Expos
Mode et bande dessinée, des influences fertiles

Mode et bande dessinée, des influences fertiles

25 June 2019 | PAR Laetitia Larralde

La CIBDI inaugure sa nouvelle exposition au thème accrocheur : Mode et bande dessinée. L’occasion de se pencher sur une relation entre les deux arts bien plus profonde qu’il n’y paraît.

La bande dessinée est un art aux limites fluctuantes et poreuses. Sa nature est hybride de par la combinaison du texte et de l’image, et elle emprunte régulièrement aux autres arts tels que le cinéma ou la photographie dans sa forme. En ce qui concerne le fond, elle est un miroir social précieux. Elle reflète la société dans laquelle elle est créée à de nombreux niveaux, même dans les récits de science-fiction. Témoin des grands faits historiques comme du quotidien, la BD parle de son époque, de ses idées, de ses idéaux. Tintin par exemple a abordé le colonialisme, le communisme russe, la guerre sino-japonaise, ou encore le fantasme des années 1950 de la conquête spatiale. Outre ce contexte historique, on note également que la BD reproduit l’architecture, le design, l’art ou encore le quotidien qui l’entoure. Le courant de la BD autobiographique, notamment au travers des blogs, retranscrit toute une série d’habitudes, d’objets, de façons de vivre contemporaines à leur création. Ce n’est que naturel que la mode soit elle aussi représentée dans le neuvième art.

La mode dans la BD

La façon dont les personnages sont habillés est un marqueur important. Elle détermine une position sociale, une profession, ou un rôle dans l’histoire. Fréquemment, le personnage conserve le même uniforme, ce qui permet une reconnaissance rapide par le lecteur, mais le place hors des fluctuations de la mode. La silhouette de marin de Corto Maltese est immédiatement identifiable, Spirou quitte rarement son costume de groom, et les mangas usent couramment de ce procédé, associé à une coiffure distinctive, pour différencier les différents personnages, composer leur identité.

A l’inverse, certaines BD prennent le parti de suivre la mode et composent à leurs héros et héroïnes une garde-robe digne des grands couturiers. Les comics américains allaient même jusqu’à intercaler dans l’histoire des pages avec les vêtements présentés et où les trouver dans la réalité, les personnages devenant ainsi mannequins de papier.
Cette pratique rappelle les paper dolls, ou poupées à habiller, qui remontent aux images d’Epinal. En découpant la poupée et ses tenues dans les magazines ou sur les planches dédiées, chacun avait accès aux vêtements de ses personnages préférés tout en ajoutant une troisième dimension à la BD. Saint-Laurent lui-même avait créé ses paper dolls, en prémisse à sa carrière.

Souvent tournées en dérision dans les scènes de comédies domestiques, par Winsor McCay par exemple, les élégantes et leurs frivolités sont également mises en valeur dans des albums dont l’action se situe dans le monde de la mode, comme Jeune fille en Dior d’Annie Goetzinger. Ces albums créent un véritable catalogue de looks, de silhouettes, formant une histoire de la mode subjective.

des échanges nombreux et variés

La bande dessinée et la mode ont différents niveaux d’influences l’une envers l’autre. Le dessin est une pratique commune aux créateurs de ces deux univers, créant des passerelles entre eux. Saint Laurent ou Dior dessinaient leurs modèles, comme le montrent les documentaires de Loïc Prigent diffusés dans l’exposition, et des auteurs de BD comme Edgar P. Jacobs ou Lorenzo Mattotti ont illustré des pages modes de catalogues et de magazines.

Saint-Laurent a été le seul créateur de mode à éditer une BD, la Vilaine Lulu, mais les auteurs de BD ont été plus nombreux à travailler dans la mode. Moebius a participé à la création de costumes de cinéma (Alien, Tron, le Cinquième élément…), Manara a créé le storyboard de la publicité du petit chaperon rouge pour Chanel et Claude Renard a participé à la création de bijoux.

La mode a attendu plus longtemps pour puiser son inspiration dans la BD. Moschino, Castelbajac ou encore Thierry Mugler se sont approprié les icônes pop de la BD et des comics sur leurs vêtements et accessoires. Parallèlement, un marché à destination des fans, plus geek et pop, s’est développé, proposant des motifs plus littéraux issus de la BD. Peu à peu la BD se diffuse dans la société et dans l’imaginaire et acquiert en même temps une certaine reconnaissance en tant que forme d’art.

Pour terminer le parcours, une petite pièce s’intéresse aux dessous féminins, avec un focus sur la BD érotique italienne. Cuir, latex et dentelles sont traités avec une minutie qui entraîne l’imagination.

On aurait aimé que chaque partie de l’exposition soit plus approfondie, mais avec ses deux cents œuvres présentées, le parcours est déjà dense. Espérons que cela donne des idées pour créer de nouvelles expositions creusant indépendamment chacun des thèmes abordés.

Pour compléter votre visite, ne manquez pas l’exposition des planches du futur album de Philippe Dupuy, Ne pas peindre, sur la vie du couturier Paul Poiret, également au CIBDI.

 

Mode et bande dessinée
Du 26 juin 2019 au 5 janvier 2020
Cité internationale de la bande dessinée et de l’image – Angoulême

Visuels : affiche de l’exposition / photos L. Larralde

“Alice et le maire” Fabrice Luchini tente de combiner la pensée et l’action politique
Ville Neuve, un voyage au pays du papier et de l’encre noire
Avatar photo
Laetitia Larralde
Architecte d'intérieur de formation, auteure de bande dessinée (Tambour battant, le Cri du Magouillat...)et fan absolue du Japon. Certains disent qu'un jour, je resterai là-bas... J'écris sur la bande dessinée, les expositions, et tout ce qui a trait au Japon. www.instagram.com/laetitiaillustration/

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration