Politique culturelle
Comment deux gymnases du 15ème ont sauvé #manuitblanche

Comment deux gymnases du 15ème ont sauvé #manuitblanche

05 October 2014 | PAR Yaël Hirsch

5 parcours thématiques étaient prévus dans Paris pour cette édition 2014 de la Nuit Blanche. Vu la longueur des chemins à parcourir et la fermeture de la plupart des activités nous n’avons pu qu’en suivre deux : celui  du Marais, bigarré et plutôt tourné vers la photo et la vidéo sous le titre “les futurs composés” et celui, plus original, qui menait de Montparnasse à la petite ceinture versant 15ème et qui était dédié à la performance sous le titre” je perf, il perf, nous dansons”. Une soirée qui a réuni un public sympathique, un peu étonné qu’il ne se passe pas grand chose un soir de Nuit Blanche.

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S’il est vrai que la pluie n’a pas aidé les promeneurs tardifs (minuit-2h) de la Nuit Blanche et a pu décourager d’aller voir du côté du street art et du 13ème la seule partie de l’événement qui durait toute la nuit, on peut néanmoins dire que ce petit crachin aurait pu entrer en compte quand on a imaginé des performances en plein air un 4 octobre.

Par ailleurs très high-tech question twitts (ceux qui utilisaient le hashtag #manuitblanche étaient géolocalisés et dirigés par des twitts générés par le community management  de la Nuit Blanche, très James Bond!) la fête na pas su doter ses participants d’applis qui les guideraient en mode 2.0. Côté orientation, à moins d’entrer dans un square ou un gymnase gardé par un vigile habillé en orange, on était censé suivre  une ligne bleue  dessinée sur les trottoirs et parfaitement invisible à partir du coucher du soleil. Point d’autre indication dans les rues adjacentes ou principales. Surtout rien dans les stations de métro. Dans la nuit mouillée, les stakhanovistes de la Nuit Blanche tenaient donc le plan détrempé du chemin à suivre, difficilement lisible à la lumière des lampadaires et, qui plus est donné au compte goutte sur un seul lieu à chaque parcours.

Heureusement, les aficionados de la Nuit Blanche étaient très sympathiques et généreux d’informations. Carte en main, ils prenaient le temps d’expliquer à ceux qu’ils croisaient comment bien suivre le parcours et quelles installations valaient la peine, malgré une certaine déception. Jeunes, ils n’avaient pas forcément les moyens d’un couple trentenaire bobo pour s’acheter à manger à l’un des multiples foodtrucks aux sympathiques patrons frigorifiés. Mais pas compliqués, ils se contentaient volontiers de quelques bougies installées sur les anciens rails de la petite ceinture pour s’asseoir autour, avec ou sans bière, en y allumant un cigarette de l’amitié.

Côté Marais, un touriste lambda pouvait évoluer sans se douter que le quartier était l’un des hotspots de la Nuit Blanche. La foule se pressait pratiquement uniquement autour de l’Hôtel de Ville pour voir la performance de Sonia Wieder-Atherton, Odyssée pour Violoncelle et Chœur Imaginaire et l’on voyait de loin la grande sculpture sucrée de l’umbrellium de Mini Burble Paris. Mais autour, on pouvait passer à côté de la projection de Tsai Ming Liang sur le BHV, ou sur la cour de l’institut suédois à peine relevée de projections de Geska & Robert Brecevic sans rien voir de particulier. Même la very wanted cour du Musée Picasso rénovée était assez calme et peu fréquentée. Nous avons pu y voir le chanteur BabX performer, avec une dizaine de musiciens joliment placés et une des projections vidéos rétro dont il a le secret. Mais le résultat était vraiment décevant : percussions acharnées et solennelles, lui dos au public avec un casque de minotaure lumineux a fini par marmoner “Picasso” se donnant de faux airs de gourou ou de Mathieu Chedid raté et pas tout à fait assez illuminé. Au vu du lieu et des structures mises en place, c’était tout de même bien dommage.

C’est la Bibliothèque Historique de la ville de Paris qui nous a le plus séduits dans le Marais, avec une très jolie explication de la technique du daguerréotype en introduction d’une exposition de photographies et vidéos intelligentes sur Paris signées Ariane Michel, Patrick Bailly-Maitre-Grand, Marc Pataut, et le collectif Hehe.

Entrés dans le métro bondé et joyeux à Bastille, nous en sommes ressortis à Balard pour aller découvrir des performances. Mais arrivés place Balard, aux portes de Paris, aucune trace de vie. Ce sont d’autres arpenteurs de nuits blanches qui nous indiquent la voie de la petite ceinture. Il pleut un petit crachin pas dramatique mais qui fait que l’ancienne voie ferrée est désertée de ses performeurs quand nous arrivons : point de fugue de Joann Bourgeois donc, la scène est vide. Un peu plus loin, nous sommes chanceux <strong>Jorg Muller et ses camarades ont repris leur numéro de cirque sur un grand tube à essai lumineux. Mais malgré la lumière du tube, on voit très mal. Dans la nuit la performeuse Chloe Moglia est bien en “Absences” : à peine discernable. L’ambiance humide et désolée est assez propice à l’installation de Mateo Mate, A Moveable Feast, où l’artiste interroge les restes d’un banquet où il a l’air d’avoir mangé seul. Impression de fin de partie, donc, à peine relevée par la projection enfin colorée et réussie du Voyage en Occident de Tsai Ming Liang.

C’est en sortant de la petite ceinture et en nous enfonçant dans un 15ème désormais désert (il est 1h30) que nous voyons nos deux plus belles installations : la première est très graphique et signée Aurélien Bory au gymnase Olivier de Serre et, une bonne demi heure de marche plus tard après le parc Georges Brassens délaissé et un bon bout de la rue de Vaugirard déserte on découvre avec émerveillement une trentaine de performeurs déguisés comme dans une comédie de contes de fées au Gymnase Raymond Burgard. L'”oeuvre” est signée François Andes, ancien étudiant à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles et s’intitule goûteusement “Le singe qui lèche”. Quelques performeurs fument une cigarette quand nous entrons et semblent assez étonnés qu’ailleurs ce soit calme : même avec un public d’une dizaine de personnes, ils semblent à bloc jusqu’à 7 heures du matin. Au chaud, émerveillés de couleurs, on se dit qu’il est bien dommage que toute la Nuit Blanche n’ait pas ressemblé à ce moment créatif et généreux.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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