Politique culturelle
Une année blanche pour les intermittents, la seule bonne nouvelle du “plan culture”?

Une année blanche pour les intermittents, la seule bonne nouvelle du “plan culture”?

06 May 2020 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Le très attendu plan culture du Président de la République a été dévoilé aujourd’hui. Suite au discours inconséquent du Premier Ministre de la semaine dernière, une levée de boucliers inédite émanait des artistes. Ce plan vise à calmer la colère de plus d’un million de salariés du secteur.

Pendant un peu plus d’une heure, ce midi, Emmanuel Macron et Franck Riester ont discuté, majoritairement, avec des intermittents. Selon eux, l’idée « de la République, c’est de penser la culture et la place de ses artistes ». L’attente de la communauté était principalement forte sur deux points : le temps et l’argent.

Le temps et l’argent

Pour le temps, et c’est la vraie avancée de ce plan, la grande demande des artistes a été entendue. Le Président a déclaré que les droits seront “prolongés d’une année au-delà des six mois où l’activité aura été impossible ou très dégradée” (…) “Les artistes auteurs bénéficieront de l’exonération des cotisations pour quatre mois”. Cela sauve réellement les artistes du naufrage mais n’enclenche pas pour autant le retour à la création. Un nouveau point sera fait fin mai.

Par ailleurs, “ce 11 mai, les musées, sans qu’il y ait trop de brassage, les galeries d’art, les librairies, doivent pouvoir rouvrir”, tout comme les théâtres, non pas pour y accueillir des spectacles, mais pour répéter. Cela concerne les troupes rassemblées dans une ville et exclut, de fait, toute création internationale.

Sur le second point, l’argent, des solutions ont été avancées. Les artistes-auteurs auront droit à une exonération de leurs cotisations pendant quatre mois. Franck Riester a évoqué un remboursement des loyers et “un fonds de soutien”. Les entreprises qui ne pourront pas recevoir de public recevront un apport en fonds propre. Les tournages compliqués à aménager après le déconfinement seront à reporter en juin-juillet.

Pour les entreprises du secteur cinématographique, un fonds d’indemnisation sera ouvert avec une collaboration Sofica, les banques et le CNC… et un programme de commande publique (enchère…) verra le jour pour les autres arts. Le ministre a annoncé la création d’un “fonds festival” (musique, danse, théâtre, cirque, cinéma), “en lien avec les collectivités territoriales”. Le Centre national de la musique bénéficiera “d’une enveloppe de 50 millions d’euros” pour “accompagner les acteurs de la musique”.

Il y eut pourtant un moment lors de cette visioconférence, avec l’idée que les écoles qui vont rouvrir pourraient avoir “besoin d’intermittents”, où le sang des artistes n’a fait qu’un tour. Cela fut ressenti comme un certain mépris puisque l’éducation artistique est déjà très ancrée dans les établissements, notamment depuis 2015, date du référentiel sur le Parcours d’éducation artistique et culturelle, complété cette année par la Charte pour l’éducation artistique et culturelle. 

Si nous devions distiller ces propositions, nous devrions faire un point entre les promesses et le projet.

Vingt jours de tests pour concevoir le futur reste difficile à imaginer. Ce que nous attendions c’était un plan clair et précis pour le futur. Les fidèles « on verra » du gouvernement ne sont plus concevables. De l’argent pour tous, d’accord ? Mais d’où viendra cet argent ? Qui payera la dette ? Le contribuable, la nation… ou directement les entreprises et les personnes de la culture ? Aussi, par manque d’informations, restons indulgents, mais rien n’est sûr à ce stade. Du côté du «projet», il y a du nouveau, en bien. Amazon, Netflix, toutes entreprises capables de nuire à l’indépendance de notre culture, seront taxées. Néanmoins, si l’Europe ne suit pas la France sur ces taxes, rien ne se fera. En attendant, pour le moment, rassurons-nous, l’état nous propose du travail et de l’argent…

Louis Chiffoleau et Amelie Blaustein Niddam

Visuel : Attribution-NonCommercial-NoDerivs 2.0 Generic (CC BY-NC-ND 2.0)

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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