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La répétition, l’obsession du recommencement

La répétition, l’obsession du recommencement

05 February 2023 | PAR Laetitia Larralde

Pour son nouvel accrochage semi-permanent, le Centre Pompidou Metz a invité Eric de Chassey à puiser dans les collections du Musée national d’art moderne des œuvres autour de la question de la répétition.

Si le Centre Pompidou Metz est une émanation du Centre Pompidou Paris, il a su se créer au cours de ces dix dernières années une identité propre, sur la base d’une collection commune. Mais avec ce nouvel accrochage semi-permanent, nous nous retrouvons à Paris, dans une ambiance étrangement familière. Une même scénographie – certes commune à de nombreux musées – d’espaces fluides et homogènes ponctués de cimaises blanches baignant dans une lumière mesurée, couplée à des œuvres issues d’une collection cohérente transporte le musée de Paris à Metz.

Mais ici, pas de parcours chronologique. La sélection d’œuvres nous entraîne plutôt dans une déambulation autour de la question vaste de la répétition dans l’art des XXème et XXIème siècles. Le terme recouvre de nombreuses significations qui se synthétisent dans le tableau de 1936 de Marie Laurencin, La répétition. En effet, le sujet est une répétition musicale, le recommencement d’une même œuvre jusqu’à sa parfaite maîtrise, le motif du visage se multiplie et la composition reprend celle des Demoiselles d’Avignon de Picasso.

Jusqu’à l’époque moderne, le processus artistique reposait sur une série d’études, de répétition du motif et d’entraînement jusqu’à atteindre le geste précis et la composition juste. Dans une certaine mesure, art et artisanat étaient encore reliés par une volonté d’atteindre l’excellence par la répétition d’un geste, d’un motif, d’une action. Mais la vision romantique de l’artiste isolé créant des chefs d’œuvres ex-nihilo a gommé le quotidien de l’artiste et l’importance du travail à fournir pour arriver à l’œuvre parfaite.

Ainsi, de nombreuses collections d’art moderne et contemporain semblent s’être constituées autour de l’idée du chef-d’œuvre unique, négligeant la documentation du processus créatif. L’artiste moderne continue pourtant à essayer ses idées, accumuler les études, persister dans une voie jusqu’à ce qu’émerge une œuvre. Mais celle-ci reste une étape sur laquelle l’artiste va rebondir et continuer ses recherches artistiques. L’œuvre considérée comme la plus aboutie mérite donc d’être replacée dans son contexte d’atelier, entre les esquisses, les pistes explorées et abandonnées et les œuvres plus anciennes.

Le thème de la répétition soulève également la question de la série, du multiple. Des artistes comme Warhol, Matisse ou Albers ont travaillé sur la répétition de mêmes images, de petites différences venant s’y glisser. Les techniques de l’estampe, souvent considérées de valeur moindre de par leur inhérent caractère sériel, sont souvent utilisées pour ces recherches de déclinaison. Mais l’accumulation contemporaine d’images et leur multiplication à l’infini, ainsi que la simplification jusqu’à l’essentiel par les recherches artistiques sur la géométrie amènent à penser que tout a déjà été créé et que l’artiste ne peut plus que répéter. Ainsi il s’approprie ce qui existe déjà et fait de la répétition le sujet même de son travail.

Appliquant donc ce principe, cet accrochage messin qui répète les parisiens le fait de façon contemporaine, en y glissant les « petites différences internes » chères à Gilles Deleuze. Sampling, upcycling, réappropriation ou hommage, la terminologie actuelle ne fait que donner un vernis contemporain au processus immémorial de la répétition. Bis repetita placent, ad libitum.

La répétition
Du 04 février 2023 au 27 janvier 2025
Centre Pompidou Metz

 

Visuels : 1- Marie Laurencin, *La Répétition*, 1936 – Paris, Centre Pompidou, Musée national d‘art moderne – Copyright : © Fondation Foujita / Adagp, Paris, 2022 – Photo : © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / image Centre Pompidou, MNAM-CCI / 2- Josef Albers, *Affectionate (Homage to the Square)* [Affectueux (Hommage au carré)], 1954 – Huile sur Isorel, 81 x 81 cm – Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne – Copyright : © The Josef and Anni Albers Foundation / Adagp, Paris 2022 – Photo : © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Bertrand Prévost/Dist. RMN-GP / 3- Marlene Dumas, *MSang mêlé* [Mixed Blood], 1996 – Ensemble de 6 éléments. Encre et peinture acrylique sur papier, 62,5 × 50 cm – Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne – Copyright : © Marlene Dumas – Photo : © Adam Rzepka – Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP / 4- Bernd et Hilla Becher, *êtes de hauts fourneaux* [Hochöfen], 1980 – 18 photographies noir et blanc – Épreuve gélatino-argentique, 59,2 × 49,5 × 1,5 cm (chaque) – Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne – Copyright : © Estate Bernd & Hilla Becher, represented by Max Becher – Photo : © Philippe Migeat – Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP

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Laetitia Larralde
Architecte d'intérieur de formation, auteure de bande dessinée (Tambour battant, le Cri du Magouillat...)et fan absolue du Japon. Certains disent qu'un jour, je resterai là-bas... J'écris sur la bande dessinée, les expositions, et tout ce qui a trait au Japon. www.instagram.com/laetitiaillustration/

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