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Adolfo Kaminsky : l’homme aux mille vies est décédé

Adolfo Kaminsky : l’homme aux mille vies est décédé

13 January 2023 | PAR Elisa Barthes

Cette semaine a commencé avec la perte d’une figure de la résistance. Adolfo Kaminsky s’est éteint à l‘âge de 97 ans le 9 Janvier dernier. Surnommé “le roi des faux papiers”, il a fourni des faux documents durant toute la Deuxième Guerre Mondiale, permettant de sauver des milliers de Juifs et résistants traqués. Hommage à ce héros de l’ombre.

 

Photographe et résistant français, Adolfo Kaminsky a donné sa vie pour sauver celle des autres. Décédé à l’âge de 97 ans, il laisse derrière lui des destins sauvés, mais aussi des photographies historiques. Né en 1925 à Buenos Aires, fils d’immigrés Russes Juifs, il s’installe rapidement en France. Très jeune, son intérêt pour l’art se manifeste, il a pour ambition de devenir artiste peintre. Mais la guerre dévie sa route, il est interné au camp de Drancy à l’âge de 17 ans, durant 3 mois. Il en sort en Janvier 1944 : il est entré comme Juif et est libéré comme natif de Buenos Aires, après l’intervention du consulat Argentin.

Un faussaire hors pair

Adolfo Kaminsky est doué en chimie, il possède de solides connaissances en photogravure et en teinturerie. Des qualités qu’il va mettre à profit pour fabriquer des faux documents, faux certificats de baptême ou encore fausses cartes d’alimentation. Le “faussaire de Paris” a sauvé la vie de milliers de juifs en leur fournissant des cartes d’identités. Ces fabrications secrètes s’opéraient dans un laboratoire clandestin, sous couvert d’une activité de photographe. Jour et nuit, au péril de sa vie et de sa santé, l’homme a travaillé sans relâche. “Je n’ai jamais accepté d’argent pour des faux papiers” confie il lors d’une interview au Parisien en Octobre 2019. À côté de ses activités, il était photographe aux studios Harcourt et pour de grands décorateurs de cinéma.

À la fin de la guerre, il est recruté par les services secrets Français, mais s’en éloigne dès le début de la guerre d’Indochine, ne cautionnant par le colonialisme. Particulièrement sensible et engagé dans les luttes anticoloniales et antifascistes, il se sert de ces années d’expériences de création de faux papiers pour soutenir les causes qu’il défend. Durant la guerre d’Algérie il vient en aide au FLN (front de libération National), il soutient les antifranquistes en Espace et les anti-Salazar au Portugal. Il aide dans la lutte contre les colonels en Grèce et les dictatures en Amérique Latine, Angola et Guinée, et mène bien d’autres combats encore. En 1971, il met fin a ses années de faussaires.

Un photographe de talent

Durant toutes ces années bien remplies, Adolfo Kaminsky n’a pas délaissé sa passion pour la photographie. Dès l’annonce de la Libération, il parcourt les rues de Paris et prend des milliers de clichés. Certains lieux sont récurrents dans son travail, comme Pigalle ou les marchés aux puces. Il photographiait des scènes de la vie quotidienne, un moyen pour lui d’exprimer la souffrance de la condition imposée par ses actions passées. Ces gens sont libres sans vraiment s’en rendre compte, alors que lui peut perdre sa liberté d’un instant à l’autre.

Les hommes barbus sont également un de ces sujets favoris. Derrière ce choix pouvant sembler incongru, se cache une histoire qui remonte à son passage au camp de Drancy. Il y a des rencontres qui marquent à vie, ce fut le cas pour Adolfo Kaminsky lorsqu’il rencontra cet homme à la longue barbe, prisonnier lui aussi. Depuis les personnes barbues qu’il photographie sont comme un hommage à cet homme, dont la barbe s’est dégradée comme illustrant la déshumanisation des camps.

La vie d’Adolfo Kaminsky est aussi inspirante, qu’impressionnante. Son courage et son engagement ont déjà fait l’objet d’un livre intitulé «Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire», écrit par sa fille Sarah Kaminsky. En 2014 il est adapté au théâtre dans la pièce «La ligne».

 

Visuel : © musée Carnavalet

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Elisa Barthes

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