Politique culturelle
Un monde de la culture en effervescence face au terrorisme

Un monde de la culture en effervescence face au terrorisme

18 August 2016 | PAR Fiona Dubois

Avec le nouveau film des Frères Dardenne, les chansons de Green Day ou la série prochaine de Bradley Cooper, le djihad semble nourrir l’inspiration certaine d’une partie du monde de la culture, que cela soit au cinéma, à la TV ou dans la musique. En quoi les traductions artistiques de ce grave sujet de société diffèrent-elles ?

En ce moment, le cinéma s’empare du terrorisme islamique par des biais divers et tous intéressants. On pense d’abord aux Frères Dardenne, qui ont déclaré préparer un film sur le terrorisme et envisagent un tournage pour fin 2017. Au festival de Lima au Pérou, Luc Dardenne a déclaré : « Je pense qu’on va aborder un personnage fanatique, un personnage qui a un rapport avec le terrorisme islamique ». « Ça fait plusieurs années qu’on essaye [d’y] penser. (…) D’un point de vue global, je pense que l’islam réagit à la globalisation du monde », a ajouté le réalisateur belge. Aux Etats-Unis, Bradley Cooper et Todd Philips se lancent dans Black Flags, une mini-série sur l’ascension de Daech. Elle est une adaptation du travail du journaliste du Washington Post Joby Warrick, dans son livre Drapeaux noirs, la montée de l’Etat islamique, qui lui avait valu le Prix Pullitzer en 2015 et qui avait particulièrement marqué les deux initiateurs du projet.

En revanche, si l’inspiration à la source de ces projets est celle d’un même sujet de société qui est le terrorisme, la traduction artistique qui en est faite au cinéma sera sans doute très différente. L’un part du point de vue de la radicalisation d’un homme, l’autre de la géopolitique. En outre, Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne sont deux grands réalisateurs belges, immenses représentants du cinéma social européen au même titre que Ken Loach et Mike Leigh. Leur style est cru, au plus près des visages, et épouse un temps toujours long et vide. Bradley Cooper et Todd Philips, au contraire, n’ont pas toujours fait du politique, et sont respectivement acteur et réalisateur de Very Bad Trip, un film qui relate un enterrement de vie de garçon extrêmement arrosé et festif à Vegas. Ils ont néanmoins pris cette initiative de parler de ce sujet sérieux qu’est la genèse de l’État islamique. D’un style potache et désinvolte, Todd Philips semble ainsi embrasser un ton plus grave pour parler du terrorisme. Ils veulent que le plus grand nombre comprenne quelles sont les déstabilisations politiques qui sont à la source de la montée en puissance aussi rapide de Daech, autant que celles qui en découlent. Loin de l’esthétique très épurée et assez brute des Frères Dardenne, on peut penser qu’ils embrasseront un style assez proche de celui des films d’action américains, comme American Sniper par exemple, dont Bradley Cooper joue également le grand protagoniste.

En outre, le cinéma n’est pas le seul art qui embrasse ce nouveau sujet de société. La musique est porteuse d’un engagement renouvelé. On pense à Green Day qui fustige la trop grande médiatisation des auteurs d’actes terroristes dans sa chanson Bang bang, premier single de son prochain album Revolution radio, son premier album depuis quatre ans. Dans cette chanson, Green Day accuse les médias de rendre malgré eux célèbres les auteurs des fusillades. Billie Joe Armstrong a expliqué au magazine Rolling Stones que la chanson parlait de « la culture des tueries de masse qui ont lieu aux Etats-unis » et des « réseaux sociaux narcissiques ». Le groupe a l’habitude de s’engager sur le plan politique. L’album American Idiot sorti deux mois avant l’élection présidentielle de 2004 se voulait par exemple un engagement politique contre George W. Bush. Et encore une fois, c’est aujourd’hui le terrorisme islamiste et notamment sa médiatisation qui leur donnent de l’inspiration. Un album qui sera dans les bacs en octobre.

Bang, bang, give me fame
Shoot me up to entertain
I am a semi-automatic lonely boy
You’re dead, I’m well fed
Give me death or give me head
Daddy’s little psycho and mommy’s little soldier
(Refrain, Bang bang)

Quelle que soit la forme et la diversité des traductions artistiques qui en sont faites, ce qui est certain, c’est que le terrorisme et la radicalisation islamiste interrogent le monde de la culture et lui permettent de recréer en son sein une nouvelle effervescence de la création. Qu’elle soit cinématographique ou musicale, européenne ou américaine, avant-gardiste ou grand public.

Visuel : © Creative Commons

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