Politique culturelle
Le “bon père de famille” rejoint “Mademoiselle” au placard

Le “bon père de famille” rejoint “Mademoiselle” au placard

23 January 2014 | PAR Céline Duverne

Dans le cadre du projet de loi sur l’égalité des sexes, l’expression patriarcale « en bon père de famille » sera désormais bannie de la langue juridique. Cette polémique vient relancer le sempiternel débat sur la puissance idéologique du langage dans la lutte pour l’égalité homme/femme. 

Code civil

Les députés ont adopté mardi 21 janvier, sous l’impulsion d’une poignée d’élus écologistes, un amendement visant à supprimer l’expression « en bon père de famille » du cadre législatif. Elle sera désormais remplacée par l’adverbe neutre « raisonnablement », pour préserver l’indistinction du genre sexuel.

Cette formule désuète, emblématique d’un modèle social suranné, figurait jusqu’alors dans une quinzaine de textes en vigueur, issus aussi bien du Code civil que des Codes de la Consommation et de l’Urbanisme. La députée de Dordogne Brigitte Allain cite en exemple l’article 1728 du Code civil, inchangé depuis Napoléon. « Dans ma vie, j’ai signé plusieurs contrats où je m’engageais à gérer le bien ‘en bon père de famille’. Ça m’a toujours dérangée : faut-il donc avoir un phallus pour bien gérer des biens ? Quand on doit signer cela, c’est particulièrement révoltant, car on renie son identité de femme et sa capacité de gestion en tant que femme », s’insurge-t-elle dans une interview au Figaro.

La ministre du Droit des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a accueilli très favorablement cette initiative : « Il s’agit de réécrire une notion qui est présente dans le Code civil depuis 1804 et remonte au droit latin », souligne-t-elle. « Actualiser le droit s’impose parfois pour le mettre en conformité avec la réalité et le rendre compréhensible ! Les citoyens, de nos jours, ont, dans leur immense majorité, tourné la page de la famille patriarcale et ne comprennent plus cette référence. » Au-delà de la polémique féministe, il importe de conformer le texte de loi à la réalité des usages. Quelques ténors (masculins) de l’opposition ne l’entendent pas de cette oreille : Hervé Mariton, élu de la Drôme, déplore le « totalitarisme linguistique » à l’œuvre (source : Le Figaro). « La bêtise et l’idéologie règnent à gauche et chez les Verts », renchérit le député de la Charente-Maritime Dominique Bussereau sur son compte Twitter.

Si l’on en croit le Trésor de la Langue Française, la notion de « bon père de famille », inscrite dans le droit latin sous la formule « bonus pater familias », réfère aux qualités de « soin, vigilance et économie ». L’an passé, la polémique liée à l’emploi de « Mademoiselle » dans les formulaires administratifs signifiait déjà l’importance reconnue au langage dans la diffusion d’une idéologie égalitaire pour les deux sexes. Cependant, faut-il admettre des limites dans cette vaste chasse aux sorcières ? Quelques mois auparavant, l’initiative de la députée parisienne Sandrine Mazetier, qui suggérait de rebaptiser l’école maternelle, n’avait pas été relayée par la majorité. Difficile, en somme, de savoir où situer le curseur.

Outre cet amendement très symbolique, le projet de loi en cours sur l’égalité entre les sexes comporte des mesures très concrètes, comme l’aménagement d’un congé parental du deuxième parent et l’instauration de nouveaux quotas dans les entreprises de plus de 250 salariés. La lutte pour l’égalité des sexes a encore de beaux jours devant elle…

Visuels : © Photographie du Code civil en vente sur Amazon.

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Céline Duverne

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