Politique culturelle
Le Mémorial de l’abolition de l’esclavage ouvre finalement ses portes

Le Mémorial de l’abolition de l’esclavage ouvre finalement ses portes

24 March 2012 | PAR Amelie Blaustein Niddam

En Provence, on parlerait d’arlésienne. L’ouverture du Mémorial de l’abolition de l’esclavage de Nantes initialement prévue le 1er décembre 2011 ouvrira ses portes finalement le 25 mars. L’édification avait été décidée en 1998, le 10 mai 2010, le jour de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, la première pierre du mémorial nantais avait été posée, suite à de nombreux soucis techniques, l’inauguration est décalée de quatre mois. Assumer d’être la ville d’où partirent les expéditions négrière, cela ne passe pas facilement.

Projet de mémoire et non d’histoire, le parcours en plein air et souterrain se déroule sur 1,5 kilomètre. Il est jalonné de 2000 panneaux de verre. Dans une symbolique allant de la mémoire à l’histoire, le chemin mène au Château des ducs de Bretagne, lieu de recherche et d’analyse. La volonté est claire : “Le Mémorial de l’abolition de l’esclavage est un monument commémoratif dont l’objectif est de se souvenir et d’alerter, et non d’expliquer les faits”. Implanté sur le quai de la Fosse qui a vu partir 450.000 captifs noirs, le bâtiment a été désiré par la ville de Nantes qui fut capitale des expéditions négrières en France au XVIIIème siècle.

Le retard pris dans l’ouverture du musée est d’ordre technique. Les plaques en verre sur lesquelles sont inscrites les noms des comptoirs négriers, les ports d’escales, les ports de ventes, les noms des navires, leur date de départ commandées à une entreprise espagnole sont arrivées illisibles. Il a fallu regraver et recommencer. L’anecdote semble futile mais elle résonne avec une lente appropriation nationale de l’évènement. Il a fallu attendre les derniers programmes scolaires pour voir apparaître en classe de seconde : “« Une attention particulière est accordée à l’exclusion persistante des femmes de la vie politique et à la difficile abolition de l’esclavage. » A Nantes, la difficulté fut d’ordre architectural essentiellement. La Ville est depuis 1983 entrée dans une phase d’obsession mémorielle. Apres deux siècles de déni, une association ” Nantes 85, du Code noir à l’abolition de l’esclavage voit le jour, rejetée par la mairie. En 1989, nouvelle mandature et nouvelle démarche, une exposition “Les Anneaux de la mémoire” accueille 400 000 visiteurs au Château des Ducs de Bretagne. C’est en 1998, lors du 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage que le Conseil Municipal adopte le principe d’ériger un mémorial.

Nous voilà plus de vingt ans après, les travaux n’ont toujours pas commencé. Les enjeux de mémoires et politiques restent nombreux. L’adhésion des Nantais à leurs heures noires aura nécessité un temps long d’adaptation.

Il semblerait qu’aujourd’hui, les choses soient apaisées. Les architectes Krysztof Wodiczko et Julian Bonder ont pensé un lieu de recueillement, sans possibilité d’être heurté. C’est en marchant, voyant sous ses pas se dérouler une partie des 1710 expéditions négrières parties de Nantes que le promeneur prend conscience de l’horreur. Il se dirige ensuite, en empruntant un escalier monumental, vers une galerie située sous les quais. Ce “Grand passage” est composé d’une immense plaque de verre inclinée à 45° court sur 90 mètres de longueur. Après le choc, les questions soulevées trouveront réponses dans le lieu d’histoire qu’est le Château.

De la mémoire à l’histoire, la ville de Nantes semble avoir enfin trouvé la démarche juste pour assumer son passé par l’intermédiaire de cet objet transitionnel qu’est ce mémorial, véritable matérialisation symbolique des sentiments mêlés de haine, d’oubli et de culpabilité face à un passé douloureux.

Visuel (c) : Patrik Garçon / Nantes Métropole

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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