
Paris : la ville éteint la lumière
C’est la guerre à la lumière électrique ! Nos villes modernes vont-elles devenir noires ? Paris, la ville lumière verra-t-elle une partie de son attrait culturel s’éteindre ? La sensation enveloppante de sécurité qui permet aux femmes de rentrer de soirées sans trop craindre pour leur vie est-elle remise en question ?
“Limiter les nuisances lumineuses”
Par un arrêté du 25 janvier 2013 “relatif à l’éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels afin de limiter les nuisances lumineuses et les consommations d’énergie”, la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie “met un frein à l’éclairage des bâtiments non résidentiels, “recouvrant à la fois l’éclairage intérieur émis vers l’extérieur de ces bâtiments et l’illumination des façades de bâtiments, à l’exclusion des installations d’éclairage destinées à assurer la protection des biens lorsqu’elles sont asservies à des dispositifs de détection de mouvement ou d’intrusion.” Ainsi, “Les illuminations des façades des bâtiments sont éteintes au plus tard à 1 heure. Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d’exposition sont éteints au plus tard à 1 heure ou une heure après la fin de l’occupation de ces locaux si celle-ci intervient plus tardivement.” Le décret est limpide.
“On ne va pas assombrir Paris”
D’ici 2020, Paris vise une réduction de 30% de la consommation d’énergie de son éclairage public. On ne commence pas à hurler, car la volonté de ne pas perdre en puissance est dite. “On ne va pas assombrir Paris”, a promis Laurent Ménard. Le pari a été tenu sur la rénovation du Pont d’Arcole qui consomme 88% d’énergie en moins tout en restant tout à fait éclairé. À l’occasion de la présentation des travaux de rénovation du pont, la ville indiquait que le monument dépensait 33,915 kW contre 4,150 kW après travaux. Les horaires d’illuminations restent les mêmes : de la tombée du jour à minuit l’hiver, 1 heure le week-end, les jours fériés et l’été (du 16 juin au 15 septembre).
«Une insécurité »
Jointe par téléphone, Julie Muret, l’une des trois porte-parole de l’association Osez le féminisme est ferme sur la question : “l’éclairage public est une question féministe”. Elle insiste également sur l’évidence de faire des économies d’énergie, c’est “une bonne chose” d’arrêter « l’éclairage des magasins”, mais “on ne peut passer d’une rue de Rivoli claire comme en plein jour à une rue sombre”. L’alternative réside donc dans l’éclairage public qui doit selon elle être renforcé pour que “plus aucune rue ne soit sombre”.
Les femmes sont-elles plus en insécurité la nuit ? Julie Muret rappelle que » 75000 femmes sont violées chaque année », mais que, ces agressions interviennent souvent dans un cadre familier, et non pas forcement tard, dans une ruelle aux vitrines éteintes. Elle casse les stéréotypes : “Le sentiment d’insécurité est complexe, cette peur est présente, elle impreigne les mentalités des femmes”. “C’est à relativiser”. “Il faut un éclairage dans toutes les rues, et pour tout le monde.»
Paris la nuit n’était donc éclairée que par deux biais : l’éclairage public et les bâtiments privés. Paris intra-muros (hors B.P. et voies sur berges) ce sont 89 500 supports dont : 59 700 candélabres, 29 800 consoles sur immeubles, 141 sources lumineuses. Le premier point ne change pas. Le second disparaît.
“Il n’est en aucun cas question d’éteindre Paris la nuit »
Joint par téléphone, le service de presse de la Ville de Paris se félicite de ce décret tout en rappelant que «la ville n’a pas autorité sur les bâtiments privés». «Ce ne sont pas les vitrines qui assurent la sécurité mais bien l’éclairage public qui est présent dès que cela est nécessaire». Il n’est en aucun cas question «d’éteindre Paris la nuit». Ce décret va selon la ville, dans le bon sens, Paris étant engagé dans un large plan de refonte de l’éclairage.
Les passants pourront donc continuer de passer sans trembler, et, le décret le permet, faire du lèche-vitrine by night dans les grandes occasions.
Visuel (c) ABN
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EP
Bien qu’il n’y parait peut-être pas, l’éclairage des villes est une question complexe. Déjà, il est nécessaire de bien comprendre une distinction fondamentale : l’éclairage public des rues, en dehors de la mise en lumière des monuments, n’est pas concerné par le décret. Seuls les éclairages privés le sont (surfaces commerciales, bureaux etc).
Ensuite, en ce qui concerne le sentiment de sécurité, l’éclairage y contribue pleinement. Cependant (et là, l’article ne précise rien à ce niveau là) c’est la qualité de l’éclairage qui permet de procurer un bon sentiment de sécurité. Contrairement aux idées reçues, la quantité de lumière n’est pas le facteur principal qui entre en jeu !
En bref, la qualité de l’éclairage c’est quoi ? Il s’agit de l’uniformité de la lumière et sa teinte (ou couleur) (selon qu’il s’agisse par exemple d’une lumière jaune ou d’une lumière blanche).
Bref, le meilleur éclairage qui soit pour un bon confort et sentiment de sécurité : un éclairage blanc chaud uniforme (donc sans “trou noir” et zones d’ombres), pas éblouissant et bien dosé (pas trop, ni pas assez).