Cher Futur moi- Irvin Anneix investit le MAgasin de la scène nationale de Montbeliard
Le jeune artiste vidéaste poursuit son exploration du dedans et du dehors de la jeunesse française, face caméra, demandant à des adolescents d’envoyer un message à leur Futur moi, celui et celle qu’ils/elles seront devenu.e.s dans dix ans.
L’aventure, amorcée en 2016 avec la société de production narrative fait aujourd’hui étape dans un ancien magasin de chaussures où Yannick Marzin et son équipe ont posé leurs valises pour quelques mois. Bail précaire du centre-ville où l’on voudrait capter ce public souvent éloigné des espaces académiques où la culture tente de se rendre audible. Pas évident, mais avec Irvin Anneix, la magie peut opérer. Le dispositif qu’il a peu à peu affiné se joue, en effet, des chausse-trappes de l’offre culturelle ordinaire. En proposant ce face-à-face personnel aux adolescents, il permet de lever les freins sur cette exposition de soi, “voilement et dévoilement” qui nourrissent cette intimité numérique dont se gorgent à longueur de posts les réseaux sociaux.
Une petite story. “Je suis le gardien de leur mémoire” affirme Irvin Anneix qui accompagne, remonte les témoignages afin de donner à chaque saison de “Cher futur moi” (France, Afrique, Outre-mer, bientôt Canada) une idée large de ce qu’il peut se passer dans la tête d’un ado. “Dans la tête”, c’est-à-dire à la fois sur les plans cognitif et émotif; sur tout ce qui peut composer une attitude mise en récit, une petite story. Bien sûr, l’adolescence se prête à une plus forte théâtralisation du “moi” et ce d’autant que le challenge n’est pas simple. Comment s’adresser à cet autre que l’on espère devenir et qui pourtant, demeure abstrait, extrêmement théorique. La prétention de la culture du numérique à tout représenter, à encapsuler passé et futur dans un temps réel vibratoire atteint ses limites. Le propos, avec bonheur, se fait hésitant, avec beaucoup de “peut-être”, beaucoup de “j’espère” : j’espère que tu n’es pas devenu un gros connard, j’espère que tu as arrêté de grandir (1.85m). J’espère que je parle à une personne toujours en vie…
Veillée numérique. Tous espèrent le bonheur, mais qu’est-ce que le bonheur quand on a 15 ans ? Parfois, juste l’espoir d’avoir des enfants, d’améliorer les relations avec la famille ou de vivre pleinement une sexualité qui se nomme autant qu’elle se vit. Parfois, souvent, les jeunes s’adressent à leur “futur moi” sur un ton paternaliste, mimant cette relation “d’égal à égal” qu’Irvin Anneix veut instaurer avec eux. Parfois, ils sont accompagnés de leurs parents et les diffusions vidéo sont l’occasion de rapprochement, d’un réancrage. On pense aux veillées traditionnelles où les générations se retrouvaient au coin du feu pour échanger des histoires.
No Future. Et si Irvin Anneix avait inventé la veillée numérique ? Que cette audace consistant à jeter un peu de son moi dans le brouhaha des réseaux sociaux permettait de s’affirmer parmi les autres; prêts à s’entendre, mais du coup –aussi- à écouter. L’expérience est visiblement galvanisante pour chacun, même si au-delà du cercle de collégiens, lycéens, les jeunes sortis du système scolaire, déjà abîmés par l’existence ont préféré ne pas participer, confiant à Irvin Anneix que de futurs, ils n’en voyaient pas. Au magasin, ils se sont occupés d’aménager une installation : une chambre d’ado, colorée et chargée d’images. Une chambre que sans doute, ils n’ont jamais eue.
Jusqu’au 31 mars au MAgasin de la scène nationale de Montbéliard.
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Crédit photo : MA scène nationale