GRAND ANGLE: LA CULTURE AU SERVICE DE CHARLEROI
Partir une semaine à Charleroi? “Plutôt rester chez soi”… Loin des idées reçues, Toute La Culture a enfilé ses baskets pour explorer les paysages abandonnés et les musées les plus excitants de la ville Belge, le tout en pleine biennale d’Art Urbain.
« Charleroi, la ville la plus moche du Monde ». Si la punchline a été lancée en 2008 par le quotidien néerlandophone “De Volkskrant”, elle colle encore aux baskets des Carolos. C’est dire qu’elle a forgé l’histoire contemporaine de la ville. Après avoir été un moteur dans le secteur métallurgique belge au XIXe siècle, Charleroi décline et prend rapidement des airs de friche industrielle. Entre les terrils — de basses collines qui sont en fait les restes d’amas de charbon — Charleroi se dessine. Les usines s’amoncellent le long de la Sambre et tout autour de la ville. Ajoutez à cela le « ring », sorte de boucle périphérique aérienne qui écrase d’avantage l’horizon et accentue les airs de villes abandonnées.
Charleroi victime des fantasmes de ses voisins européens? En 2015 encore elle est présentée dans une série de photographies au concours World Press comme l’archétype du malaise social européen. L’auteur des clichés, l’Italien Giovanni Troilo, met en scène les habitants de ce qu’il appelle « The Dark heart of Europe » et accompagne son travail d’un portrait brutal: « Une sexualité perverse et malade, la haine raciale, une obésité névrotique, l’abus d’antidépresseurs semblent être les seuls remèdes pour surmonter ce malaise endémique. »
Pourtant, force est de constater le charme de la ville belge. Les usines abandonnées disparaissent dans une végétation qui reprend ses droits. Les pierres rousses des bâtiments témoignent de la singularité de l’architecture carolote et la poussière sur les fabriques disparait derrière les grafs qui envahissent la ville. Arriver à Charleroi par le train depuis Bruxelles c’est pénétrer dans un film des frères Dardenne.
« Suivez nous pour un safari urbain et découvrez l’endroit où la mère de Magritte s’est suicidée, le métro fantôme, la rue la plus déprimante de Belgique, grimpez au sommet d’un terril et visitez une authentique usine désaffectée. »
Une atmosphère atypique que les Carolos tentent désormais d’exploiter. A l’image du parcours « Charleroi Adventure » que propose Nicolas Buissart pour une vingtaine d’euros. Un safari urbain pétrie d’humour belge où l’on découvre des territoires traumatisés par la faillite de l’industrie métallurgique comme ces kilomètres de rames abandonnées construites dans les années 1960 et qui devaient accueillir un métro; en vain. En bref, Charleroi s’impose comme un temple de l’exploration urbaine: de l’usine désaffectée à la maison d’enfance de René Magritte la cité belge est une source inépuisable de découvertes hors du commun.
Si les stigmates de son passé industriel sont bien présents c’est donc tout à l’avantage de Charleroi. C’est d’ailleurs ce que semble avoir compris le bourgmestre qui s’applique désormais à mettre en avant les paysages atypiques de sa ville.
Le patrimoine dépoussiéré
Si Charleroi compte de nombreuses bâtissent d’ouvriers, quelques maisons d’industriels ayant fait fortune le siècle passé valent le détours. L’entre deux-guerres permet la naissance de mouvements architecturaux comme l’Art déco et le Modernisme qui succèdent à l’Art Nouveau. Du pont de la résistance qui fait face à la gare à la Maison Lafleur du Boulevard Solvay, les styles dialoguent entre eux et créer l’ambiance toute particulière de la ville. Mais depuis quelques années Charleroi se transforme. Si la ville jouit d’un riche patrimoine architectural, elle tente désormais de se réinventer en redynamisant son urbanisme. Un objectif qui s’appuie tout particulièrement sur la culture et permet la construction de centres d’art et de musées.
Ainsi, le Palais des Beaux-Arts de Charleroi côtoie le Musée des arts plastiques de la Province de Hainaut, le B.P.S 22. Dans le hall industriel de verre construit à l’occasion de l’Exposition industrielle et commerciale de 1911 on peut découvrir l’exposition permanente qui regroupe la collection de la Province comme des installations monumentales à l’image de Metamorphic Earth. Présentée jusqu’au 22 janvier prochain, elle regroupe des vidéos immersives des artistes Gast Bouschet et Nadine Hilbert qui interrogent la relation que l’homme entretient avec son environnement. A quelques kilomètres de Charleroi, le Musée de la Photographie présente la plus vaste collection de photographies d’Europe. Avec 80 000 tirages et 3 millions de négatifs, elle retrace toute l’histoire du médium, des premiers clichés aux plus contemporains d’entre eux.
Mais là où Charleroi semble s’épanouir le plus est l’art urbain. Devenir la « capitale du Street art » : la ville semble vouloir se donner les moyens de ses ambitions. A coup de biennale, elle accroit considérablement le nombre de fresques sur ses murs. Si la sconde édition d’Asphalte est moins convaincante que la première, les artistes sont présents depuis les années 1990 et la campagne Urban dream et ont ainsi laissé leur trace. Impossible donc de traverser les rues de Charleroi sans croiser des oeuvres d’Invader, Maya Hayuk ou encore Sixe Paredes. Un vent nouveau souffle sur Charleroi, motivé par la culture et l’art, sera-t-il suffisamment puissant pour réveiller la ville endormie?
Visuel:
© Views from the terril of Dampremy over the now closed Arcelor Mittal industry in Charleroi
© Série “The Dark Heart of Europe” © Giovanni Troilo
© Camille Bardin