Arts

La mode et l’art de vivre dans les Années folles, Art déco, pastels… un été artistique à Saint-Quentin

25 August 2021 | PAR Christophe Dard

Jusqu’au 19 septembre 2021, la cité axonaise propose deux expositions passionnantes qui mettent en lumière le dynamisme et la richesse du patrimoine Saint-Quentinois, notamment le Palais de l’Art déco et un natif de la cité picarde, le peintre Maurice Quentin de La Tour, pastelliste d’exception.

 

Il a connu une première ascension puis la destruction et une nouvelle gloire d’une dizaine d’années avant de devenir un lieu de fêtes puis finalement cela se termine par un cruel abandon de plusieurs décenniesLe Palais de l’Art déco de Saint-Quentin a connu les sautes d’humeur de l’histoire et de l’économie, passant en quelques années du statut de demoiselle gracieuse et fardée de lumière à une dame dont on se souvient mais que l’on ne regarde plus, la laissant se couvrir de rides et d’amertume.

L’histoire débute en 1894. Un entrepreneur, Antoine Delherme, ouvre à Saint-Quentin, rue de la Sellerie, l’artère la plus commerçante de la ville, un nouvel établissement commercial, Le Grand Bazar. A cette époque, les grands magasins sont à la mode, notamment à Paris. Quelques années plus tard, le site prend le nom de Nouvelles Galeries. Mais Saint-Quentin est quasiment détruite pendant la Première Guerre mondiale. L’immeuble commercial est rasé par l’artillerie des armées françaises et anglaises et il ne reste quasiment plus rien des années florissantes jadis connues des Saint-Quentinois.
Sur les ruines fumantes d’une prospérité envolée, la cité se reconstruit et le style Art déco prend ses quartiers notamment pour un immeuble qui abritera les Nouvelles Galeries, un projet aussi ambitieux qu’original imaginé par l’architecte Sylvère Laville puis achevé par Pierre Delherme, le fils du fondateur du Grand Bazar. Baptisé le Grand Magasin, le nouveau lieu est inauguré en grandes pompes le 9 avril 1927. C’est une réussite qui mérite bien le surnom de « cathédrale du commerce ». Le bâtiment, sur cinq niveaux et dominé par une terrasse panoramique, est vaste, moderne, lumineux et célèbre un ménage à trois qui vit en bonne entente, le béton, le verre et le fer forgé. Les lignes et les couleurs vives de l’art déco sont en harmonie totale.

Imaginez l’ambiance: vous prenez l’ascenseur et un groom annonce chaque étage. Au coeur de cette ruche, les élégances déambulent dans les rayons, symboles de cette insouciance des Années folles qui ont alors la naïveté et la candeur de croire que la guerre ne reviendra pas. Le luxe s’affiche dans des vitrines aussi alléchantes les unes que les autres. Robes, souliers, sacs à main en peaux exotiques provenant des colonies françaises d’Afrique, lingerie, éventails, gants, chapeaux… les femmes désireuses d’émancipation après la Première Guerre mondiale ont l’embarras du choix et il leur est bien difficile de résister. Tout est mis en place pour les inciter à acheter. Des mannequins portent les dernières créations et des défilés de mode sont organisés. Les prix fixes affichés et la publicité portent la traîne de ces mariées distinguées.

Outre l’habillement, les acheteuses peuvent aussi se procurer des bijoux, du maquillage pour ressembler aux stars du cinéma américain, du savon, des cosmétiques, notamment des lotions pour avoir le teint hâlé car être pâle n’est pas à la mode, et bien sûr du parfum. Les années 1920 marquent l’avènement des fragrances comme celles de François Coty. Les maisons Cartier, Chaumet, Boucheron, Vuitton, Chanel ou Lanvin rivalisent d’imagination pour élaborer les pièces les plus parfaites. Les hommes ne sont pas en reste non plus et trouvent leur bonheur pour être chics, jamais sans une canne et un beau chapeau, dans la plus pure tradition des dandys.

