Rap / Hip-Hop
[Live report] Stupeflip au Trianon : trip foutraque et stupéfiant

[Live report] Stupeflip au Trianon : trip foutraque et stupéfiant

10 December 2012 | PAR Bastien Stisi

« Le Crou Stupeflip est là, entre autres, pour terroriser la population, et par là même instaurer une nouvelle ère : l’ère du Stup ». Répétée inlassablement hier soir lors d’un concert au Trianon, la fameuse maxime doctrinale du Stupeflip et de ses décapants géniteurs King Ju et Cadillac avait vocation de devenir une réalité physique. Le Trianon, embrasé et virevolté, n’est pas passé loin de la fusion punk et destructrice, dictée par les adeptes exacerbés du Crou…

Le Nom du Groupe : trio de saltimbanques tarés et rafraîchissants

Mc Salo, membre sporadique de Stupeflip, assure la première partie du concert de ses compères en se produisant aux côtés du troubadour Cyril Zakof, d’une guitariste fortement dénudée et masquée à la manière de Catwoman et des Nom du Groupe. Aussi barré et anti-conventionnel que son nom, le groupe accumule les calembours nichés et folkloriques, jouent avec les mots comme avec le rythme de leur performance, et propose une pop désuète façon eighties, de laquelle ressort parfois des samples sombres tout droit sortis des années 30-40 et des guitares électriques vrombissantes. Le flot des deux chanteurs, des bottes de cavaliers aux pieds, est lent mais efficace, et les textes culminent à une hauteur humoristique et existentielle étonnante et admirable.

Comme fil conducteur de leur performance, entrecoupant les interprétations de « L’hydre de la culpabilité », de « Miss Wistiti » et des autres morceaux du groupe, l’évocation d’un Lionel, croisé à Denfert-Rochereau, semblable à un Godot dont on ignore tout mis à part le fait qu’il ne semble pas devoir se détacher de la préoccupation des protagonistes. Légers et profonds, à des années-lumières des dogmes bien-pensants traditionnels, les Nom du Groupe proposent une annonce idéale à la furie qui se prépare alors en coulisses.

La salle, toutefois, n’avait nullement besoin d’être chauffée : le public, nombreux et éclectique (quelques visages enfantins sont même présents dans les tribunes…) est déjà considérablement ébouillanté, comme empli jusqu’à la cime d’un gaz punk et délétère, sur le point d’entamer une guérilla punk et chaotique…Alors, lorsque retentissent dans les cieux les premiers bruitages samplés du groupe, le Trianon, déjà, paraît exploser, trop-plein d’une envie qu’il se refuse à contenir plus longtemps.

Stupeflip : bordel punk et virevolté

Un communiqué du C.R.O.U., l’organisation mystérieuse et fictive dont la genèse et les ambitions parcourent l’univers de Stupeflip depuis ses premiers souffles, introduit le concert. King Ju, Cadillac et le reste des Stupeflip, encapuchonnés et troublants, peuvent alors pénétrer sur scène, le cœur plein d’une rage mystique et anticonformiste, prêts à terroriser le Trianon et sa population… Des images mouvantes circulent derrière la scène sur un écran, ornementation visuelle des anciens albums du groupe et de son univers déglingué.

Sur les délires mégalomanes « La Religion du Stup », « Check Da Crou », ou « Terrora !! », Stupeflip entrechoque les guitares métalleuses et les flots rappés agressifs, les sessions de scratchs épidermiques et les phrases samplées constamment balancées, et mute dans une cacophonie éclectique les Béruriers Noirs, TTC, The Residents et les Suprême NTM.

Bordel scénique d’une efficacité redoutable, le show prend encore une intensité nouvelle lorsque Cadillac et son chapeau napoléonien qui lui cache le haut du visage, annonce, après l’interprétation du pétrifiant  « Les Monstres », l’arrivée nouvelle du « terrifiant » King Ju. Dévêtu de ses tenues conceptuelles du début du spectacle, le leader des Stupeflip redevient véritablement King Ju, orné de sa traditionnelle tenue cradingue et méchamment encagoulé. Habité par des enfers punk et métalleux, le chanteur hurle à qui veut bien l’entendre que « Stupeflip c’est pas n’importe quoi » et déchire violemment une adorable petite peluche qui se retrouve rapidement en lambeaux. La foule, ravie et furieuse fusionne nerveusement la fosse, se mute en rave party géante, et semble être sur le point de faire basculer le Trianon dans l’orgie anarchiste lorsque raisonnent les guitares violentes et lourdes de « Stupeflip vite ».

King Ju interprète en acoustique et tout en provoc’ du Pascal Obispo, insulte la foule de « moutons » et de « fumiers de consommateurs », refuse de continuer le concert tant que les vigiles ne permettront pas aux gens de slamer, et confirme son statut d’électron libre, essentiel et subversif, de la scène musicale française actuelle.

La scène, teintée de luisances vertes sur les sonorités reggae de « J’fume pu d’shit », devient résolument sanguine lorsque raisonne la frénésie métalleuse et anarchiste de « À bas la hiérarchie », qui vient clore en grande pompe le concert. Un Dj set mélangeant des morceaux du groupe non interprétés (« Comme les Zot’ », « Apocalypse 984 »…) et une playlist diverse vient accompagner les adeptes les plus fanatiques du Stup dans leur quête d’absolu et de bordel punkisant jusqu’à tard dans la soirée.

À la sortie, on constate que sur le boulevard de Rochechouart, le Trianon est toujours debout, et que la température ambiante n’annonce pas encore l’arrivée brûlante du règne du Crou. L’apocalypse, murmure-t-on alors, a pourtant bien failli avoir quelques jours d’avance sur la date annoncée par les Mayas…

Visuel : (c) pochette de Terrora !! de Stupeflip

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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