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“Portraits florentins” : histoire et manière au Musée Jacquemart-André

“Portraits florentins” : histoire et manière au Musée Jacquemart-André

10 September 2015 | PAR Géraldine Bretault

Le Musée Jacquemart-André a choisi de consacrer son exposition de rentrée aux grands portraitistes florentins du XVIe siècle. Une quarantaine d’œuvres promettent de faire revivre la dynastie des Médicis au temps de son apogée.

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En 2011, l’exposition “Le trésor des Médicis” au musée Maillol s’intéressait au rôle majeur joué par les Médicis en tant que mécènes des arts. Au Musée Jacquemart-André, en cette rentrée, l’angle adopté se situe à cheval entre l’histoire et l’évolution de la peinture, et plus particulièrement du portrait : à travers un nombre d’œuvres relativement restreint (une des neuf salles du musée reste vacante), le commissaire général Carlo Falciani nous expliquait lors du vernissage son ambition : mettre en scène l’histoire de Florence au XVIe siècle, si contrastée entre les rigueurs de la République de Savonarole et la naissance d’une Cour princière, sous l’égide de Cosme Ier et son épouse Eléonore de Tolède.

Les grands peintres de l’époque ont donc dû s’adapter à de nouvelles exigences de la part de leurs commanditaires, qui souhaitent tour à tour mettre en avant leur image de souverain, ou au contraire, donner une vision d’eux plus intime, comme ce très beau portrait de Cosme à 40 ans, brossé par Bronzino, placé en regard du précieux portrait d’Eléonore sur fond bleu de lapis-lazuli en salle 3.

Autre fil rouge suggéré par le commissaire, les liens très forts qui unissent la langue et la peinture, en ces temps pétris d’humanisme. Plusieurs tableaux de l’exposition montrent des personnages brandissant des recueils de poésie, des livres, des bréviaires. Loin d’être des accessoires de contenance, leur texte est souvent lisible, et était connu par cœur par l’élite de l’époque, que ce soient les membres de la famille régnante ou les grands artistes. La langue italienne façonnée par Dante et Pétrarque dès le XIVe siècle nourrit ainsi l’art des peintres dits “maniéristes”, dont Del Sarto et Bronzino. (Même si le commissaire préfère parler de “manière moderne”, à la suite de Michel-Ange, afin de se délester de l’étiquette parfois péjorative associée au maniérisme.)

Car si la lecture des symboles cachés ou apparents dans ces portraits peut nous paraître absconse aujourd’hui, quand elle n’apparaît pas simpliste au contraire, comme dans ce portrait d’amis en salle 1 plaçant l’Amitié au pinacle des vertus, il faut cependant replacer ces images dans leur contexte : une époque où les textes écrits étaient bien plus rares qu’en nos jours, donnant lieu à des images d’une forte densité spirituelle et symbolique qui ne peut manquer de nous surprendre, abreuvés que nous sommes par une pléthore d’images saturées, à la polysémie envahissante.

Lorsque nous achevons le parcours, face au portrait à la fois monumental et précieux de Marie de Médicis, à la veille de ses noces avec le roi de France Henri IV, on mesure combien le portrait, d’un simple genre mineur et intime, est devenu en l’espace de quelques décennies un véritable outil de propagande politique, aux dimensions internationales.

Si l’on peut regretter l’absence de portraits de papes, ou de peintures religieuses, ce parcours resserré se montre très didactique, et ravira les amateurs d’histoire comme de peinture. Ne manquez pas l’extrait de documentaire à visionner dans le grand salon voisin : l’éclairage du critique Hector Obalk sur le traitement de la main par les différents peintres maniéristes Del Sarto, Corrège et Bronzino est absolument passionnant.

 

Visuels : © Fra’ Bartolomeo, Portrait de Savonarole ; Ghirlandaio, Dame au voile ; Santi di Tito, Portrait de Marie de Médicis© Soprintendenza Speciale per il Patrimonio Storico Artistico ed Etnoantropologico e per il Polo Museale della Città di Firenze – Gabinetto Fotografico
Bronzino, Eléonore de Tolède © National Gallery of Prague

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Géraldine Bretault
Diplômée de l'École du Louvre en histoire de l'art et en muséologie, Géraldine Bretault est conférencière, créatrice et traductrice de contenus culturels. Elle a notamment collaboré avec des institutions culturelles (ICOM, INHA), des musées et des revues d'art et de design. Membre de l'Association des traducteurs littéraires de France, elle a obtenu la certification de l'Ecole de Traduction Littéraire en 2020. Géraldine a rejoint l'aventure de Toute La Culture en 2011, dans les rubriques Danse, Expos et Littérature. Elle a par ailleurs séjourné à Milan (2000) et à New York (2001, 2009-2011), où elle a travaillé en tant que docent au Museum of Arts and Design et au New Museum of Contemporary Art. www.slowculture.fr

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