Prises de position d’artistes et intellectuels ivoiriens
En Côte d’Ivoire, quelques jours après la chute de Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara va enfin pouvoir exercer son mandat de Président de la République. Alors que les défis à relever sont d’une extrême importance, grand nombre d’artistes et intellectuels ivoiriens prennent position. Le concept « d’ivoirité » est désormais sur la sellette…
Alpha Blondy, la star ivoirienne du reggae, exige que les armes se taisent. L’écrivain et journaliste ivoirien Venance Konan vient de fuir Abidjan. Le chanteur Tiken Jah Fakoly veut que « le pouvoir aille à celui qui a été élu ».
La liste est longue face à des contestations toujours plus virulentes. Au cœur du débat, un concept politique tenace : « l’ivoirité ». Définissant les caractères nationaux de la Côte d’Ivoire, cette idée est à rapprocher de celle de « préférence nationale ». Dans un processus de démocratisation et d’unification, l’ivoirité vise à promouvoir les cultures et productions nationales. Cet élan se manifeste via des spots publicitaires (radio, affichage public, télévision et journaux de presse) avec un slogan simple : “Consommons ivoirien”.
Beaucoup dénoncent le risque xénophobe de la notion d’ivoirité, puisqu’elle crée des « marginaux de la République ». Tour à tour orchestré par les leaders politiques ivoiriens, le concept pourrait être le nœud de la crise que rencontre aujourd’hui le pays.
Les prises de position de personnalités artistiques peuvent être comprises dans une logique simple. En effet, les Ivoiriens qui continuaient de croire aux idées de Gbagbo ont eux-mêmes été contraints d’accepter son impuissance face aux coalitions diplomatiques et économiques – ne serait-ce que pour que le massacre cesse.
Ainsi, pour Alpha Blondy, en concert à Paris le 14 avril, « la crise et la violence en Côte d’Ivoire sont aussi incompréhensibles qu’inutiles ». « Que les armes se taisent! Qu’on arrête de tuer les civils! », lance-t-il sur le site de Slate Afrique. Pour le reggae-man qui affirme avoir voté pour Laurent Gbagbo, il n’y aura pas de vainqueur. Les Ivoiriens devront négocier et prendre leurs responsabilités, en se détachant du concept d’ivoirité.
L’intellectuel Venance Konan, très critique à l’égard du régime Gbagbo, a fui Abidjan pour ne pas risquer sa vie. Si beaucoup lui témoignent leur admiration, il répond à très haute voix : « Mais toi aussi, écris ! Je ne suis pas le seul à savoir écrire dans ce pays, non? »
Non, il n’est pas tout seul. Le chanteur Tiken Jah Fakoly a également demandé à Laurent Gbagbo de partir. « Je suis un artiste qui dénonce l’ingérence des pays occidentaux. Mais à partir du moment où l’on a essayé de tordre le cou au processus démocratique, ce n’est pas une mauvaise idée que d’autres pays interviennent pour mettre la pression », a-t-il déclaré au journal L’Humanité.
La vedette locale, Nguess Bonsens, a chanté un bilan critique de Laurent Gbagbo pendant la campagne : « Dix ans de galère, dix ans de dictature, dix ans sans emplois, dix ans sans salaires, dix ans sans la paix, dix ans sans la démocratie, dix ans de mensonge, dix ans de refondation, mais on n’a jamais vu le mur »… Un collectif de chanteurs, parmi lesquels figurent deux Bétés, l’ethnie de Gbagbo, Noël Dourey et Paulin Lago, avaient également fait des affiches exprimant leur sympathie pour Ouattara pendant la campagne.
Reste à savoir si cette parole artistique pourrait acquérir une portée politique…
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