Théâtre
Nouveau Festival : Daniel Linehan tourbillonnant, Marcel Duchamp décevant

Nouveau Festival : Daniel Linehan tourbillonnant, Marcel Duchamp décevant

03 March 2013 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Un Nouveau Festival du Centre Georges Pompidou devient lentement mais surement, le rendez vous incontournable du paysage performatif et vidéo. C’est ici que l’on trouve les jeunes pousses, les inattendus, les surprises. Pour cette quatrième édition, le fil est celui de la langue imaginaire. Pari tenu et pari raté hier soir.

Balade en spirale dans la clairière

L’espace 315 du Centre s’est paré de lames de papiers transformant le lieu en des grottes multiples aux coeurs desquelles se niche une clairière au plafond haut et à la lumière douce et enveloppante. Chaque jour à 19h,une performance en entrée libre a lieu sous la direction de “la chorégraphe des mots Fanny de Chaillé et de  la scénographe des corps Nadia Lauro.”

Daniel Linehan, jeune danseur américain diplômé de l’école P.A.R.T.S entre en scène, il va tourner, tourner, tourner encore. Le regard fixe, les bras montant et descendant, parfois se pliant devant son visage. Il tourne et dit un texte qui est également diffusé “This is not about”. Il tourne et tourne, dans un geste de déphasage et dans une rythmique qui intègre de surprenantes accélérations. On reconnait là le mouvement qui a pu séduire Anne Teresa De Keersmaeker en 2008 lors de la création de ce solo.

Cette performance vient troubler le sens des phrases mises bout à bout sans autre ponctuation que le souffle du danseur. Il vient dire qu’il n’y a pas de sens et en le faisant nous raconte sa vie : “ceci n’est pas à propos de moi”. La proposition est fulgurante, on entre totalement dans sa proposition de tourbillon nous amenant à la pointe de la toupie. Le récit est structuré, il a un début et une fin, mais le décalage apporté par la vision d’un danseur qui lit, écrit, récite, signe même une pétition vient brouiller la réalité de ce que l’on entend. En résumé, la terre ne fait que tourner et nous avec. This is spinning, spinning, spinning…

Du tourbillon au cours (non) magistral de Guillaume Désanges.


Oh la belle idée, parler de l’un des artiste qui a révolutionné l’art contemporain, inventant le concept précieux que le “regardeur” fait l’œuvre à Beaubourg. Cela aurait du être merveilleux, performatif et inventif. Rien de tout cela au contraire.
Dans la grande salle, “Marcel Duchamp” entre en scène. Le célèbre critique d’art, directeur de work Method, Guillaume Desanges se prête au jeu de la mise en scène pour témoigner de son amour pour Marcel Duchamp.

Seul en scène, dans un esprit de one man show humoristique, Frédéric Cherboeuf va nous raconter l’œuvre de Duchamp ponctué de quelques anecdotes sur sa vie. La proposition de départ fonctionne : sur l’immense plateau, un écran vidéo réduit le nom de Duchamp à un petit point faisant des cercles. L’allégorie est belle pour dire le génie d’avoir mis en sculpture et en peinture le décalage, si utilisé aujourd’hui, entre une œuvre et son titre. Au cours du spectacle, il nous sera rappelé que Le Nu descendant l’escalier avait été refusé au Salon de Indépendants de 1912… sur le titre seul.

“Marcel Duchamp” est donc une leçon sur Marcel Duchamp où tout est simplifié, mâché et digéré en trois séquences : une enquête policière, un procès mettant face à face l’histoire de l’art ( ici une très très vielle dame picolant du whisky) et Marcel Duchamp, et une  bio pas du tout express de l’artiste qui durera, en fait, jusqu’à la fin du spectacle.

Le rythme se veut soutenu et joyeux, il s’agit de faire cours dans la bonne humeur. La proposition se trompe de cible. Très enfantin, “Marcel Duchamp” passe à côté de son sujet. Au lieu d’incarner Duchamp, il le raconte dans un jeu qui manque de sincérité. Les anecdotes les plus connues sur le peintre sont dites avec le ton de la surprise, les œuvres célébrissimes sont rapidement décryptées avec étonnement. Il fallait transcender l’artiste à la façon d’un Martial di Fonzo Bo et son Rosa la rouge sur  Rosa Luxemburg, ou de l’actuelle exposition sur Raymond Roussel au Palais de Tokyo, c’est-à-dire faire ressentir par l’interprétation  mais en aucun cas tout dire dans un nivellement par le bas.

 

 

 

 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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