Expos

41 dessins de Georges Wolinski donnés et exposés aux Beaux-Arts de Paris

09 September 2021 | PAR Yaël Hirsch

C’est en présence de Maryse Wolinski, son épouse et la donatrice de 41 dessins que nous avons eu la chance de voir cette collection, exposée jusqu’au 3 octobre au Cabinet de Dessins Jean Bonna des Beaux Arts de Paris. Une traversée émouvante du trait du dessinateur, avec un éclairage sur son rapport grinçant à l’art contemporain. 

Pour lire notre critique du livre de Maryse Wolinski sur l’assassinat de son mari et l’après, Au risque de la vie, c’est ici.

Un œuvre exposée et vivante

“Je veux que l’œuvre de mon mari soit vue, exposée, vivante”. C’est ainsi que Maryse Wolinski, compagne pendant près de 45 ans du dessinateur assassiné dans les bureaux de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, commence à nous faire circuler dans l’exposition des 41 dessins qu’elle a donnés à l’école où Georges Wolinkski a fait ses classes avec délectation, même si ses études ont été interrompues au bout d’un an par le service militaire, alors qu’il était appelé en Algérie.

Un parcours qui permet de suivre l’évolution du trait de Georges Wolinski

Mettant en avant que le choix des dessins  est une “sélection significative d’ex l’évolution de son trait”, Maryse Wolinski rappelle que c’est une couverture de Hara-Kiri signée Roland Topor qui convainc que le dessin est son domaine…. Un domaine qu’il n’aura de cesse d’explorer, le pratiquant  en permanence, comme des gammes de musique explique la co-commissaire Emmanuelle Brugerolles, qui, avec Anne-Cécile Moheng a monté l’exposition en un mois, avec un travail très important de recherche pour retrouver exactement où et quand les dessins donnés ont été publiés. Les magazines nous sont présentés ouverts à côté des originaux.

De l’Epure du dessin au foisonnement de texte

Ce sont donc par les dessins des Hara-Kiri des années 1960 que tout commence et le premier est surprenant,  “Allons Enfants” (1965) est un hommage aux bas-reliefs de Rude (d’ailleurs signé Wolin-Rudeski), foisonnant et grimaçant comme une caricature de Gustave Doré. C’est François Cavanna, le fondateur de Harak-Kiri qui a poussé Wolinski à aller vers le minimalisme et l’épure. S’ensuit une série de dessins très minimaliste et très acerbes à la Bosc ou à la Sempé où des personnages seuls ou en couple font face à la verticalité de l’ironie de la vie.: pour Maryse Wolinksi c’est là que reste tout le mysticisme et la mélancolie “des gens de l’est” qui habitait son mari, d’origine polonaise.  La couleur fait ensuite irruption, avec un corps de femme pour pinceau et c’est à travers une grande série d’oeuvres  de 2002 “Le droit de” qu’on retrouve un Wolinksi plus familier, charnu, sensuel, un brin vulgaire, présentant une sexualité joyeuse et abondante à travers des personnages de femmes aux croupes et seins rebondis. 

Un rapport complexe à l’art contemporain

La dernière partie des œuvres  est assez passionnante, justement exposée aux Beaux-Arts puisqu’elle exprime en une vingtaine de dessins le rapport complexe et très critique, parfois même auto-critique de Georges Wolinksi à l’art contemporain. Que ce soit dans les colonnes de Charlie Hebdo à travers une moquerie sur les icônes (Paris Hilton, Arman et Monica… ) ou quelques traits longuement accompagnés de texte d’une violence folle à l’égard de Christian Boltanski ou Jeff Koons, ou encore des mélanges grands maîtres d’antan / politiciens d’aujourd’hui (Matisse-Sarkozy) c’est le caractère vénal et faux de ce règne du concept et du marketing que Wolinksi tacle avec hargne. Une hargne qu’il s’applique à lui-même, en se mettant en scène exposé dans ‘Wolinksi artiste”. 

Alors que  l’exposition ouvre le jour même du procès des attentats du 13 novembre 2015, qu’elle propose également un Carnet d’études avec un texte fort de Philippe Lançon et la projection du film Le beau pays, projeté chaque mercredi à 18h, qu’est-ce que cela fait du bien de retrouver le trait caustique, sexuel et sec de celui qui nous a accompagnés dans notre lecture de l’actualité pendant tant d’années. Le cadre est magique, les dessins sont bien là, vivants, au cœur d’une merveilleuse école et il faut se précipiter voir cette exposition Wolinksi avant le 5 octobre. 

visuels  (c) Beaux-Arts de Paris 

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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