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Louis de Funès superstar à la Cinémathèque

Louis de Funès superstar à la Cinémathèque

17 July 2020 | PAR Yaël Hirsch

Cette semaine, la Cinémathèque a rouvert avec une exposition très attendue et repoussée de trois mois qui est la première que l’institution dédie à un acteur : Louis de Funès. Un incontournable pour une visite en famille, mais aussi pour réfléchir à ce que le fameux “gendarme” dit de la France qui en a fait une égérie unique.

Confiée au producteur du Cercle de Canal +, Alain Kruger (également directeur d’ouvrage, avec Thibault Bruttin, du livre Louis De Funès, à la folie aux éditions de La Martinière), l’exposition Louis de Funès expose une riche collection de 300 pièces avec un angle précis : tâter tous les aspects de son métier d’acteur.

Le propos sera donc professionnel et non personnel, même s’il est parfois difficile de séparer les deux. Louis Germain David de Funès de Galarza est né le 31 juillet 1914 à Courbevoie et mort le 27 janvier 1983 à Nantes, à soixante-huit ans. L’exposition ne dira jamais rien de ses origines espagnoles pour proposer d’enquêter sur le personnage de bourgeois français un peu rigide qui a tant plu à son public.

La scénographie est luxuriante, avec un rappel des bruits d’oiseaux de Rabbi Jacob dès l’ascenseur, de nombreux tirages réalisés pour l’occasion, des vitrines mettant en scène les décors de films cultes et aussi un foisonnement d’archives parmi lesquelles des lettres, le fond de photographie de Danielle Thompson, la fille de Gérard Oury avec qui De Funès a tant tourné et évidemment des extraits de films.

Un succès tardif

Le déroulé est plutôt thématique. L’on démarre avec les inspirations comme Hellzapoppin ou Chaplin qui n’ont jamais quitté l’acteur. Le burlesque et le muet qui l’ont marqué au point de lui donner un lustre toujours rétro.

Puis l’on passe par les petits rôles des années 1940 et 50, le théâtre (Ornifle ou le Courant d’air ed Jean Anouilh à la Comédie des Champs-Elysées en 1955) et la piano jazz qu’il exerçait dans les bars avant de connaître la reconnaissance à plus de 40 ans (Les Belles Bacchantes, La Traversée de Paris) et le succès à 50 ans passés avec les Gendarmes.

S’ensuivent un ensemble de vitrines légèrement fétichistes où photos de tournages, archives et décors reconstitués font revivre les plus grand succès de l’acteur. La dernière partie décortique des grands axes de l’art de de Funès : le lien au corps (sur fonds rouge avec la scène extraordinaire de danse et chorégraphie de L’homme orchestre), son rapport au genre, le totem des gendarmes et Le Misanthrope seul film réalisé par l’acteur et grand projet de toujours.

Par-delà l’icône : expérimentation et reflet de France

Au-delà de la joie de voir revivre une filmographie que la plupart d’entre nous ont parcouru en regardant chaque film plusieurs fois avec des oeuvres inoxydables qui ont encore battu tous les records d’audience en passant à la télévision lors du confinement, cette exposition De Funès donne bien à réfléchir. D’abord sur l’art de l’acteur qu’on découvre sous un nouveau jour. Icône et référence absolue, reconnaissable entre tous pour son art de la mimique, De Funès cache autre chose que lui-même quand on suit avec Alain Kruger sa trajectoire.

Dans l’exposition, tout pointe vers sa manière d’expérimenter à 360 degrés son art: danseur, mime, porteur de texte, chef d’orchestre, chorégraphe, De Funès occupe l’espace de 1001 manières qui forment la sienne propre et qui apparaissent finalement sous leur jour expérimental. De là à dire qu’on est presque dans la performance plutôt que dans le jeu, il n’y a qu’un petit pas …

Enfin, quelque chose anime l’exposition comme un mouvement trouble d’éruption volcanique. Quelque chose qui a à voir avec les discordance des temps. Comment cet homme qui attend 50 ans pour connaître a gloire dans la France des 30 Glorieuses parvient-il à incarner si bien à nous parler aujourd’hui ? Alors même que lui-même joue avec un grand train conscient de retard comme un acteur du muet et que déjà dans les années 1960 et 1970, il a incarné le petit français en rogne de la France de de Gaulle et Pompidou ? Il y a quelque chose de magique dans cet éternel gendarme qui met tous les Français d’accord depuis 70 ans, toutes origines et horizons d’attente confondus. Le secret de cette icône tient-il dans son jeu déjà surannée, avec comme le dit le commissaire « son diapason est toujours au bord de la syncope » ? Quelque chose nous parle toujours du même avec De Funès… Et pourtant ! A travers lui, les oeuvres font non seulement rire des différences et de l’identité, mais en plus c’est rarement daté… Un mystère de jouvence que l’exposition suggère sans le percer, en se gardant d’ailleurs bien de pointer vers ses héritiers…

Louis de Funès est un monade et mystère qui s’offrent et à laquelle vous allez encore adorer vous frotter, de manière inédite à l’exposition de la Cinémathèque et enfin sur grand écran pour les plus jeunes dans le cadre de la rétrospective.

visuel : affiche de l’exposition

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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