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Grön Attitude et D’après Nature, l’Institut Suédois se met au vert

Grön Attitude et D’après Nature, l’Institut Suédois se met au vert

01 July 2015 | PAR Alice Aigrain

Avec la saison Grön Attitude (comprenez l’Attitude Verte), l’institut suédois entend accompagner la conférence climat de l’ONU – qui se tiendra à Paris en décembre 2015 – avec une programmation d’évènements culturels permettant de réfléchir sur le monde durable. Pour cela le musée explore le rapport à la nature dans l’art suédois à travers l’exposition D’Après Nature.

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Une femme en pleine engueulade avec une cascade, un essaim de moustique arrêté en plein vol, des plantations de patates interdites… L’exposition pose la question de notre rapport à la nature. Notre dégout autant que notre attirance, notre peur de sa puissance autant que notre fascination, notre envie de la patrimonialiser autant que de l’exploiter pour qu’elle se plie à nos exigences de confort et de profit. Quel rapport les artistes entretiennent-ils avec la nature en tant qu’objet culturel ? Puisque force est de constater que la nature est intimement liée à l’image qu’on a d’elle, et que l’Homme n’a cessé de vouloir la conformer à l’idée qu’il s’en faisait en son temps. La notion de « Paysage » telle qu’elle est employée par les géographes comprend d’ailleurs la complexité de ce rapport de l’Homme à la nature. Afin de répondre à cette interrogation, l’Institut à convoquer 3 artistes suédois qui explorent chacun à leur manière cette problématique.

Le travail d’Åsa Sonjasdotter orne la cour et le café suédois. Des plants de pommes de terre et des reproductions de textes historiques créent une installation qui prend la forme d’un cours sur l’histoire de France vu à travers le prisme de la tubercule, si commune de nos assiettes, qui a par exemple permis aux parisiens de ne pas mourir de faim pendant la commune, puisqu’elle fut planté dans tous les jardins de la capitale. Aujourd’hui pourtant quand Åsa Sonjasdotter plante quelques pieds dans la cour de l’Institut, elle brave la loi. Pourquoi ? Parce que toutes les variétés choisies ne font pas partie de la liste de celles autorisées à circuler librement en Union Européenne. L’Homme a fait plier la diversité de l’écosystème par une loi qui a évincé bon nombre de variétés de pomme de terre qui ont participé à l’histoire que l’artiste nous raconte. Leur crime n’étant pas d’être non comestible mais d’être trop diverse génétiquement et de ne pas être inscrite au catalogue européen. Si l’inscription à ce catalogue se fait sur critère de condition environnemental, de diversité et de stabilité génétique, il n’en demeure pas moins que par le fait de légiférer la nature, nous parvient une vision parcellaire de ce qu’est la variété naturelle.

Henrik Håkansson est lui un naturaliste, qui tente de présenter la nature le plus objectivement possible par le recours à des méthodes scientifiques. Son installation Indefinite Swarms est composée de papier collant attrape moucheron bien remplit d’essaims qui ont croisés le chemin de ce piège. Située à distance raisonnable de l’entrée de la salle, le visiteur perçoit d’abord des toiles abstraites entachées de traces grises à l’organisation spatiale tout à fait harmonieuse bien que semblant aléatoire. Ce n’est qu’en s’approchant que cette plaisante œuvre se confronte à notre dégoût face à ce cimetière de nuisibles petits insectes. Pourtant l’harmonie perçue est intrinsèquement liée à ce que l’artiste appelle le « désordre organisé » du règne végétal comme animal. Comme la structure du flocon de neige fascine l’être humain par sa beauté et sa parfaite cohérence, ici Henrik Håkansson, essaye de démontrer que même un essaim d’insecte comporte une organisation tout aussi digne d’intérêt.

Ce questionnement de l’ambivalence de notre rapport à la nature orienté autour d’une dualité fascination/dégout se retrouve chez Hanna Ljung. Sa photographie Vivisection II : Monochrome 1-2, Dust to Dust, représente un assemblage de couches successives de terre et de matériaux industriels noirs. L’aspect repoussant de ce mélange de matières visqueuses et sales n’empêche en rien un résultat esthétisant qui n’est pas sans rappeler les Outrenoirs de Soulages. Dans d’autres de ses œuvres présentées elle se penche sur l’aspect culturel d’une nature perçu par l’homme à travers ses connaissances et ses croyances. Son œuvre Retaliation par exemple reprend une scène de La Source d’Ingmar Bergman de 1960, qui elle même renvoie à un rite nordique du XIVe siècle, elle inscrit ainsi son œuvre dans une histoire de la perception de la nature en Suède.

L’exposition se distingue une fois encore par son aspect très documenté et didactique. Il est cependant dommage que ne soit pas abordé la question de la place si importante de la Nature dans la création artistique contemporaine scandinave en général. Exploitant au mieux son espace si agréable, l’Institut Suédois produit comme à son habitude une exposition de qualité. Idéale pour une découverte en famille par sa petite taille, et enrichit par un riche programme d’événements ludiques (la récolte des pommes de terre ravira les plus jeunes des visiteurs), la visite de l’exposition pourra également être un bon prétexte pour profiter du l’institut, de son jardin et de son café.

© Hanna Ljung (Vedergällning, 2007, vidéo, 4’29)

Infos pratiques

Théâtre Artistic Athévains
La Ménagerie de Verre
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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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