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Serge Laurent : “Van Cleef & Arpels représente la créativité et la création”

Serge Laurent : “Van Cleef & Arpels représente la créativité et la création”

07 July 2021 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Serge Laurent est responsable des programmes danse et culture chez Van Cleef & Arpels. La célèbre maison lance ce mois-ci un incroyable programme de mécénat dédié à la danse contemporaine : Dance Reflections. Rencontre.

Quel est le lien entre Van Cleef & Arpels et la danse ?

Le lien entre Van Cleef & Arpels et la danse, c’est une longue histoire. À Paris dans les années 1930, la famille se distingue par son grand intérêt pour l’art chorégraphique, certains de ses membres assistent aux spectacles de l’Opéra, ou bien encore à ceux du théâtre des Champs-Elysées. À la fin des années 1930 une partie de la famille part aux États-Unis – fuyant le nazisme  et ouvre la célèbre boutique de la 5Avenue. C’est à cette période au début des années 1940 que Claude Arpels décide de créer les premières ballerines. 

Ces broches qui s’inspirent de la danse s’appellent « l’espagnole », ou bien encore « la Camargo », ballerine représentée sur un tableau de Nicolas Lancret du XVIIIsiècle. Ces pièces sont désormais des créations emblématiques de la Maison que l’on retrouve encore aujourd’hui dans les collections. Ensuite la rencontre de Claude Arpels et Georges Balanchine à New York va sceller pour toujours les liens de la Maison avec la danse. Cette fois-ci, c’est le chorégraphe qui va s’inspirer de la Maison pour créer une de ses œuvres les plus célèbres intitulée Jewels. Claude Arpels a même contribué à la création des costumes et de la scénographie de cette œuvre néoclassique. 

Quelques décennies plus tard, Nicolas Bos, devenu président de la Maison – après sa vente au groupe Richemont – a décidé de renouer avec cette tradition. Cet amoureux de tous les arts décide alors de soutenir la compagnie de Benjamin Millepied, ancien danseur au New York City Ballet, fondé par George Balanchine ! C’est également au début des années 2000 que la Maison soutient des compagnies de ballet classique. J’ai rencontré Nicolas Bos quelques années plus tard quand je travaillais à la programmation des spectacles vivants au Centre Pompidou. Van Cleef & Arpels nous a alors accompagnés pour la programmation de pièces contemporaines, comme celles de Marlène Monteiro Freitas ou bien encore Gisèle Vienne. 

Vous avez beaucoup parlé de danse classique et de ballet. Au Centre Pompidou vous vous occupiez de programmer les spectacles vivants avec une ligne très contemporaine voire performative. Comment souhaitez-vous apporter du contemporain dans cette maison ?

Comme par le passé la Maison fait preuve d’une grande curiosité pour l’art de son temps. Nous avons élaboré une approche à la fois prospective et historique pour le contemporain en nous appuyant sur trois valeurs essentielles de la Maison : la création, la transmission et l’éducation.  Une œuvre contemporaine est toujours le résultat d’une histoire et d’une évolution et je pense essentiel d’insister sur ce point, savoir faire preuve de pédagogie. Expliquer qu’à chaque époque, il y a des artistes à qui on a fait confiance et qui ont eu le courage de bousculer les règles. Vaslav Nijinski s’est fait hué comme d’autres ; aujourd’hui, il y a une foule de touristes au musée d’Orsay, mais les impressionnistes aussi ont été contemporains. Picasso était un magnifique dessinateur. Ensuite, il décide de développer une écriture qui ne rejette pas mais qui renouvelle. 

Pour moi, Boris Charmatz, quand il se présente nu sur un plateau, il s’inscrit dans une tradition avec Sans Titre de Tino Sehgal. Tout cela est très cohérent et s’inscrit dans une histoire, celle de l’art, et notre métier est d’expliquer, de partager cette connaissance avec le public. Il faut savoir apprendre à regarder, à observer, et après on a toute la liberté d’apprécier ou pas.

Dance Reflections est un programme d’accompagnement ?

Oui, c’est un programme d’accompagnement et de mécénat. On aide les compagnies à la production et ensuite on accompagne la diffusion des œuvres en soutenant également des institutions, comme on le fait avec le Festival d’Automne à Paris. Quand j’étais programmateur et que j’avais la chance de coproduire quelques pièces, c’était tellement important de savoir qu’elles seraient vues, qu’elles seraient montrées. Soutenir la diffusion des œuvres et organiser la rencontre avec le public, c’est vraiment fondamental. Quand on est programmateur, on est aussi médiateur. 

Quand vous dites création et diffusion, il y a à la fois un travail d’archives et aussi de création. Ce sont deux axes forts ?

