Décès du sociologue des organisations Michel Crozier
Michel Crozier s’est éteint le vendredi 24 mai, à l’âge de 90 ans. Considéré comme le pionnier de la sociologie des organisations en France, son oeuvre se concentre sur l’organisation de la bureaucratie “à la française”, dans une optique résolument réformatrice.
En 1949, ce diplômé d’HEC embarque pour les Etats-Unis où il se consacre durant plusieurs mois à l’étude des syndicats. De retour en France, il, crée au cœur du CNRS, le centre de sociologie des organisations, introduisant le domaine de recherche en France. Dès lors, il s’attèle à l’analyse comparative des systèmes d’organisation bureaucratique. Identifiant les traits saillants d’un modèle bureaucratique à la française, qu’il décrit comme rigide, centralisateur et cloisonné, rejoignant et dépassant les travaux de Bernard Silberman dans “the Cage of reason” qui soutenait l’existence d’un modèle franco-japonnais, par opposition au modèle bureaucratique anglo-saxon. Un modèle décrit comme obstacle à l’innovation, à l’efficacité, qui cloître les individus dans un système de règles contraignantes à l’excès, mais surtout loin d’être total qui par ce fait amène certains acteurs à détourner à leur profit les relations de pouvoir, une théorie qu’il développe en 1962 dans le “Phénomène bureaucratique”.
L’approche de Michel Crozier occupe une place à part dans le foisonnement des travaux sociologues qu’a connu la France dans la seconde moitié du XXème siècle, parce qu’il parvient à un savant dosage entre la part des déterminants extérieurs et la part de rationalité (entendue comme limitée) des individus, dans la fabrique des comportements des acteurs, loin des monolithismes parfois stériles d’un Boudon, ardent défenseur d’une rationalité imparable, ou d’un Bourdieu pris au piège des éléments. D’autant plus qu’il a su, obéissant à l’impératif webérien de neutralité axiologique, s’extraire des verbiages moraux paralysant.
Visuel : page de couverture de “l’acteur et le système” Michel Crozier