Architecture
La Chartreuse de Villeneuve Lez Avignon repense l’architecture

La Chartreuse de Villeneuve Lez Avignon repense l’architecture

20 October 2018 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Entre redéfinition de la notion d’auteur, lieu de patrimoine et formation des jeunes esprits, le Centre National des écritures du spectacle repense, en numérique et en pédagogique, son histoire médiévale. Retour sur une visite guidée avec Catherine Dan, directrice en pleine “Architecture en fête”

Ce soir et demain, L’Architecture en fête occupe les différents espaces du lieu offert par le futur Pape Innocent VI qui en 1352, année de son élection, “fit don à l’ordre des Chartreux de ses terres et de sa livrée (hôtel particulier) qu’il possédait à Villeneuve lez Avignon du temps où il était cardinal..”

Et le lieu, c’est le cœur des enjeux de ce rendez-vous pour les spectateurs du Festival d’Avignon et des Hivernales, puisqu’il est souvent connu pour sa belle salle de spectacle. Et pourtant, il s’agit là de la partie immergée de l’iceberg. Artistes, animateurs d’ateliers, nous sommes tous attablés autour de la table d’hôtes normalement ouverte uniquement le soir pour les artistes en résidence, Catherine Dan, directrice générale,  nous raconte, de façon très pédagogique, sa Chartreuse : “Nous avons dix-sept mille mètres carrés au sol, et avec les différents niveaux cela fait beaucoup plus que ça. C’est-à-dire trois cloîtres qui sont visitables par le public, une église à ciel ouvert, une vingtaine de jardins différents, mais tous ne sont pas visitables. Une salle de spectacle, quatre studios de répétition, une bibliothèque-café, un restaurant d’été, une bibliothèque et une trentaine de logements de résidence”.

La résidence, c’est l’une des voies de connaissance de la Chartreuse. Car on vient là pour écrire pour visiter, participer à des ateliers ou voir d’un spectacle. Pour être résident, il faut être auteur de théâtre ou compagnie, et postuler. Ensuite la direction choisit. Catherine Dan explique : “nous avons un cahier des charges qui est très précis puisque nous sommes financés par l’Etat à 80%. Donc on a un cahier des charges important par rapport à l’écriture théâtrale et la filière texte. Généralement, ce sont des auteurs qui ont des bourses d’écriture, ou des commandes d’écriture et des compagnies qui associent les auteurs à leur travail de recherche d’écriture.”

Ce week-end, à l’occasion de l’événement “L’architecture en fête”, on pouvait voir une étape de travail déjà très aboutie et très alléchante d’un ancien résident, Alexis Armengol. Il s’est attaqué dans Vilain ! au … vilain petit canard pour un conte initiatique très musical et ultra visuel où la techno croise le slam dans le jeu délicieusement hystérique de la formidable Nelly Pulicani. Au piano et à la guitare, Romain Tiriakan et aux dessins (et à la cigogne taïwanaise..) Shihhan Shaw. Le spectacle verra le jour les 8 et 9 novembre à Lons-le-Saunier, Les Scènes du Jura – Scène nationale.

Cela est plutôt rare. Les auteurs créent dans les anciennes cellules des chartreux et ils ne montrent pas toujours leur travail. “Toutes les compagnies qui sont passées par ici ne viennent pas forcément se finaliser ici.” souligne Catherine Dan qui a permis l’ouverture à des  “projets pluridisciplinaires”.  Plus tard elle confiera :”j’essaie de faire des croisements entre le centre national des écritures du spectacle et le monument, notamment pour proposer à des élèves des parcours à la Chartreuse”.  Elle ajoute : “quand le public veut vraiment aller voir une œuvre ici, il s’en donne la peine. Il y avait plus de 80 personnes qui étaient allées à la scène nationale de Cavaillon pour voir le spectacle de Nasser Djemaï. Ce qui fût aussi le cas pour Laëtitia Guédon qui s’occupe aujourd’hui des Plateaux Sauvages à Paris qu’on a reçu ici il y a cinq ans, et sa sortie de résidence, avait tellement plu au public qu’on a organisé un groupe en bus pour aller la voir à Paris.”

