Politique culturelle
[Reportage] Clôture de l’automne numérique : le futur sera branché ou ne  sera pas

[Reportage] Clôture de l’automne numérique : le futur sera branché ou ne sera pas

09 November 2013 | PAR Idir Benard

Ayant débuté par des conférences chez Microsoft France, la journée se termine rue de Valois, avec la remise du prix “Eléphant Bleu” par Aurélie Filippetti à l’équipe “la Der des Ders”, lauréate du hackathon organisé la semaine passée. A quelques jours des commémorations du centenaire de la première guerre mondiale, le travail de cette équipe a unanimement été apprécié par le jury, dans un contexte de digitalisation des données publiques tous azimuts et d’éducation à de nouvelles pratiques numériques.

Lucie Burgess, Directrice des Contenus a la British Library, s’exprimant à propos de sa politique de digitalisation des oeuvres
Lucie Burgess, Directrice des Contenus a la British Library, s’exprimant à propos de sa politique de digitalisation des oeuvres

La salle de conférence de Microsoft France, à l’ambiance feutrée et aux couleurs bleu/violet caressant les murs, est d’un design le plus épuré qui soit, sobre et élaboré. Il y a quelque chose de TED ce matin, alors que les forces vives du numérique se relayent pour faire part des conclusions de leurs dernières réflexions concernant le potentiel des nouvelles technologies. Des intellectuels comme Francis Pisani, ou des artistes numériques comme Systaime ou Pierre Giner évoquent les possibilités concrètes offertes. Pour le premier, alors que “le réel et le virtuel sont 2 couches d’un même monde, (…) nier l’importance de la révolution digitale est grave”. Pour le second, reprenant à son compte le discours de Hollande “Moi, Président”, souligne l’importance du rôle que les institutions doivent avoir dans ce nouveau paysage qui se dessine : “Moi, institution,  je soutiendrai les artistes numériques. Moi, institution, je pousserai les galeries numériques…”. Tandis que pour le troisième, notre génération est même “équivalente à celle de la Renaissance, super-éduquée et polyvalente.” Dans une nuée d’écrans, portables, smartphones, telles autant d’étoiles dans un ciel nocturne d’été qui annonce un futur radieux, le ton est donné : l’avenir sera numérique ou ne sera pas. Les digital natives et adoptives, les yeux rivés sur leurs multiécrans, telles des sentinelles à qui rien ne doit échapper, sont hyper-connectées à l’un des 4 réseaux wifi : au croisement entre art, informatique et business, bienvenue dans l’univers de ceux qui bâtissent le monde de demain. Mais la réflexion intensive, cela creuse l’estomac, et heureusement que l’on peut compter sur un buffet impérial : tout simplement excellent, avec mention spéciale aux tartelettes à la fraise, pâte sablée, crème pâtissière, parsemées de pistaches concassées. Le volet gastronomique constitue également une des grandes réussites de cet automne numérique. La ligne promue apparaît donc simple : de la qualité et de l’exigence à tous les niveaux, et dans les moindres détails, jusque dans l’organisation des buffets.

 

Buffet des desserts, final en apothéose de finesse
Buffet des desserts, final en apothéose de finesse

