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“Jordaens, la gloire d’Anvers” au Petit Palais

“Jordaens, la gloire d’Anvers” au Petit Palais

18 September 2013 | PAR Géraldine Bretault

Pour inviter le public à redécouvrir l’œuvre d’un peintre relativement mal connu en France, le directeur du musée du Petit-Palais a souhaité mettre toutes les chances de son côté en misant sur la contextualisation pédagogique. Une initiative cohérente et enrichissante.

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À l’évocation de la peinture flamande du XVIIe siècle, le premier nom qui effleure nos lèvres est souvent celui de Rubens, suivi éventuellement de Van Dyck. Une gloire due bien sûr au talent du grand maître anversois, mais aussi à sa carrière européenne, qui avait fait sa renommée de son vivant. Jacques Jordaens était actif au même moment, seulement il n’a guère quitté sa ville natale. Au-delà des clichés sur la nature rapidement qualifiée de “truculente” ou “rustique” de sa peinture, il semblait nécessaire de réévaluer l’ensemble de sa carrière pour lui attribuer la place qui lui revient dans l’histoire de l’art.

Les commissaires ont imaginé un parcours thématique qui permet de redécouvrir des pans méconnus de l’activité de Jordaens (notamment la peinture religieuse), ponctué de pauses pédagogiques visant à resituer le contexte historique et culturel de la production de son atelier. Les détracteurs des scénographiques d’exposition trop littérales leur reprochent généralement de tirer le contenu vers l’anecdotique au détriment de la présentation érudite des œuvres. Le résultat ici nous a semblé probant, offrant divers niveaux de lecture.

En guise de préambule, nous foulons le plan de la ville d’Anvers telle qu’au XVIIe siècle. Une carte nous rappelle sa situation historique à l’époque, véritable bastion de la Confre-Réforme catholique à la frontière des Pays-Bas du nord protestants. À peine franchissons-nous la façade de la maison de Jordaens, que nous pénétrons au cœur de la vie artistique de l’époque : la ville avait beau subir un sérieux déclin économique, elle survivait grâce à son artisanat et son industrie du luxe. Jordaens dirigeait une vingtaine d’assistants dans son atelier, et nous pouvons appréhender son aisance à travers son autoportrait en famille.

Sous l’impulsion d’Isabelle et d’Albert d’Autriche, qui dirigent les Pays-Bas du sud pour le compte de la couronne d’Espagne, la commande religieuse était abondante. La galerie Seine reconstitue la nef d’une église, dominée par une crucifixion d’autel. Une prédelle de Rubens traitant de La Nativité permet au passage la confrontation avec une grande Adoration des bergers de Joardens : si ce dernier a naturellement subi l’influence de celui qui fut son maître,  leurs divergences s’affirment rapidement. Jordaens remplit ses compositions jusqu’à saturation, faisant  jaillir le sentiment de vie de la promiscuité entre ses personnages et son bestiaire. Son sens du réalisme se vérifie à la présence nombreuse d’animaux sur la plupart de ses toiles.

Après avoir dépassé un petit cabinet à dessin qui ravira les amateurs, une grande arche nous attend dans la prochaine section, reproduction à taille réduite d’un décor éphémère auquel Jordaens avait participé. La section consacrée à l’Atelier est particulièrement parlante : les enfants où artistes en herbe pourront s’essayer au coup de crayon sur place, tandis que le contenu sur les cimaises n’en reste pas moins sérieux : nous admirons le travail sur les têtes d’expression, véritable répertoire de “trognes” à la disposition du maître et de ses assistants, et nous pouvons comparer ce qui distingue une toile entièrement autographe (Le satyre et les paysans) d’une “copie d’atelier” (non pas une simple copie ou une contrefaçon, mais une déclinaison sérielle par les assistants ou élèves du maître). L’objectif des commissaires tout au long du parcours consiste à familiariser le public avec les réalités d’un atelier avant que n’émerge la figure plus connue de l’artiste bohème au XIXe siècle.

Les plus célèbres toiles de la série Le Roi boit sont bien sûr à l’honneur dans la section Citation et proverbes, avant une enfilade plus conventionnelle de tableaux consacrés au portrait, puis à la mythologie. Une dernière salle nous présente enfin l’importance de la tapisserie à Anvers au XVIIe siècle, à travers des cartons de la main de Jordaens et des tentures d’époque. Pour finir, un atelier tactile présenté sous la forme d’un cabinet de curiosités permet de prolonger la visite, autour de petites quenouilles de laine ou encore d’échantillons de tissus admirés dans les tableaux.

La mise en contexte familiale et pédagogique semble donc tenir son rôle sans jamais altérer la visite classique. Et si la touche de Jordaens n’a pas toujours la qualité enlevée de celle de Rubens, sa (re)découverte vaut parfaitement le détour.

 

http://www.dailymotion.com/video/x14lrs5_jordaens-au-p-etit-palais_creation?start=5

Visuels : autoportrait de l’artiste en famille © Madrid, Musée national du Prado
L’Adoration des bergers © Musée de Grenoble
Les Quatre évangélistes © RMN-Grand Palais/René-Gabriel Ojéda
Satyres et bergers © Musées royaux Beaux-Arts de Belgique / Photo J. Geleyns
Le Roi boit © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique / Photo J. Geleyns

Infos pratiques

Musée national Fernand Léger de Biot
Musée d’Ethnographie de Bordeaux 2
musee_du_petit_palais

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