Arts
De chair et de marbre : dans l’intimité de l’oeuvre de Rodin

De chair et de marbre : dans l’intimité de l’oeuvre de Rodin

Tandis que l’hôtel Biron se refait une beauté, la salle d’exposition temporaire de  la Chapelle accueille l’exposition Rodin, la chair, le marbre, du 8 Juin 2012 au 3 Mars 2013, dévoilant plus de cinquante marbres du sculpteur.

Le Musée Rodin invite le public à découvrir la sculpture et à en apprécier toutes ses spécificités. Le matériau y est abordé comme essentiel au rendu artistique, le marbre étant systématiquement sollicité auprès de son état premier fait de plâtre et de bois. Le marbre s’y fait chair, conférant à la sculpture toute sa densité. Le spectateur sillonne aux côtés de groupes sculptés, de nymphes, de personnages illustres, qui se font tour à tour hommes et femmes. Emprunt d’hellénisme, la fraîcheur et la fermeté du marbre laissent place à la mollesse et aux contours incertains du corps humain. La pâte sculptée façonnée par l’artiste prend vie.

Au fil de l’exposition, comme au fil de la vie, l’artiste malaxe et travaille le marbre avec une insistance grandissante, pour progressivement ne retenir de la matière que la force brute. Des contours lisses de L’Orpheline alsacienne à la rugosité des Jeux de nymphes, l’évolution stylistique de l’artiste transparaît à travers son goût progressif pour un rendu authentique et primaire du bloc de marbre.

Si les premières figures témoignent d’une attention scrupuleuse portée aux détails anatomiques, donnant à voir les effets corporels de la vieillesse (L’Hiver) ou encore les expressions les plus réalistes (La Pleureuse), elles sont dans une deuxième salle intégrées au cœur même du bloc, ne paraissant pouvoir s’en extraire. Emprisonné dans la pierre, le visage de l’Aurore nous est progressivement dévoilé sous l’effet du martèlement de l’artiste. Le visage n’apparaît plus sculpté, mais intégré au sein de la pierre que l’artiste s’astreint à casser pour en révéler le contenu. « On dirait que vous savez qu’il y a une figure dans le bloc, et que vous vous bornez à casser tout autour la gangue qui nous la cache » dira Camille Mauclair (1914). Le creusement et le réalisme qui dans les travaux préparatoires nous laissent goûter aux formes pleines, laissent place au plein et à l’esquisse des réalisations définitives. Le bloc de marbre s’expose et devient à lui-seul un objet esthétique, Rodin dégageant d’emblée l’énergie première de la pierre et montrant humblement le matériau même de la sculpture.

Tandis que la dimension artisanale du travail de l’artiste et son rapport avec le bloc de pierre sont donnés dans leur plus grande authenticité, ce qui jusque-là apparaissait sans concession, se noue progressivement au symbolisme. C’est ainsi que l’exposition, dans une dernière phase, laisse se libérer le goût si cher à l’artiste pour l’inachèvement. Alors que le symbolisme pictural tendait à une abstraction formelle, la sculpture, art tangible par excellence, trouvait avec Rodin l’issue seyante à sa quête d’idéalisme. Par des formes suggérées, laissées inachevées, l’artiste dote ses œuvres d’une portée symbolique. Au creux de La main de Dieu, où métaphoriquement l’artiste se fait lui-même Créateur, les corps esquissés d’Adam et Eve s’enlacent gracieusement au détour d’une courbe. Il ne s’agit plus de rendre les plus infimes détails des figures, mais d’en extraire les éléments essentiels. C’est ainsi que dans l’imposante sculpture de Victor Hugo, les traits physiques se dissolvent au profit de lignes primordiales enclines à refléter l’âme même de l’homme. Se refusant à polir, Rodin arrache du marbre, le souffle de ses figures.

Le Musée Rodin convie le public à emprunter un parcours accidenté pourvu de plateformes inclinées. Conduit à apprécier la multiplicité des points de vue propre à la sculpture, il contourne, surplombe ou découvre les soubassements de l’œuvre. En spectateur actif au sein de salles à l’apparence d’un atelier, il pénètre au cœur même de l’œuvre du sculpteur, invité à scruter ses pratiques et techniques les plus intimes.

 

Auguste Rodin, Paolo et Francesca dans les nuages Copyright : Musée Rodin © Christian Baraja

Auguste Rodin, Jeux de Nymphes Copyright : Musée Rodin © Christian Baraja

Auguste Rodin, Aurore 1895 Copyright : Musée Rodin © Christian Baraja

Auguste Rodin, La main de Dieu Copyright : Musée Rodin © Christian Baraja

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DIANE ZORZI DU MAGAZINE DES ENCHÈRES

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