Expos

Les paysages de Noémie Goudal au Grand Café

09 December 2021 | PAR Laetitia Larralde

Cet hiver, le Grand Café accueille Noémie Goudal pour sa première exposition monographique en France depuis celle du BAL en 2016. Une exploration du paysage qui va bien au-delà de la photographie.

Noémie Goudal observe le paysage. Elle montre le végétal, le minéral, l’eau, le feu, mais dans ses paysages, nulle trace de l’animal. Elle nous entraîne dans un temps pré-anthropocène, celui où les continents se séparaient, gardant des traces dans leurs profondeurs de connexions des terres et de climats radicalement différents. Car à la base du travail de Noémie Goudal se trouve une fascination pour les sciences de la terre, la géologie, la paléoclimatologie, les grandes expéditions scientifiques. A partir de découvertes telles que celle de la dérive des continents, de gisements de houille sous la glace de l’Antarctique ou de fossiles de palmiers, elle construit ses images de paysages mouvants.

Mais nous sommes ici dans le temps extrêmement long de la géologie. Le temps rapide de l’homme et des animaux est trop fugace pour marquer la pellicule. Noémie Goudal cherche donc à rendre perceptible ces mutations du paysage qui échappent à notre perception en superposant plusieurs strates d’images, inspirée du millefeuille géologique qu’est la Terre. Elle crée ainsi ses paysages en expérimentant divers procédés, soutenue dans sa démarche par le Grand Café. Son travail dépasse le cadre de la photographie pour devenir tantôt une vidéo, une performance filmée ou une installation.

Toutes les images que nous voyons, fixes ou animées, sont soigneusement composées. Noémie Goudal joue avec l’idée du cône de vision pour créer des trompe-l’œil, entre réalité et illusion. Par des procédés simples, elle transforme ses paysages. Dans sa série Décantation, les roches imprimées sur papier hydrosoluble s’érodent, laissant place à leur modèle réel. Dans Inhale Exhale, les photos de végétaux sont tirées hors de l’eau d’un marais par un système de poulies, se superposant au paysage existant. Le procédé est détectable dans l’image, mais la magie opère : la nature s’anime d’un mouvement lent et implacable, qui n’a pas attendu l’homme pour exister.

L’artiste a également travaillé la scénographie de l’exposition pour que le visiteur ait une expérience corporelle de la photographie. Les ambiances varient selon les œuvres, ainsi que leur taille ou leur support. La série Phoenix, plongée dans l’obscurité, est composée de grands tirages encadrés de façon classique, tandis que pour Study on Perspective III, on est enveloppés dans une anamorphose de grotte dont les grands lés qui la composent cachent ou révèlent des recoins du paysage minéral suivant notre place, dans la lumière des baies vitrées donnant sur la rue.

Noémie Goudal et le Grand Café nous proposent ici de jouer avec les codes de la photographie et de son exposition pour une réflexion sur le paysage géologique, la stratification des images et leur manipulation. Le temps et la perception sont troublés, et les œuvres nous rappellent une chose essentielle à notre époque inondée d’images : la réalité d’une image se trouve en regardant au-delà des diverses strates de manipulation, avec un pas de côté pour en saisir le hors-champ.

Noémie Goudal – Post Atlantica
Du 10 octobre 2021 au 02 janvier 2022
Le Grand Café – Centre d’art contemporain – Saint-Nazaire

Visuels : 1- Noémie Goudal, Décantation I, 2021, Série de 8 tirages, 45 x 34,2 cm chaque. Production Le Grand Café – centre d’art contemporain – Courtesy de l’artiste / 2- Noémie Goudal, Inhale Exhale, 2021. Film couleur, son stéréo, environ 8 min, Production Le Grand Café – centre d’art contemporain, Courtesy de l’artiste – Vue de l’exposition Post Atlantica au Grand Café – centre d’art contemporain, 2021 – Photographie Marc Domage / 3- Noémie Goudal, Study on Perspective III, 2021. Installation, dimensions variables – Production Le Grand Café – centre d’art contemporain – Courtesy de l’artiste – Vue de l’exposition Post Atlantica au Grand Café – centre d’art contemporain, 2021 – Photographie Marc Domage / 4- Noémie Goudal, Below the Deep South, 2021 – Film Full HD, couleur, son stéréo, 11 min 34 s – Courtesy de l’artiste / 5- Noémie Goudal, Phoenix III, VI et II, 2021. 200 x 149,4 cm, C-Print – Courtesy des galeries Edel Assanti et Les filles du Calvaire, et de l’artiste – Vue de l’exposition Post Atlantica au Grand Café – centre d’art contemporain, 2021 – Photographie Marc Domage

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Laetitia Larralde
Architecte d'intérieur de formation, auteure de bande dessinée (Tambour battant, le Cri du Magouillat...)et fan absolue du Japon. Certains disent qu'un jour, je resterai là-bas... J'écris sur la bande dessinée, les expositions, et tout ce qui a trait au Japon. www.instagram.com/laetitiaillustration/

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