Durant les Années folles, les Nouvelles Galeries proposent aussi des objets du quotidien, des vaisselles, des nécessaires de toilette, des meubles et des objets décoratifs tels les vases en céramique de René Buthaud. L’exposition met aussi l’accent sur les jouets pour enfants qui connaissent un essor à partir des années 1920, Noël marquant le moment le plus attendu des petits mais aussi des grands.

Hélas, au cours des années 1930, dans la foulée du krach boursier de 1929, les Nouvelles Galeries souffrent de la crise économique et ferment en 1936. Devenu un lieu de fêtes et de bals avant de tutoyer l’oubli, le Palais de l’Art déco rouvre ses portes en 2015 pour accueillir de grandes expositions.

INFORMATIONS PRATIQUES :
Le Grand Magasin – Mode et arts de vivre des années 1920-1930
Palais de l’Art déco
14 rue de la Sellerie 02100 Saint-Quentin
Ouvert du mardi au dimanche de 14h à 18h

 

Les armes de la séduction. Accessoires de mode et de beauté au siècle des Lumières au musée des Beaux-Arts Antoine Lécuyer

Construit dans un écrin néo-classique durant l’entre-deux-guerres, le musée des Beaux-Arts Antoine Lécuyer possède une collection de pastels unique au monde, notamment le fonds d’atelier de Maurice Quentin de La Tour, un portraitiste né à Saint-Quentin en 1704 et au carnet d’adresses plutôt bien rempli. Parmi ses modèles figurent en effet Louis XV, la famille royale, Madame de Pompadour, les principaux personnages de la Cour, des princes, Voltaire, Rousseau… Dans tous ses portraits, l’âme est caressée avec délicatesse mais elle ne peut pas se défiler car le pastel est un miroir qu’aucune émotion ne peut trahir. Diderot qualifie Quentin de La Tour de « machiniste merveilleux ». 

Au cours du 19ème siècle, les pastels de l’artiste, qui n’ont jamais quitté sa cité natale, sont exposés dans un hôtel particulier que le banquier Lécuyer lègue à la municipalité. Lorsque le public découvre ces portraits à partir de 1886, il est sous le charme. Degas, Gauguin et Matisse comptent parmi ces visiteurs ravis mais aussi les Allemands pendant la Première Guerre mondiale. Transférés à Paris, les pastels reviennent à Saint-Quentin en 1932 et sont à nouveau exposés au musée Antoine Lécuyer, reconstruit dans un style néo-classique. Aujourd’hui, le fonds d’atelier de Maurice Quentin de la Tour est présenté dans trois salons ainsi que des pastels de ses contemporains mais aussi d’artistes des 19 et 20èmes siècles.

L’exposition dévoile également des peintures des écoles italiennes, nordiques et françaises du 17 au 20ème siècles, des sculptures, des porcelaines chinoises et japonaises, des faïences, des ivoires sculptés, du mobilier et des œuvres des années 1920-30 qui témoignent de l’histoire de Saint-Quentin.
Sont également montrées au public des pièces rares, chaussures, dentelles, chapeaux, coiffes, montres, parfums, cosmétiques… Les armes de la séduction sont multiples mais leur champ de bataille est pacifique et tout n’est que luxe, raffinement et volupté.

INFORMATIONS PRATIQUES :
Les armes de la séduction. Accessoires de mode et de beauté au siècle des Lumières
Musée des Beaux-Arts Antoine Lécuyer
28 rue Antoine Lécuyer 02100 Saint-Quentin
Ouvert du mardi au dimanche de 14 à 18h et les mercredi et samedi de 10h30 à 12h30 et de 14h à 18h
03 23 06 93 98
[email protected]

Christophe Dard

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Christophe Dard
Titulaire d’un Master 2 d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Christophe Dard présente les journaux, les flashs et la chronique "L'histoire des Juifs de France" dans la matinale (6h-9h) sur Radio J. Il est par ailleurs auteur pour l'émission de Franck Ferrand sur Radio Classique, auteur de podcasts pour Majelan et attaché de production à France Info. Christophe Dard collabore pour Toute la Culture depuis 2013.

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