Politique culturelle
La comédie de Valence fait danser son public

La comédie de Valence fait danser son public

24 October 2017 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Et pas seulement. La Comédie de Valence fait danser son public, elle le fait écrire, elle le rencontre. Sous la direction de Richard Brunel les amateurs deviennent des professionnels du plateau. Ce weekend Gaëlle Bourges se prêtait à l’exercice.

Rappel des faits

Depuis 70 ans, il existe des CDN, des Centres Dramatiques Nationaux, dirigés par un artiste. 38 se partagent le territoire avec des besoins, des atouts et des complexités propre à chaque lieu. Etre un CDN accessible en métro n’est pas un être un CDN en plein milieu de la carte de France. Pour Valence, la position géographique est plutôt favorable : 2H30 de Paris, 1H de Lyon, 1h d’Avignon, encore faut-il mobiliser et faire venir le public, comme dans n’importe quel théâtre, mais ce lieu va plus loin en cherchant de nouveaux spectateurs. Cela se nomme “L’éducation artistique” et ressemble très sérieusement à une université populaire : “Chaque saison, l’Ecole du spectateur accompagne environ 175 groupes de publics différents soit près de 4000 spectateurs”.

Pour ce faire , la toile est tissée par les meilleures araignées. Les professeurs, leurs élèves et les artistes travaillent ensemble, accompagnés par le fil programmatique de La Comédie de Valence. Car c’est là que se niche le secret de cette réussite.

Danser une fresque de Lorenzetti

Les 21 et 22 octobre, la chorégraphe Gaëlle Bourges permettait à une vingtaine de spectateurs d’entrer dans le secret de la création. Pendant six heures, elle a proposé un travail en atelier autour d’une partie de sa pièce Conjurer la peur qui se donnait quelques jours avant à la Comédie.

L’approche est fascinante car rare. La pièce met en mouvement L’Allégorie et les effets du Bon et du Mauvais Gouvernement, un ensemble de fresques d’Ambrogio Lorenzetti placées sur les murs de la Sala dei Nove ou Sala della Pace du Palazzo Pubblico de Sienne. Sur cette fresque, on voit un détail, un groupe d’hommes, déguisés en femmes, qui dansent, l’air triste. “Tout n’est que symbole” dit aux élèves d’un jour Gaëlle Bourges. Elle nous propose donc de faire vivre cette scène en créant une ronde. Pendant 6 heures, elle aura appris à des élèves studieux et volontaires à ressentir leur centre de gravité. “la marche est un déséquilibre” apprend-on. Et la danse est une marche. Le resultat est fou. Avec une pédagogie douce, alternant temps de discussions, exercices, improvisations, l’apprentissage de la chorégraphie et enfin la danse, le groupe fait corps, ensemble et offre un résultat bluffant. Nous entrons dans le secret des dieux, celui de la pensée d’une chorégraphe. Les pièces de Gaëlle Bourges ont des accents universitaires et l’on pouvait s’attendre à une danse théorique. Ce fut tout le contraire, grâce notamment à un premier geste fait en trio avec un tissu élastique, permettant au corps d’aller immédiatement au-delà de lui et aux participants de se connaitre, non pas par la parole, mais par leurs énergies. “Ce travail de fourmi” comme le nomme la directrice de la communication, Coline Loger, fonctionne. Il est certain que ces vingt danseurs amateurs de tout âge iront ou retourneront au spectacle.

Un travail de fourmi

Ces stages sont réalisés toute l’année et sont tous organisés autour d’un spectacle donné par l’un des artistes programmé. Chaque session est en rapport avec la discipline du metteur ou de la metteuse en scène. Cela semble évident, et pourtant, ce n’est pas une pratique généralisée.

Robin Renucci, metteur en scène et comédien de L’enfance à l’œuvre et le comédien Patrick Palmero proposeront un atelier de théâtre les 25 et 26 novembre. Julien Guyomard, auteur et metteur en scène de Syndrome U orchestre les samedis 13 Janvier, 10 Février et 24 Mars 2018 un atelier d’écriture.

La Comédie de Valence va plus loin en proposant aux amateurs de jouer “pour de vrai”. Lors des “ateliers annuels”, “Chaque participant est doublement acteur, il s’essaye à un art et en témoigne, de la conception d’un projet à la présentation publique lors des “Premières voix” pendant le festival Ambivalence(s) du 28 mai au 02 juin”. C’est le cas également lors des “Créations partagées” qui portent bien leur nom. On peut citer Du printemps de Thierry Thieu Niang où des seniors couraient en hommage à la vie. “Depuis 2011, 17 créations partagées ont vu le jour, mobilisant près de 245 amateurs. Certaines sont même diffusées en tournée.”

Concrètement, à Valence, les amateurs prennent le plateau.

La Comédie de Valence, Centre dramatique national Drôme-Ardèche, Place Charles Huguenel,26000 Valence.

 

Visuel : Malika Toudji. Photo prise lors de l’atelier de Gaëlle Bourges le 22 octobre

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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