Comment les Romains s’éclairaient-ils ? Une expo passionnante aux Collections nationales d’antiquités de Munich
” Avant de chercher l’homme,
on doit avoir trouvé la lanterne. “
Nietzsche
Comment les Romains de l’antiquité s’éclairaient-ils ? Quelles techniques utilisaient-ils pour produire de la lumière artificielle ? Et comment tentaient-ils d’expliquer le phénomène même de la lumière et l’acte de voir ? Quelles étaient leurs approches scientifiques, technologiques, mais aussi philosophiques de la vision ? Ces questions sont au cœur de la nouvelle exposition des Collections nationales d’antiquités de Munich.
par Luc-Henri Roger
L’exposition “Neues Licht aus Pompeji” aborde la question de ce que nous ne pouvons plus voir : la lumière des temps passés. Elle se penche sur la lumière artificielle dans le monde romain, une lumière que les gens avaient créée pour continuer à vivre une fois la nuit venue ou dans les endroits non éclairés par la lumière du jour. Les objets exposés proviennent de Pompéi, car il s’agit de la ville de l’Antiquité gréco-romaine qui a conservé le plus d’outils d’éclairage différents : le terrible cataclysme de l’éruption du Vésuve en 79 de notre ère avait provoqué le tragique ensevelissement de la ville, une catastrophe apocalyptique dont le seul bénéfice fut de permettre la conservation d’un nombre considérable d’objets utilisés pour les besoins de la vie quotidienne.
180 objets originaux en bronze ont voyagé jusqu’à Munich depuis les villes proches du Vésuve : des lampes à huile, des candélabres, des pieds de lampe ainsi que des torches et des porte-lampes figuratifs. De nombreux objets proviennent des réserves du Musée archéologique national de Naples, dont certains n’ont plus été exposés depuis le 19e siècle, d’autres le sont pour la première fois. C’est à la doctoresse Ruth Bielfeldt, professeure à l’Université Ludwig-Maximilian de Munich, que l’on doit le projet de recherche “Nouvelle lumière de Pompéi”, un projet archéologique interdisciplinaire dont les découvertes sont présentées pour la première fois au public. De nombreuses pièces ont été restaurées spécialement pour cette exposition.
L’éclairage, forme culturelle de technologie essentielle à la formation des communautés humaines, fournit une clé pour une nouvelle compréhension de la vie dans la Rome antique. Les banquets, la religion, la magie, le sexe, le travail intellectuel, toutes ces activités ont besoin de lumière. L’exposition nous invite à nous plonger dans la nuit romaine, révélant la maison romaine comme un lieu de semi-obscurité, tout en éclairant l’histoire visuelle et conceptuelle de l’ombre.
La citation de Friedrich Nietzsche en épigraphe est basée sur une anecdote concernant le philosophe antique Diogène de Sinope : lorsque le cynique se rendit au marché un matin, il emporta une lampe allumée. Lorsqu’on lui demanda pourquoi il portait une lanterne en plein jour, il répondit : ” Je cherche l’homme “. Cette perspective anthropologique de la lumière en tant que moyen de communalité sert de fil conducteur à l’exposition, dont l’intention est d’attirer continuellement l’attention sur le fait que le monde antique nous est à la fois familier et étranger.
Des lampes créées par le célèbre concepteur d’éclairage munichois Ingo Maurer sont intercalées dans l’exposition. Poétiques, ludiques, pleines d’esprit, mais aussi subversives, ces créations artistiques nous permettent de faire un saut de plus de deux mille ans dans les techniques d’éclairage. L’exposition nous rappelle constamment que l’art se marie avec la technique. La plupart des pièces exposées sont aussi des œuvres d’art qui nous racontent l’histoire des mentalités. Par exemple, ces lampes à huile dont l’anse est en forme de coq ou d’oie : ces animaux sont associés au réveil ou à la vigilance ; ou cette lampe à huile dont le réflecteur est une chauve-souris aux ailes déployées, un animal nocturne qui sait se diriger dans l’obscurité.
Crédits : © J.Eber (photographies officielles de l’exposition) et © Luc-Henri Roger.
Une exposition fascinante qui peut se visiter du mardi au dimanche aux Antikensammlungen de la Königsplatz jusqu’au 2 avril 2023. Un catalogue (en allemand) est en vente pour le prix de 30 euros à la caisse du musée ou au prix de 35 euros en librairie. À noter que l’affichage explicatif est uniquement en allemand. Les textes traduits en anglais s’empruntent à la caisse du musée.