Quand on programme, il y a notre suggestivité, ce qu’on a envie de faire, et il y a le contexte dans lequel on s’inscrit. J’adore cette conjugaison. À la fois ce qui intimement nous attire et en même temps le contexte dans lequel on s’inscrit. Quand j’étais au Centre Pompidou, dans un contexte parisien foisonnant, nous avons défini une ligne artistique avec un grand esprit d’ouverture, un espace d’expression pour les artistes et de découverte pour le public. Je me réjouis de la diversité des lignes artistiques : Chaillot a sa ligne, tout comme l’Opéra, la Ménagerie de Verre, l’Atelier de Paris… il faut cette pluralité. Parfois, par crainte du risque, il y a une sorte d’aplanissement des programmations, et je trouve cela dommage. Il faut montrer qu’il y a plein de choses et de courants, il faut prendre des risques.

Avec Dance Reflections, vous voulez défendre une pluralité ?

Maintenant que j’ai quitté Pompidou, j’aime beaucoup l’opportunité que m’offre la Maison Van Cleef & Arpels d’approcher la danse de manière holistique. Je peux aujourd’hui me pencher sur l’histoire de la danse. J’ai plongé dans la danse contemporaine en omettant la dimension historique, et aujourd’hui je trouve cela passionnant. Je suis revenu sur l’histoire de la danse, depuis l’arrivée de Catherine de Médicis en France, jusqu’à aujourd’hui. Ainsi je comprends encore davantage pourquoi il y a une œuvre comme celle de Boris Charmatz aujourd’hui, celle d’Ola Maciejewska qui porte un regard sur la danse Serpentine de Loïe Fuller, et pourquoi Katerina Andreou danse BSTRD jusqu’à l’épuisement. Quand je suis arrivé dans la Maison de haute joaillerie, j’ai cherché à être cohérent en cherchant comment je pouvais m’inscrire dans cette nouvelle culture. Je suis donc allé voir le travail dans les ateliers, j’ai lu, j’ai rencontré les acteurs de la Maison et j’ai compris que nous pourrions nous appuyer sur ses valeurs : la créativité, la création ainsi que la transmission du savoir-faire. Quand je vais dans un studio et que j’observe la danse, c’est ce que je vois également. Par exemple, dans un film de Marie-Hélène Rebois, on peut voir  Olivia Grandville transmettre au Ballet de  l’Opéra de Paris So Schnell de Dominique Bagouet, Lucinda Childs apprend à sa nièce Ruth Childs les danses qu’elle a créées dans les années 1970, ce sont les mêmes enjeux de transmission que dans le domaine du savoir-faire. Après, l’autre dimension qui nous est chère, c’est l’éducation. C’est pour cela, que parmi nos actions de mécénat nous avons décidé de soutenir les institutions qui font un travail de terrain dans ce domaine. Par exemple, le Festival d’Automne va dans les lycées, il envoie des artistes à la rencontre des publics, il est sorti de Paris intra-muros. Avec Nicolas Bos, on a décidé de soutenir cette démarche qui relève de la responsabilité sociale de l’entreprise, le giving back aux États-Unis. Une société, une compagnie, s’inscrit dans un contexte et le mécénat et l’éducation c’est une façon de rendre à ce contexte.

En matière de programmation, un festival se monte à Londres en mars 2022, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Ce festival, c’est la synthèse de toute notre démarche. Il y a le mécénat en faveur des artistes et des institutions, et le festival. Ce festival se tiendra chaque année dans une métropole, dans une capitale différente du monde, ou dans une région. La première édition aura lieu à Londres. Les artistes présentés lors de chaque édition sont des artistes soutenus par Dance Reflections, mais aussi des choix parmi le répertoire contemporain. 

Ce que j’ai voulu faire pour le festival à Londres, c’est présenter un panorama de la danse contemporaine des années 1970 à aujourd’hui.

Par exemple ?

On va montrer des œuvres comme Dance de Lucinda Childs. Ce que j’aime, c’est témoigner entre autres des liens de la danse avec les arts plastiques : dans cette pièce il y a l’œuvre de  Sol LeWitt et la musique de Philip Glass, on va montrer également Set and Reset de Trisha Brown, là encore une collaboration avec un plasticien, Robert Rauschenberg a fait la scénographie, et la musique c’est Laurie Anderson. Set and Reset sera présenté à la Tate. À côté de ces œuvres majeures, on va présenter des artistes beaucoup plus jeunes comme Jamila Jonhson une jeune performeuse britannique, ou encore Katerina Andreou. La prochaine étape après Londres c’est l’Asie, on ira à Pékin et à Hong Kong. Je souhaite présenter le projet de Boris Charmatz, Vingt danseurs pour le XXe siècle, un projet qui à la fois traverse l’histoire de la danse, et qui peut intégrer des artistes de la scène locale. Après, on ira aux USA, dont nous sommes plus proches culturellement, mais là aussi il y aura sûrement des surprises. À chaque fois, nous travaillerons avec des institutions locales. 

Notre volonté, c’est de mettre en œuvre un mécénat en faveur des compagnies, un mécénat en faveur des institutions, et chaque année d’organiser un grand événement en collaboration avec des institutions, pour créer, diffuser, rencontrer. À Londres, cela aura lieu du 9 au 24 mars 2022.

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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