Arts
Agneaux et mouches  : 20e prix de la Fondation d’Entreprise Ricard

Agneaux et mouches : 20e prix de la Fondation d’Entreprise Ricard

12 September 2018 | PAR La Rédaction

Le prix de la Fondation d’entreprise Ricard est le plus prestigieux parmi ceux dont le jeune artiste français peut gagner. Parmi ses lauréats: Tatiana Trouvé, Matthieu Laurette et Clément Cogitore. L’exposition de groupe des nominés de son 20eme édition a été inaugurée à Paris le 10 septembre 2018.

Par Nikita Dmitriev

L’exposition des candidats au prix d’art contemporain de la Fondation Ricard, sélectionnés cette année par l’artiste Neil Beloufa, est clivée entre «l’art des biennales» – dématérialisé, engagé et participatif – et les artistes, travaillant hors ce cadre, dont les œuvres dans des galeries et musées on voit beaucoup plus rarement.  Meriem Bennani expose sa vidéo humoristique et féministe “Fly” (“Mouche”): là, les éléments d’animation digitale sont apposés sur les chroniques méticuleusement mises en scène de la vie quotidienne des femmes marocaines. Viktor Yudaev, quant à lui, est dans un autre sillage. La série de ses grandes sculptures dérangeantes se situe au croisement de l’arte povera et l’art brut: debout sur leurs pieds ou tournées à l’envers, avec des becs et portant des perruques, ce sont les œuvres d’un chapelier fou ou de l’un des nombreux fripons des contes des frères Grimm. Ni bienfaisant, ni cruel, ce fameux fripon, dont le philosophe italien Giorgio Agamben étudie dans son essai «Les assistants», circule entre les mondes réel et magique, entre «ici» et «là», tout en menant les activités pour définir lesquelles on n’a pas suffisant d’informations et de vocabulaire. Lucile Littot hypertrophie dans son installation de rubans de soie et de figurines en porcelaine blanche et bleu marine l’ambiance du boudoir de Madame de Pompadour: masques, pantoufles, assiettes, bouquets et plaquettes y sont si nombreux et édulcorés, qu’aucune autre intention de l’artiste, sauf de se moquer, par contrast, sur le minimalisme et l’intellectualisme de l’art contemporain n’est pas imaginable.

Tout au fond de l’espace d’exposition se trouve «Anima Mundi» du South Way Studio, collectif d’artistes autour des commissaires d’exposition marseillaises Emmanuelle Luciani et Charlotte Cosson. L’agneau en argile – lui, Anima Mundi, une claire allusion christique – est allongé par terre devant un petit autel avec des bougies et des bustes aux visages riants farfelus, qui rappellent des idoles mésopotamiens ou méso-américains. À côté d’eux, les deux peintures murales: la première présente le cavalier à la St. Georges, avec la poitrine féminine et assis sur le cheval à phallus gigantesque érigé, en train de tuer le dragon souriant, l’autre – un barbeau attaché par des cordes à la colonne, quelque part entre l’iconographie de St. Sébastien et la pornographie japonaise.

La sélection d’artistes de Beloufa, lui-même représentant pur de «l’art des biennales», reflète non seulement l’ouverture d’esprit ou la polyvalence des goûts qui lui sont propres, mais aussi une tendance: dans le monde de l’art, où le champ du permissible se rétrécit de jour en jour et les règles idéologico-esthétiques deviennent de plus en plus sévères, l’artiste n’a rien à faire que d’aller en claquant la porte errer dans les couloirs sombres de son sous-conscience.

Photos :  oeuvres lors du vernissages (c) Nikita Dmitriev

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