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Au Centre Pompidou, la vieillesse est au centre de la piste

Au Centre Pompidou, la vieillesse est au centre de la piste

21 January 2022 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Tous les ans, le festival Hors Pistes donne le “la” dans Beaubourg. Exposition, spectacles, films, rencontres… Pendant 15 jours, tout tourne autour d’un sujet : les âges de l’image. L’occasion de regarder face caméra le temps qui passe, avec profondeur et bienveillance. Jusqu’au 6 février.

Un festival qui fait le tour de piste de la question

Le premier quart du XXIe siècle restera comme celui de la déconstruction. Les temps “bénis” de la colonisation et du patriarcat sont mis à bas. Et pourtant, il y a un sujet où le travail reste immense : celui de la visibilité des personnes âgées, malades ou non. D’ailleurs, qu’est-ce que cela veut dire, “malades ou non” ? Arrivé au quatrième âge, il n’est plus question de démence, il est normal de perdre la mémoire. C’est tout cela que Géraldine Gomez, programmatrice du festival, montre à l’aide d’un programme dense, pensé notamment avec Mathieu Potte-Bonneville et Chloé Siganos. Des feuilletons, des grandes traversées, des projections et des spectacles interrogent la perception et les représentations de la jeunesse et de la vieillesse. Les intervenants volent haut. On peut noter la venue de Laure Adler, Radu Jude, Jean-Luc Nancy ou la sociologue Juliette Rennes, qui sera au centre d’un séminaire autour de l’Âgisme et exposera le 30 janvier une histoire de l’âge, car, oui, l’âge a une histoire. La majorité, par exemple ! Elle abordera également cette autre invisibilisation, celle des comédiennes de plus de 50 ans.

Une exposition qui donne un coup de jeune aux vieux

Le point central et permanent du festival est l’exposition qui se tient au niveau du forum. Onze œuvres, dont neuf commandes, occupent tous les espaces. Pensée et curatée par Géraldine Gomez, elle s’intitule “Dernière séquence”. “Je n’avais pas envie de faire une galerie de vieux”, nous glisse-t-elle. Rien n’est littéral ici. La première œuvre visible est du genre monumental. Grégory Chatonsky se met en scène via un avatar de tous les âges, nourri par une IA. Le tout relié par des tapis de yoga qui nous amènent à une sculpture très chorégraphique, un bras articulé flouté. De part et d’autre, Bill Morrison, Barbara Hammer, Judith Deschamps, Pauline Julier,  Jeroen van Loon, Judith Cahen & Masayasu Eguchi, Graeme Thomson & Silvia Maglioni, et les étudiant.e.s de l’École des Beaux-arts de Marseille (INSEAMM) ont chacun pris le sujet par un bout. 

Il y a la scène iconique du Mépris de Godard, rejouée par toutes sortes de couples, de tous les âges, ou Un film qui n’a pas pris une ride, de Judith Cahen & Masayasu Eguchi, qui pose un regard doux sur la durée de l’amour. Plus acide, Optic Nerve, de Barbara Hammer, nous montre une image altérée, comme le sont les personnes empêchées, ici sa grand-mère en maison de retraite. Mais le regard le plus décalé vient du travail des étudiant.e.s de l’INSEAMM (Garance Loriot, Louna Boissaye, Garance Gambin, Jessica Prévot, Jeanne Rocher et Monica Massuci). Iels affrontent la mort en face à face, couché.e.s sur les tombes, réactivent les rituels oubliés, zooment sur des peaux tatouées pour troubler la chronologie et abolissent la distinction entre vie virtuelle et monde réel.

En mettant la vieillesse au cœur du centre d’art contemporain le plus célèbre d’Europe, Géraldine Gomez frappe fort en mettant du beau là où c’est laid, en s’amusant des mots “mémoire”, “archives”, “abimés”. Ce qui est craquelé devient sublime, comme dans les vidéos de Bill Morisson, qui récupère de vieux films pour en faire des projections d’art.  

“Dernière séquence” permet d’ouvrir une grande et belle réflexion sur l’obsolescence supposée des humains et de leurs traces.

Tout le programme du Festival Hors Pistes est ici. L’exposition et les rencontres sont en accès libre.

Visuel : ©Un film qui n’a pas pris une ride. Judith Cahen & Masayasu

 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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