Du crowdfunding pour sauver les photos d’Emile Zola
C’est un projet passionnant qui avait été lancé en 2017, suite à l’achat par la MAP (Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine) de près de deux mille photographies de l’écrivain : les numériser et les mettre en ligne sur le site POP (Plateforme Ouverte du Patrimoine, une plateforme de mise en ligne de documents émanant du Ministère de la Culture) afin de permettre au plus grand nombre d’y accéder.
Un Zola intime
Passionné comme chacun sait de progrès technique et scientifique, ami de Nadar, féru d’arts plastiques, Zola ne pouvait passer à côté de la photographie. Les clichés déjà en ligne brossent le portrait d’un écrivain très centré sur sa famille – ou ses deux familles, Alexandrine et Jeanne -, avec de nombreux portraits de son épouse, de sa maîtresse et de ses enfants, mais aussi des clichés de Médan et de ses environs. Un univers très champêtre, éloigné de la majeure partie de l’œuvre littéraire de Zola. Cet ancrage dans la vie intime, loin des débats sociaux et politiques auxquels l’écrivain aimait prendre part, n’est pas sans surprendre.
Néanmoins, outre l’intérêt que peuvent receler en elles-mêmes ces photographies, le soin dont Zola fait montre pour la composition nous invite à relire ses romans et ses ouvrages de critique artistique, où le détail ne trouble qu’autant qu’il dérange une description d’ensemble. C’est ainsi que, dans ses romans, il fait surgir une mine ou une locomotive ou, dans ses ouvrages critiques comme Édouard Manet, défend Le Déjeuner sur l’herbe.
Un financement participatif
Toutefois, le projet de numérisation des photographies de l’écrivain naturaliste se heurte à la mauvaise qualité de plusieurs centaines d’entre elles. Aussi le département Photographie de la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine a-t-il lancé, avec le Centre Zola (ITEM-CNRS-ENS) et la Société littéraire des Amis d’Émile Zola, son premier financement participatif.
Le but de la campagne de financement participatif est de réunir les 10 000 euros nécessaires à la restauration des quelques 500 photographies endommagées, pour ensuite les reconditionner dans des boîtes de conservation après les avoir numérisées et mises en ligne. C’est donc à un double public que s’adresse cette entreprise : le curieux d’aujourd’hui qui souhaite élargir sa connaissance de l’écrivain et le chercheur de demain, qui pourra retrouver, bien conservés dans le fonds de la MAP, ces témoignages sur la fin de vie de Zola.
Si l’on ne peut a priori que s’enthousiasmer pour ce projet, son mode de financement n’est pas sans poser quelques questions. Il s’inscrit en effet dans la multiplication des financements participatifs lancés par les institutions culturelles, sommées par leurs tutelles de “diversifier” leurs recettes, et entérine la baisse des subventions publiques dans ce domaine. Les “contreparties” proposées aux “mécènes”, comme “le sac de la MAP”, laissent elles-mêmes songeur : les musées et centres de recherche auraient-ils vocation à se muer en boutiquiers ?
Visuel : “Naturalisme”, par Louis Legrand dans Le Courrier français, en mars 1890