Car l’enjeu est de taille. Alain Crozier, président de Microsoft France, souhaite à cet égard, “sortir de l’entre soi. Si l’on veut que le numérique travaille au progrès de l’humanité, il doit être accessible au plus grand nombre”. Voilà ce qui est en jeu : la prévention de l’analphabétisme numérique, qui est annoncé comme le fléau du futur. Une démarche éducative est donc absolument nécessaire, et, jointe à la libération des données publiques, se révèle être un potentiel inouï de développement économique et personnel. A cet égard, la British Library de Londres et le Rijks Museum d’Amsterdam viennent faire part de leur politique de digitalisation, et même si cela a un coût non négligeable, l’avantage est indéniable : explorer la culture plus facilement. La digitalisation du patrimoine permet ainsi un regain d’intérêt pour les oeuvres, qui loin d’être boudées, sont de plus en plus admirées par les visiteurs qui font le déplacement pour les apprécier sous une perspective nouvelle.  Les conférences finies, la course contre la montre continue pour Camille Domange, chef du département des politiques numériques du ministère, et son équipe : il faut organiser la conférence de presse, qui a lieu dans moins d’une heure au siège du ministère de la Culture, rue de Valois.  Dans un décor scintillant de mille feux, aux fines moulures de feuilles d’or et aux rideaux symétriquement pliés au millimètre, la ministre Aurélie Filippetti annonce son ambitieux programme concernant le numérique. Dans une pique fustigeant “le conservatisme de la droite en matière de nouvelles technologies”, elle souhaite à cet égard donner une image résolument moderne à sa politique. Les peurs et les incantations feront la place à “l’anticipation des usages et  la technologie, trop longtemps considérée comme une menace, sera au service de la culture et de l’éducation”,  l’objectif  étant de “préserver des espaces culturels communs gratuits” et de faire de la France “un pays d’avant garde de la culture numérique”. Elle annonce dans la foulée un partenariat avec l’INRIA à travers un cycle de conférences qui aura lieu fin 2014, et la création de la Sillicon Valois, lieu innovant et original destiné à accompagner les entrepreneurs numériques de tous poils. Cet automne numérique a vu en effet de belles équipes et de beaux projets naître, qui sont détaillés dans un bref retour sur le mash-up et le hackathon, juste avant la remise des prix. Planet’Art et son jeu vidéo, objet d’un précédent reportage, remportent la 2ème place avec le prix de la jeunesse. Pour le lauréat, c’est l’unanimité dans le jury. Le projet de l’équipe de “la Der des Ders”, consiste à placer dans un contexte géographique les archives photographiques de la première guerre mondiale, à travers l’histoire de Lucien, compte twitter en main, qui se serait fait reporter de guerre. Pour Benjamin, membre du jury, “ce projet offre la meilleure utilisation du web sémantique  Le concept est de plus transposable à d’autres événements historiques ou d’autres données culturelles, et a donc le plus de chance de se pérenniser.” Des lieux de mémoires liés à la guerre, il y en a  en effet beaucoup et leur mise en valeur grâce à l’open data tournée vers l’éducation, surtout à quelques jours de la commémoration du centenaire de la première guerre mondiale, est une riche idée. En plus des 5000 euros, ils bénéficieront en outre du soutien de Spark, plateforme de soutien à la création de start-up, imaginée par Microsoft.

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Lilian, Antoine et Clément (de gauche à droite), les 3 membres de la Der des Ders, avec leur prix issu d’une imprimante 3D, remis par la ministre Aurélie Filippetti

Pour Lilian, membre de la Der des Ders, “si on s’appelle de la sorte, c’est justement parce qu’on ne pensait pas du tout gagner”. Une belle leçon d’humilité à retenir : toujours rester modeste, quelque soit la portée de son succès. “La modestie, c’est l’écrin du talent” disait Aurélien Scholl. Cette phrase est brillamment illustrée par l’état d’esprit de cette équipe et tous les participants en général, qui, en bons passionnés, venaient, tels des boulimiques culturels, apprendre, échanger et transmettre le plus possible. Au final, un bel automne numérique durant lequel des graines vont germer bien au chaud dans les cerveaux, pour éclore dans un printemps des projets, que l’on espère luxuriant.

Crédit Photo : (c) Idir BENARD

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Idir Benard
Passionné par les nouvelles technologies, la cyberculture et les visionnaires de tout poil, il écrit un mémoire à l'EHESS sur le transhumanisme et la science fiction. Interrogateur du genre humain, en chemin hors de la caverne de Platon. Bon vivant, ne se prive pas de couvrir des évènements sympas en tout genre, qu'il y ait du vin, du dupstep ou de l'art. Fan des dessins animés des années 90 (Tintin, Dragon Ball Z) et des jeux old school (mégadrive en particulier)

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