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Ouverture du procès Weinstein : volet pénal du mouvement #MeToo

Ouverture du procès Weinstein : volet pénal du mouvement #MeToo

07 January 2020 | PAR Hortense Milléquant

Le procès d’Harvey Weinstein s’ouvre cette semaine à Manhattan et avec lui c’est tout un monde qui est sur le banc des accusés.

Alors que débute le procès pénal, il est important de rappeler que les poursuites au civil lancées par des dizaines de victimes présumées, se sont pour le moment soldées, au mois de décembre, par une entente de principe pour vingt-cinq de millions de dollars à se partager entre elles. Cet accord, soumis à une clause de confidentialité, a été conclu entre les parties et doit être encore entériné par un juge.

En ce début d’année, après avoir été reporté, l’ancien producteur d’Hollywood comparaît, devant la Cour suprême de New York. L’instance durera environ six semaines et promet d’être historique.
Plus de deux ans après les premières déclarations, élément déclencheur du mouvement #MeToo, seules deux plaintes ont finalement abouti. Ceci montre combien la constitution d’un dossier solide est ardue, entre la prescription des faits et l’établissement de preuves matérielles suffisantes, voire même la violence légitime du système judiciaire qui peut broyer une victime déjà fragilisée.

Pour des faits remontant à 2006, une ancienne assistante de production, Mimi Haleyi, accuse Harvey Weinstein d’agression sexuelle, tandis que l’autre plaignante, désirant rester anonyme a porté plainte pour viol commis en 2013.
Si ce procès ne concerne directement que deux des accusatrices, il est surtout révélateur de la fin d’un système : une centaine de femmes ont dénoncé le comportement déplacé du faiseur d’Oscars. Certaines seront appelées à témoigner à la barre afin d’étayer l’un des cinq chefs d’accusation qui pèsent sur lui : celui de comportement de prédateur sexuel. Si cela est prouvé, il risque la réclusion à perpétuité.

Conformément à l’usage en vigueur aux États-Unis, les premiers jours du procès sont réservés au choix de douze jurés afin de composer le jury. Les parties les interrogent longuement et peuvent les récuser lorsqu’il existe un doute de conflits d’intérêts. Cette étape est cruciale, elle peut décider du dénouement de l’instance car le jury doit décider à l’unanimité sur la culpabilité ou non de l’accusé, le doute profite ainsi à l’accusé. Ce problème de consensus est évoqué dans le film de Sydney Lumet Douze Hommes en colère (1957).

En raison de la célébrité de l’accusé, cent cinquante médias, toutes nationalités confondues, ont obtenu une accréditation afin de pouvoir suivre ce procès qu’on souhaite voir comme le volet pénal du mouvement de libération de la parole.
Les langues se délient et l’on comprend que ces agissements étaient sus mais par lâcheté, profit ou peur, une certaine omerta régnait. Une actrice parle ainsi de la fin de la culture du silence.
Harvey Weinstein faisait partie de l’académie des Oscars, avant d’en être exclu en 2018, à la suite des accusations d’agressions sexuelles et de viols. Il avait du pouvoir médiatique et de l’argent, sa fortune avait été évaluée à presque trois cents millions de dollars, il était également un soutien politique important car il a généreusement contribué aux campagnes du parti démocrate.

Ce procès n’est pas seulement celui d’Harvey Weinstein, il est également un feu de projecteur sur la carrière de trois femmes : les deux avocates et la vice-procureure.

Harvey Weinstein qui plaide non coupable, arguant que ces relations litigieuses ont été consenties, est défendu par une équipe d’avocats menée par Donna Rotunno. Pénaliste de Chicago, elle a déjà défendu, avec succès, des dizaines d’hommes pris dans des scandales sexuels. La défense affirme disposer d’écrits afin de prouver que ces femmes sont restées en bons termes avec lui, après les agissements reprochés.
Farouche opposante au mouvement #MeToo, elle déplore que le tribunal médiatique ait pris le pas sur la justice. Elle veut démontrer par ce procès que même la condamnation de son client par l’opinion publique n’induit pas obligatoirement une inculpation pénale.

Face à Donna Rotunno, c’est l’avocate Gloria Allred qui sera du côté de l’accusation. Considérée comme féministe et forte de plus de quarante ans d’expérience, elle s’est spécialisée dans les affaires de violence sexuelle. Elle a ainsi défendu des clients contre des célébrités comme Roman Polanski ou encore Bill Cosby.

Une troisième femme joue un rôle dans cette affaire, il s’agit de Joan Illuzzi-Orbon, l’adjointe du procureur de Manhattan Cyrus Vance Jr qui mène l’accusation lors du procès. Elle connaît bien également ce genre d’affaire puisqu’elle a dirigé, en 2011, l’enquête sur l’incident du Sofitel. Et son patron, le procureur de Manhattan en personne connaît déjà Harvey Weinstein. Cyrus Vance Jr a en effet, refusé en 2015 de poursuivre l’ancien magnat d’Hollywood pour attouchements sexuels, après les accusations d’un mannequin. Sachant que le millionnaire a participé à la campagne du procureur, certains y voient une explication bien que Cyrus Vance Jr s’en défende.
Ce procès s’annonce ainsi pleins de rebondissements et de surprises, à ce stade aucune partie n’est certaine de remporter la victoire.

Ce qui est certain, en revanche, c’est l’impact du mouvement #MeToo et de cette affaire Weinstein dans le monde entier, ce hashtag a été partagé dans plus de quatre-vingt pays. En France, il a été également concomitant avec l’autre mot-dièse : #Balancetonporc lancé par Sandra Muller en octobre 2017.
Les spécialistes de la question féministe affirment qu’importe le dénouement légal du procès, pour eux même si l’ex-producteur ressort libre du tribunal, ce mouvement libérant la parole des femmes survivra à la saga judiciaire. La population a été sensibilisée aux violences sexuelles, pour preuve, il suffit de voir la mobilisation, l’an passé, contre les féminicides en France. Alors peu importe si la justice condamne ou non Harvey Weinstein, le fait seulement de voir ce personnage si puissant qu’il se croyait intouchable passer devant un tribunal est en soi déjà une victoire pour certains commentateurs.

Mais alors que s’ouvre ce fameux procès Weinstein, on apprend qu’il est également inculpé à Los Angeles pour deux scandales sexuels commis en 2013. Affaire à suivre donc …

Visuel : © Carmen Rodriguez

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Hortense Milléquant

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