ. 

Assez bluffant, Fernando Palma Rodriguez rend les courges cinétiques, à côté, le philippin Dina Gadia propose des étendards au delà des nations et Shishir Bhattacharjee caricature l’humanité en une grande fresque qui nous porte.

Il est temps de changer d’étage et Pow Martinez se réfère à Quentin Dupieux pour parler du vide de sa fresque Border Control qui investit les escaliers du Palais comme une danse de mains. 

En bas, les sculptures XXL de Chelsea Culprit étendirent leurs formes tandis que les Garden Party People de Dex Fernandez dansent en projection sur le mur. Urban decay planning fait de la pédagogie sur le trash, Adeola Olagunju superpose les photo et Manuel Solano les fausses naïvetés. Les femmes voilés et glitter de Newsha Tavakolian sont de vraies princesses; enfin à l’embouchure de l’exposition et presque à sa fin, Doctor Karayom nous fait jouer un jeu fou de Docteur Maboul, tandis qu’une voiture jaune nous emmène sur les traces d’un voyage terrifiant. Ancienne Cinémathèque Française, la salle 37 nous propose un florilège de films venus des 5 mégalopoles.

Prince.sse.s des villes tient sa promesse de flânerie purement subjective à la recherche de créativité et d’énergie, c’est beau, ça claque mais c’est assez violent et pas toujours accessible dans sa diversité. Si l’aspect sauvage séduit, si la nouveauté intrigue, nous aurions bien aimé un peu plus de cohérence et de soutien pour assimiler ces formes et énergies nouvelles.

Ne manquez pas non plus, exposés en même temps, les 3 lauréats des Audi Talents Awards 2019 :  Marielle Chabal, Grégory Chatonsky et Léonard Martin (lire notre article). 

visuels : YH

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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