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Fermeture du dancing mythique Le Tango

Fermeture du dancing mythique Le Tango

08 January 2021 | PAR Lise Ripoche

Le Tango fait partie de ces endroits à Paris pour lesquels l’ancienneté n’équivalait pas à l’essoufflement. Pourtant, après plus d’un siècle d’existence, le dancing du Marais ferme ses portes.

La nouvelle a été confirmée par Alexis Carcassonne, le propriétaire des lieux, pour qui le manque d’informations concernant une date possible réouverture relève d’une condamnation par le silence. Cette annonce résonne dans des tons particulièrement grave en ces temps marqués par l’incertitude, et confirme les inquiétudes du monde de la nuit. Beaucoup estiment ne pouvoir tenir encore que quelques mois tout au plus malgré les aides mises en place qui demeurent insuffisantes. Ils sont les seuls lieux de culture et de vie collective à n’avoir pas pu rouvrir depuis le début du premier confinement le 17 mars 2020. Des visites ont dors et déjà commencé, mais il n’est pas exclu que la ville fasse valoir son droit de préemption de l’immeuble, étant donnée sa valeur patrimoniale. Si la Mairie arrive à racheter le 13 rue au Maire ce sera pour, nous confirme une source proche du dossier, “des logements sociaux dans les étages”. Le rez-de-chaussée garderait alors sa fonction associative LGBT.

Véritable étendard des nuits parisiennes, “La Boîte à Frissons” fût un lieu mythique de l’entre-deux guerres, n’abandonnant pas aux années sa puissance de rayonnement. En effet, en plus d’un siècle d’existence Le Tango avait fait preuve d’une véritable faculté d’adaptation, se faisant le reflet des mutations culturelles. Hervé Latapie, animateur depuis 1997, était utilisateur du lieu les weekend uniquement. Il n’en était pas le locataire.

Il avait notamment aidé à populariser le concept de “gay musette”, transformant progressivement le lieu en rendez-vous incontournable de la vie LGBT+. Avec une programmation éclectique et une esthétique kistch, la salle prenait le contre-pied de l’uniformisation que subissait alors la culture gay. Un des premiers tract du Tango renseigne de leur philosophie: “Le Paris gay s’est uniformisé, les décibels à outrance, les fantasmes sur papier glacé et des formes de sectarisme : filles d’un côté, garçons de l’autre, plus de 35 ans non musclés non admis, intégrisme musical techno…”  Dès lors le Tango sera pour tous, sans distinction et surtout sans discrimination, laissant volontiers aux autres l’exclusivité. Les soirées se découpaient en deux temps; le créneau de 22h30 à minuit consacrée aux danses à deux, passant du tango à la valse, et à partir de minuit, les lumières baissaient et des musiques populaires rythmaient la nuit, d’Alizée à Dalida, parfois entrecoupées d’un sirtaki ou d’Anny Cordy, pour des “moments de partage collectifs qui sont l’âme du lieu.”

Justement, cette “âme du lieu” comme l’appelait Hervé Latapie dans un entretien avec tsugi en 2015, pourrait perdurer. Reste l’espoir que, selon les intentions du nouveau propriétaire, ce lieu demeure une boite de nuit et garde son identité festive et populaire. Hervé Latapie affirmait par ailleurs, sur sa page facebook personnelle,  ne “jamais être à court d’idées, d’envies, de projets” et “prépare(r) la suite, avec ou sans le parquet du Tango“. “Je me suis suis engagé envers les habitué.e.s du début du bal (la partie musette) à trouver une solution pour continuer de faire vivre l’esprit Boite à Frissons.” Il rajoute “ En sortie de Covid, les liens humains vont être fondamentaux. On n’en peut plus du Netflix et Grindr !“.

crédit visuel: ©Le Tango (La Boîte à Frissons)

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