Body Talk au Frac Lorraine : six artistes africaines parlent de féminisme
“Tu crois vraiment que parce que je suis noire je baise mieux ?” s’exclame Valérie Oka en néon rouge vif sur fond blanc. La brutalité de cette œuvre à la luminosité quasi aveuglante est à l’image de l’exposition Body Talk : féminisme, sexualité et corps, accueillie par le FRAC Lorraine du 30 octobre 2015 au 17 janvier 2016 : violente, furieuse et engagée. À travers les œuvres de six artistes africaines, Body Talk dessine les contours d’un cri du corps féminin noir, corps meurtri par les fantasmes coloniaux et ici petit à petit réapproprié.
Être femme, être noire et être artiste, c’est être radicale. Du moins, c’est l’image que ces six artistes doivent supporter, assumer, transformer. Leurs œuvres n’ont jamais été plus cohérentes qu’entre les murs du FRAC Lorraine : institution discrète mais importante, le FRAC Lorraine s’est toujours fait un devoir de soutenir les artistes dits « invisibles » et réitère, ici plus que jamais, cette volonté de mettre en valeur des œuvres à la portée politique sensible.
Il y a tout d’abord Billie Zangewa et ses sublimes broderies sur soie : avec Renaissance de la Vénus Noire (2010), l’artiste transforme le symbole ultime du corps féminin noir martyrisé – la Vénus Hottentote – en femme puissante, qui s’élève au-dessus d’une ville active entourée des mots « abandonne-toi sans retenue à ta complexité ».
Puis il y a les collages géniaux de Zoulikha Bouabdellah : découpant des posters de peintures de grands maîtres (on croise Courbet et Vélasquez) selon des formes typiquement arabisantes, elle fait cohabiter l’Orient et l’Occident dans des images délirantes, où les seins, les fesses et les jambes alanguies des demoiselles blanches côtoient les lignes arabes. Sur le même thème, elle rend un hommage tout particulier à Louise Bourgeois en produisant une araignée avec des arcs de l’architecture maghrébine… Il y a de la délicatesse, de la générosité et beaucoup d’humour dans cet art au croisement des influences.
Plus violente, l’œuvre de Tracey Rose interpelle : sa Mandela Ball, gisant sur un socle comme un fruit pourri, est une évocation sans pudeur de la déception provoquée par Nelson Mandela, ici incarnée en un testicule dégonflé… Plus loin, Dora Garcia et Marcia Kure interrogent l’apparence de la femme noire, son corps agressé par les fantasmes et l’importance politique des cheveux afro (le lissage incarnant une forme d’aliénation du corps noir).
L’exposition se termine dans une explosion sanguine de rouge : la salle consacrée à Valérie Oka. Autour du néon « Tu crois vraiment que parce que je suis noire je baise mieux ? », deux vidéos : la première d’un débat, la deuxième, spectaculaire, d’une performance de l’artiste lors de son exposition à Bruxelles, qui clôt parfaitement l’exposition d’un goût amer doublé d’une lueur d’espoir. L’artiste est nue dans une cage ; dans un coin, un sexe blanc gigantesque. Elle tourne en rond, se balance dans une balançoire en tissu rouge, suggérant ainsi que le désir colonial est un enfermement sans pitié, sans amour et sans pudeur. Mais un détail peut tout changer : la porte de la cage est ouverte. Libre à qui le désire de se débarrasser des clichés…
Informations pratiques :
Body Talk au FRAC Lorraine
1 bis, rue des Trinitaires, Metz
Du 30 octobre 2015 au 17 janvier 2016
Entrée libre, ouvert tous les jours sauf le lundi