Michel Ocelot, “Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse” : vers les contrées du rêve
Ces jours pluvieux sont de belles occasions de se blottir au chaud, dans une salle de cinéma. D’ailleurs, c’est la cinquième semaine du dernier long-métrage tous publics de Michel Ocelot : Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse. Le récit regroupe un ensemble de contes-réécriture, éveillés dans un univers de couleurs en camaïeu, où les ombres humaines et majestueuses tissent les liens secrets de notre lumineux rapport au monde.
Une narration-couleur en mouvement
Par la voix d’une mystérieuse conteuse, des récits multiples s’inventent devant une foule imaginaire, toujours émue une fois que chaque fragment s’achève. Pas de risque que le fil narratif s’endorme. Ici, trois histoires s’éveillent, où la royauté d’une Égypte antique succède à une enfance intrigante du Moyen-Âge, pour clore avec des vêtements princiers et de mystérieux beignets… Chaque scénette a sa palette propre, ses personnages singuliers. Cas particulier : la deuxième histoire se peuple de couleurs moins éclatantes, où il sera plus question de justice et de nature échappée, pour ensuite renouveler et laisser place à un décor scintillant et orientalisé.
Hasard et silhouettes libres
Ces pharaons, enfants sauvages, princes et princesses, touchent aussi bien au ton merveilleux de l’enfance, qu’à des questions esthétiques et thématiques. Pour preuve, la fuite vers l’imaginaire est réussie : le spectateur est mobilisé in medias res, comme s’il était inclus dans cette foule, compacte, qui trépigne d’impatience de découvrir les multiples mots et images livrés par la conteuse anonyme. Mais derrière ce ressort traditionnel, ces récits évoquent, par le biais de paysages grandioses (une étendue de désert, un marché oriental, un grand château et une forêt), le rapport à l’amour et à l’Autre. La rencontre de l’être aimé, souvent rêvée et fantasmée, est retranscrite, soit comme un tendre refuge attendu, soit comme une certaine émancipation, forte et vitale.
Le long-métrage évoque également et fidèlement à l’écran la complexité du lien jeunesse-parentalité. Dans l’ensemble des contes, on retrouve un schéma similaire : une famille aisée, monoparentale, dont le père ou la mère porte un regard dur, figé et fermement ancré dans les traditions. Par ailleurs, la jeunesse et la fougue des protagonistes les remettent en cause, pour révéler un ton plus gai, libre et mouvant. Ces chapitres dressent donc le contraste implicite entre le destin – tracé, plus rassurant, souvent amené par la parole divine à laquelle l’un des princes fera appel – et le hasard, spontané et versatile.
Après Kirikou puis Azur et Asmar, Michel Ocelot signe un conte récent de couleurs et de musique, prend le parti de l’imprévisible, nous laissant face à des silhouettes attachantes, autonomes et conscientes de leur désir…
Image de couverture : Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse / NORD-OUEST FILMS, Festival Annecy © Flickr Creative Commons