Festival Effractions au Centre Pompidou : donner les mots à entendre, envers et contre tout
S’adaptant au contexte du virus, le festival Effractions, pour sa deuxième édition, réalisait la captation d’une lecture à deux voix d’extraits de La demoiselle à cœur ouvert, de Lise Charles, suivie d’un entretien avec l’auteure.
C’est dans un Centre Pompidou presque désert, à l’exception des étudiants qui viennent travailler à la Bpi, que nous sommes introduits, un par un, puis guidés vers une des salles du vaste sous-sol où aura lieu la captation. Sans public, donc. L’ambiance est détendue, mais consacrée au travail; les comédiens Pierre Baux et Violaine Schwartz montent sur scène pour répéter au micro des fragments du texte. Porté par leurs voix, le roman de Lise Charles, paru chez P.O.L en 2020, donne à entendre sa singularité; roman épistolaire, où se tisse une étrange relation entre un écrivain, une de ses amies qui semble avoir beaucoup d’ascendant sur lui, et une autre femme, universitaire qui porte même nom que le personnage du premier roman qu’il a écrit. Sur un rythme vif, les éclats de satire, la réflexion formelle, les différentes strates de sens qui constituent la succession des lettres, nous frappent par leur intelligence ludique. On sent, aussi, monter une menace encore indéterminée, mais bien réelle, une tension qui se fait encore mieux entendre dans la captation définitive.
Au cours de l’entretien, Lise Charles explique ce qui l’a attirée vers l’écriture épistolaire, évoque même son idée initiale : faire paraître les mails un par un, en ligne, sur une messagerie dont les lecteurs auraient reçu le mot de passe. Pour creuser le sentiment de malaise à la lecture d’une correspondance qui ne nous est pas destinée… Dans l’idée, peut-être, d’un rapport subtilement biaisé entre réalité et fiction; tout comme le roman fait intervenir l’éditeur de Lise Charles, le défunt Paul Otchakovsky-Laurens, dont les propos sont rapportés dans la fiction tels qu’ils ont été émis dans la réalité. Autre intrusion du réel dans la fiction, le frère de l’écrivain fictif est un être de chair et de sang, François Matton, avec lequel Lise Charles prépare actuellement un roman graphique.
Retransmission à partir du 25/02 à 20h, sur le site du festival Effractions.
Crédit visuel: © portrait de Lise Charles par Manfredi Giocchiani_P.O.L