Et les projets sont intiment liés à l’endroit en pleine mutation.La directrice de la Chartreuse nous raconte les autres axes de sa mission “Il y a le programme de réhabilitation et l’accessibilité handicap du patrimoine. Il y a aussi l’animation du patrimoine, avec La fête de l’architecture : c’est le cas typique d’un événement, qui permet d’animer le patrimoine et de le rendre vivant. Puis, on accueille environ 40 000 touristes par an. Nous étions aussi récemment présents dans l’émission « des Racines et des Ailes ». De plus il y a aussi les journées nationales du patrimoine et les journées européennes du patrimoine qui ont lieu mi-septembre et les journées des jardins qui ont toujours lieu le 1er week-end de juin. A cette occasion, on ouvre les jardins qui d’habitude sont fermés au public. Ce sont des anciennes cellules de moines qui sont transformées en résidence d’artistes et chaque cellule à son propre jardin. Le projet patrimonial nous occupe donc 7 jours sur 7. Nous avons un chef des travaux qui ne fait que ça, un gros suivi des travaux.”

Alors on se lance dans la visite d’une partie des 17000 m2, pour tout visiter, prenez une longue après-midi. En plus depuis peu un billet à 17 euros permet d’explorer tout le Villeneuve médiéval : La tour Philippe le Bel, le musée, la Chartreuse, le Fort Saint André, et le magnifique jardin Saint André.

L’un des grands axe de ce lieu c’est donc de le faire vivre. Dimanche et à de nombreux autres moments de l’année, il sera fou d’entrer dans les ateliers qui se passent dans des antres dont la beauté vous assomme. Dans le Grenier Est, on rencontre les merveilleuses architectes Odile Besème et Françoise Miller qui animent “Oser, c’est gonflé”, une réflexion très ludique sur les constructions gonflables. Dans le studio du procureur, Guillaume Heslot fait construire aux enfants, à partir de 4 ans une ville, et elle occupe ce studio de danse créé pour Carolyn Carlson. On croise Didier Sabarros qui lui monte une urbanité en papier… Dans l’allée des mûriers, Nathalie Ravinal, Céline Salinas, Miranda Vidal, Alexandra Dany, Garance Valentin font réaliser des portes et redonnent à l’entrée son allure du XXe siècle, où des maisons étaient collées aux murs. Au cours de notre déambulation on découvre le mode de vie des Chartreux, dont le péché de gourmandise les entraînait dans des cachots étroits dans lesquels une minuscule ouverture permettait de voir et d’entendre la Messe. Ces cachots, après la Révolution étaient habités par des familles pauvres. La Chartreuse était devenue une cité.

Puis, au détour d’une perceptive, d’une aile ou d’un jardin au cœur d’un cloître on rencontre les éléments d’une exposition. La Chartreuse n’est pas un musée, aussi pour des raisons très pratiques. Catherine Dan explique : “le lieu ne correspond pas aux besoins en termes d’hygrométrie de conservation et de sécurisation des œuvres. L’hygrométrie ce sont les différences de températures ou d’humidité. Pour les tableaux à l’huile par exemple ça peut être problématique au niveau des chutes de températures ou des chocs d’un environnement très humide puis très sec. Alors, on ne peut pas exposer sur place. Ici nous ne pouvons donc programmer qu’un certain type d’œuvres et en plus, nous ne pouvons pas surveiller tous les espaces, car il y a des espaces partout pour les expositions. Alors niveau sécurité nous ne pouvons pas tout exposer car, il  n’y a pas une grande salle avec un gardien”. Jusqu’au 4 novembre, on peut voir des œuvres très contemporaines qui entrent en parfaite résonance avec les murs médiévaux : Le lisse et le Strié d’Emilie Losch et #Extension labyrinthe avec Abdelkader Benchamma, Hervé Beurel, Thibault Brunet, Yasuhiro Chida, Philippe Decrauzat, Laetitia Delafontaine et Grégory Niel, Marcel Dinahet, Véronique Joumard, Émilie Losch, David Renaud, Jean-Claude Ruggirello, Apolonija Šušterši et regard de Caroline Guiela Nguyen, autrice .

Toutes les activités de la Chartreuse sont à découvrir sur le très riche internet qui vous guidera notamment vers les espaces numériques du parcours. La Chartreuse est l’exemple parfait d’une vision moderne et vivante du patrimoine.

L’Architecture en fête se déroule ce soir et demain, dimanche 21 octobre, en entrée libre.

La Chartreuse, 58 rue de la République, 30400 Villeneuve Lez Avignon

Visuels ©ABN

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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