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Le chanteur Eddy de Pretto gagne son procès face à ses harceleurs

Le chanteur Eddy de Pretto gagne son procès face à ses harceleurs

15 December 2022 | PAR Camille Curnier

Le tribunal correctionnel de Paris condamne onze personnes ayant harcelé Eddy Pretto suite à une représentation dans l’église Saint-Eustache à Paris en juin 2021. L’artiste ouvertement homosexuel souhaite soulever le questionnement de l’homosexualité dans la religion et la foi, mais également envoyer un signal fort pour marquer la fin de l’impunité sur le cyberharcèlement.

La religion et l’homosexualité, le questionnement qui fâche

Invité à se produire à l’église de Saint-Eustache de Paris en juin 2021 dans le cadre du festival “Qui va piano va sono”, le chanteur originaire de Créteil avait dû faire face à une vague de cyberharcèlement. Il avait alors choisi d’interpréter son morceau “A quoi bon”, un titre qui évoque ses difficultés à concilier son homosexualité et sa religion. Suite à la retransmission de la performance sur le réseau social Instagram, l’artiste avait reçu plus de 3.000 messages d’insultes et de menaces de mort. Les harceleurs déclaraient notamment que les propos d’Eddy de Pretto “souillaient” leurs religions et avaient proclamé vouloir “être là à chaque date pour [te] rappeler que l’armée de Dieu ne laisse pas ce genre de blasphème impuni” en décrivant l’artiste comme un “sous-homme”.

Eddy de Pretto faisait face pour la première fois à ses harceleurs lundi 3 octobre dernier au tribunal de Paris. Dix-sept personnes étaient renvoyées en procès pour cyberharcèlement aggravé à l’encontre de l’artiste. Le chanteur avait alors affronté ses détracteurs en assurant vouloir continuer à chanter ses mots là où on l’invitera à le faire. A la barre, il s’est notamment exprimé sur son désir de poser des questions cruciales sur des thématiques sociétales importantes, “je ne vois pas quel est le problème que je sois un sodomite qui chante dans une église”.

Lundi 12 décembre, des peines de trois à six mois de prison avec sursis ont été prononcées à l’encontre de onze de ses harceleurs. Le procureur a souhaité rappeler aux prévenus que le blasphème ou les atteintes à la religion n’étaient pas réprimés par le droit en France. L’avocat de l’artiste s’est également exprimé en rappelant que ” l’on ne peut pas impunément se livrer au lynchage numérique d’une personne dont les engagements publics, l’orientation sexuelle ou la personnalité ont eu le malheur de heurter certains extrémistes”.

En France, l’arsenal législatif pour lutter contre le cyberharcèlement est renforcé depuis 2018 et prévoit notamment des peines pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amendes. Il reste cependant plusieurs grands obstacles empêchant certain·e·s de porter plainte. En effet, le cyberharcèlement est encore beaucoup trop banalisé et les plaintes en elles-mêmes ne font pas partie des réflexes en cas d’agression. En terme juridique, il existe également un grand décalage temporel entre l’acte de cyberharcèlement, le moment où la plainte est déposée et la condamnation.

La réaction du chanteur à la suite de la condamnation

Le chanteur s’est récemment entretenu dans une interview avec Mediapart pour revenir sur les condamnations et sur les raisons qui l’ont poussé à porter plainte. Ne voulant pas être accusé d’utiliser le procès pour faire du buzz, cet entretien est la première prise de parole d’Eddy de Pretto depuis le lancement du procès.

Il explique avoir subi des “raids” de harcèlement pendant quatre à cinq jours et durant lesquels des groupes de gens ont commencé à lancer “énormément de messages sur les réseaux”. Il explique avoir souffert de dépression et de troubles du sommeil suite à ces menaces, mais également avoir eu peur de représailles à son encontre.

Ayant grandi dans une famille où la religion catholique occupe une place importante, l’artiste explique connaître l’ampleur existante lorsque l’on commence à poser des questions liées à l’homosexualité. “J’ai reçu l’invitation avec énormément de joie”, explique-t-il à propos de l’invitation à performer dans l’église Saint Eustache. Le sujet de la relation entre foi et homosexualité est important à soulever. La Bible ne connaît pas l’homosexualité telle que nous la connaissons aujourd’hui puisque le concept d’orientation sexuelle n’existait pas à l’époque, même si les relations homosexuelles ont explicitement été condamnées par l’église avec les anciens et nouveaux testaments. Ce n’est que dans un documentaire en octobre 2020 que le Pape s’est exprimé sur le sujet en ayant de propos favorables à l’union civile des personnes homosexuelles.

Le chanteur a cependant salué la décision du tribunal, mais estime qu’il “reste encore beaucoup de chemin à parcourir” mais que la justice est “sur la bonne voie”. Dans l’interview, il évoque notamment l’importance de former les forces de l’ordre et la justice sur le numérique et encourage les victimes à porter plainte et à “ne pas se laisser bouffer par la peur”.

Visuel : ©V. Ducard

 

 

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Camille Curnier

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