Expos

Crépuscule des dieux : les derniers monarques, une exposition à Ratisbonne

16 August 2021 | PAR La Rédaction

Ratisbonne, en Bavière, accueille cette année l’exposition annuelle du Land de Bavière consacrée au déclin des monarchies. Une expo qui séduira tous ceux et celles que fascinent ces figures mythiques aux destins souvent tragiques, parce qu’elle nous les rend proches. Les passionnés d’histoire y trouveront leur compte tout comme les amis de Sissi ou du roi Louis II de Bavière.

Par Luc-Henri Roger

L’exposition couvre la période qui va de la mort du roi Louis II de Bavière en 1886 à celle du roi Louis III en 1921. Elle met l’accent sur les familles de Sissi, l’impératrice d’Autriche, du prince régent Luitpold de Bavière, de la reine Victoria de Grande-Bretagne et de l’empereur Guillaume II, et illustre les façons d’être et les destins de la dernière génération de souverains avant la révolution de 1918.

Parcours

La fin de siècle est caractérisée par un important essor économique, des innovations techniques et des envolées culturelles, mais aussi par des tensions politiques et sociales. Le pouvoir politique des souverains s’affaiblit rapidement. Certains tentent de compenser leur perte d’importance, d’autres se réfugient dans la sphère privée. Les assassinats et les soulèvements menacent l’ordre existant. À la suite des révolutions survenues au cours de la Première Guerre mondiale, la plupart des monarques européens perdent finalement leur couronne. Les tragédies se succèdent dans les grandes maisons régnantes.

Prologue : la mort mythique du roi Louis II

La mort tragique du roi solitaire a fait de lui une icône, ses funérailles deviennent un événement qui attire toute la haute noblesse européenne, dont le déclin s’accélère. On assiste au crépuscule des dieux. L’exposition met en scène les funérailles du roi avec la projection de photographies d’époque illustrant la chapelle ardente et le cortège funèbre, les moulages en bronze de la face et d’une main du souverain décédé ou les brins de jasmin séchés que Sissi fit déposer sur la dépouille de son cousin. Le masque funèbre du roi est dupliqué de manière à ce que le public et notamment les malvoyants puissent le toucher et, pour qui vénère la mémoire de ce roi, c’est avec une grande émotion qu’on peut lui caresser le visage. À voir le bouquet de jasmin on comprend l’émotion de l’impératrice qui venait de perdre son plus cher parent.

Les “temps nouveaux” : un monde en mutation

Les progrès techniques et industriels, ainsi que les nouvelles découvertes scientifiques, changent fondamentalement la vie des gens. L’art et la littérature ouvrent de nouvelles perspectives. L’art nouveau (Jugendstil) triomphe au début du siècle. Les classes ouvrières et les classes moyennes exigent de participer plus activement à la vie politique. Vélos, motos, téléphones, électricité, phonographes et zeppelins voisinent avec les têtes sculptées de Nietzsche, Marx, Einstein ou Freud. On s’étonne de voir que ces objets aujourd’hui banalisés ont fait alors leur apparition et ont rapidement transformé les habitudes sinon les mœurs, comme ce fut par exemple le cas de l’usage du vélo par les femmes.

De la Bavière à l’Europe – La vie des monarques en portraits

Quelles sont les options dont disposent les monarques “par la grâce de Dieu” en ces “temps nouveaux” ? Gouverner, représenter ou démissionner ? Ce sont les questions que se posent les constellations familiales de ces étoiles que sont Sissi et François-Joseph, le prince régent Luitpold et de la reine Victoria. Plusieurs grands nobles cherchent même à faire fortune en exerçant une profession bourgeoise. La parure nuptiale en or de Sissi voisine avec ses portraits et ses robes somptueuses. Sa fratrie est elle aussi largement représentée : l’ex reine de Naples qui a perdu son royaume, Sophie Charlotte, fiancée éconduite du roi Louis II avant de devenir duchesse d’Alençon et de périr dans l’incendie du Bazar de la Charité, Hélène qui épousa un Tour et Taxis après avoir vu s’évanouir son rêve impérial, Charles Théodor qui devint un brillant ophtalmologue et qu’un tableau représente comme un simple étudiant parmi ses pairs suivant attentivement des cours de médecine dans un auditoire viennois. On le comprend, certaines de ces divinités ont entamé leur descente du Panthéon.

Assassinats et révoltes : l’ordre ancien menacé

Le système monarchique est confronté à des attaques de plus en plus violentes. L’assassinat de l’impératrice Élisabeth n’est qu’une des nombreuses tentatives d’assassinats qui secouent le monde. L’incertitude et le chagrin accompagnent la noblesse. On est bouleversé d’avoir sous les yeux la lime triangulaire de Luigi Lucheni et tout à côté un moulage de la main de l’impératrice défunte. Des portraits de Mary Vetsera et la lettre d’adieu de l’archiduc Rodolphe à son épouse Stéphanie de Belgique rappellent la tragédie de Mayerling. Des tableaux et des gravures évoquent le court règne et l’exécution de Maximilien d’Autriche, empereur du Mexique.

1913 : La dernière danse

L’année 1913 marque le dernier point culminant des festivités de la cour à l’ancienne. L’aristocratie européenne fait la fête. À Berlin, le mariage de la fille de l’empereur, en Russie, le tricentenaire du trône des Romanov et à Munich, l’accession au trône du roi Louis III. Ce monde ne sait pas, ou ne veut pas savoir, qu’il est sur le point de s’effondrer.

La Première Guerre mondiale : la monarchie en vert de gris

En dépit des alliances familiales et politiques, les monarques devenus ennemis s’affrontent lors de la Première Guerre mondiale. Quels rôles jouent-ils, ainsi que leurs familles, sur le terrain et sur le “front intérieur” ? L’exposition suit les parcours des représentants de la famille Wittelsbach pendant la Grande Guerre.

Finale — Révolutions et abdications

La révolution de novembre 1918 a conduit au renversement des dynasties qui avaient régné sur l’Empire allemand pendant des siècles. Cependant, les bouleversements survenus au cours de la Première Guerre mondiale ont également coûté leur trône à d’autres têtes couronnées en Europe.

Épilogue — Funérailles monarchiques à l’époque républicaine — Le dernier roi de Bavière

Louis III est enterré dans l’État libre de Bavière en 1921 avec des funérailles véritablement monarchiques auxquelles participe la population. Ces dernières funérailles sont aussi l’expression de la nostalgie de ceux qui ne se sentent pas chez eux dans la République et regrettent le “bon vieux temps”.

La nostalgie de la période monarchique est toujours aujourd’hui bien présente en Bavière, où l’attachement au Roi Louis II et à sa cousine Sissi est encore bien vivant. La visite de cette exposition se termine avec une envie de reviens-y. Et en attendant, le catalogue très précis et bien documenté permet d’approfondir ce que les yeux parfois trop humides n’ont eu l’occasion de voir qu’avec le cœur.

Visuels : © Marco Pohle

Renseignements pratiques : jusqu’au 16 janvier 2022 à la Maison de l’histoire bavaroise à Ratisbonne (Haus der bayerischen Geschichte in Regensburg).
Plus d’infos/Source : https://www.hdbg.de/basis/ausstellungen/aktuell/goetterdaemmerung-ii/goetterdaemmerung-ii.html [DE]

 

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La Rédaction

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