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Au Crédac, l’adulescence rêveuse de l’artiste-voyageur Friedrich Kunath

Au Crédac, l’adulescence rêveuse de l’artiste-voyageur Friedrich Kunath

02 March 2014 | PAR Christophe Candoni

Au Crédac, le Centre d’art contemporain d’Ivry-sur-Seine, « A Plan to Follow Summer Around the World » sillonne les errances imaginaires de l’artiste allemand Friedrich Kunath, un adulescent à peine quarantenaire qui, pour sa première exposition française, se présente en voyageur solitaire et rêveur.

Une illusion de légèreté transparaît de l’univers insolite particulièrement intrigant et séduisant de Friedrich Kunath dont les œuvres récentes et certaines inédites sont présentées à Ivry. Son travail, pas forcément des plus novateurs mais formidablement stimulant s’inspire de matériaux hétéroclites englobant l’histoire de l’art, le cinéma et la culture populaire mais aussi sa propre histoire personnelle et sa relation intime avec les objets.

Poétique et décalée, drôle et profonde, son œuvre sous toutes les formes qu’elle propose (dessin, peinture, sculpture, photo, vidéo…) exprime une irrépressible envie d’ailleurs, de départs, d’inconfort, d’inconnu, et à ce titre l’inscription hyper flash I am goodbye écrite avec des tubes fluorescents ne peut mieux définir son signataire. L’exposition se place en effet sous les signes du voyage, du déplacement, à l’image de l’importante installation We Are Nowhere and It’s Now qui entasse au centre de la première salle de visite des dizaines de vieilles valises dont certaines suspendues se déploient comme un oiseau prend son envol sur les accords discrets et délicats d’un piano mélancolique.

Dans la peau d’un voyageur lunaire et incertain ayant soif d’évasion, Friedrich Kunath se met lui-même en scène et en vidéo. Dans A bout soufflé, l’artiste court et bondit par tous les temps et tous les paysages qui défilent au rythme effréné de changements de plans incessants ; plus calme et las, il est dans If I Were Tree Among Trees, un Pierrot affublé d’une grosse tête de bonhomme de neige qui arpente, valise à la main, un paysage massif et aride proche du Zabriskie Point d’Antonioni.

A la fin de la visite, d’affreuses têtes tristes et lessivées de touristes consuméristes pointent leur nez sorti de sacs de voyage Vuitton comme gavés de mer bleue, de soleil couchant, d’horizon luisant, autant de clichés récupérés par l’imagerie publicitaire qui vend du rêve pour des marques de luxe.

Le plus insaisissable voyage proposé par Kunath est celui de se dérober, se soustraire au monde. C’est le parcours d’un homme sans tête assis sur un banc, les mains bien enfoncées au fond des poches de son imper, qui progressivement s’efface jusqu’à l’invisible au cours des cinq sérigraphies  sur toile qui composent Dynamic Stabilization. Il disparaît du tableau tandis que seul un petit papillon coloré persiste à s’accrocher sur le bout de sa chaussure. En douze tirages photo, For Everyman met en scène un autre homme de dos qui se dévêt laissant ses habits derrière lui à mesure qu’il avance et qui disparaît au bout du chemin droit et isolé qui le conduit vers la mer.

On pourrait croire Kunath désenchanté si nous n’étions tout à coup mis face à d’aussi blagueuses productions que ses toiles très ironiques ou bien encore son surréaliste Honey, I’m Home où l’artiste fait choir un œuf sur le bout d’un énorme mocassin. Désabusé et farceur, Kunath est autant l’un que l’autre, avec un sens de la dérision notable. Né à Chemnitz en ex-RDA en Allemagne – le sofa miteux et l’abat-jour qui trônent dans la troisième et dernière salle semblent en être des témoins sans âge -, il vit et travaille aujourd’hui à Los Angeles. Son œuvre porte en elle cette double appartenance conjuguant le Sturm und drang propre au pays de Goethe et la culture pop acidulée à l’américaine et nous entraîne comme dans un rêve étrange.

Photo © André Morin / le Crédac

Infos pratiques

Théâtre Saint-Georges – Paris
Centre Culturel Irlandais
Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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