Rap / Hip-Hop
[Live report] Wax Tailor au Trianon : un show trip hop toujours aussi impressionnant

[Live report] Wax Tailor au Trianon : un show trip hop toujours aussi impressionnant

23 November 2012 | PAR Bastien Stisi

Plus de 200 dates pour la tournée du troisième opus In the Moon for life (2009), des lives exportées en Europe, aux Etats-Unis, en Amérique Latine et même au Népal et en Inde, un fantastique concert enregistré à l’Olympia en 2010…Wax Tailor, boulimique de travail et de performances lives, est ce que l’on appelle un spécialiste du genre. Porte-étendard de la scène électronique française à l’étranger et figure iconique du trip hop international contemporain, le génial dresseur de platines présentait hier soir au Trianon son quatrième album studio Dusty Rainbow From The Dark (2012), et a une nouvelle fois livré une performance hyper calibrée de très haute volée.

En première partie du spectacle, il fallait un élève à la mesure du maître, élément trip hop capable de tenir la distance et d’affronter le public de connaisseurs massé abondamment pour l’évènement. Fakear,  padawan électronique longiligne, surprend le Trianon, encore occupé à commander quelques bières dans la cuvette réservée à cet effet, en bondissant sans prévenir sur la scène et en se précipitant sur des platines qui n’attendaient visiblement que lui. Scratcheur énergique, Fakear, artiste caennais totalement inconnu du grand public, réalise une performance live remarquable. Des samples lascifs tout droit sortis des années 90′ succèdent à d’autres, davantage bercés par des sonorités orientales. Point final proposé par l’artiste, isolé sur scène avec pour unique compagnie un épais matériel électronique (son nom est inscrit en lettres capitales dessus), le brillant “Morning in Japan”, qui transporte le temps d’un morceau le boulevard Rochechouart vers les plaines downtempo du pays du soleil levant…

Trente minutes plus tard, le show Wax Tailor peut débuter. Lorsque la salle est plongée dans le noir et que les premières notes de « Once Upon A Past » raisonnent dans l’espace encombré du Trianon, le public, déjà, s’exclame et s’extasie, jouissance prématurée motivée par le simple fantasme de ce qui devrait se dérouler sous son nez. Personne, ce soir, ne sera déçu par le spectacle. Wax Tailor est vêtu d’un costume noir, que viennent simplement contester quelques luisances rouges sur les bords de sa chemise et de son chapeau. La veste comme le couvre-chef tomberont d’ailleurs bientôt, éjectés délicatement d’un corps énergique et en ébullition. Le code couleur rouge et noir stendhalien de la soirée est respecté par l’ensemble de ses musiciens, métaphore symbolique d’une hésitation musicale permanente entre la fureur hip hop et la mélancolie downtempo.

Des images sinoques, qui rappellent considérablement l’univers cinématographique d’un Tim Burton, défilent sur un écran positionné derrière l’orchestre : ce sont les fragments d’une histoire, celle du  Dusty Rainbow From The Dark de Jean-Christophe Le Saoût (le vrai nom de Tailor), odyssée conceptuelle revisitant l’enfance de l’artiste, que ce dernier est venu présenter au Trianon hier soir. Cette narration visuelle, le public la suivra avec attention durant l’intégralité du spectacle, leitmotiv narratif venant entrecouper et rythmer les performances de Wax Tailor et de ses acolytes. Et puis, lorsque les cinématiques de Dusty Rainbow laissent place aux morceaux des précédents albums, ce sont des images cinématographiques qui sont envoyées sur les écrans. Ces projections permanentes, constamment illustratives de la thématique véhiculée par les morceaux présentés en direct, contribuent à humecter le public dans l’univers conceptuel et singulier de l’artiste. Alambiqué et performant, ce « concept-live » et le folklore cinétique qui l’entoure ne serait toutefois que de vaines et pédantes élucubrations sans la remarquable performance des musiciens éclectiques qui entourent le maître Tailor.

Sur un trône majestueux au centre la scène, surplombant la foule et le reste de ses contributeurs, Wax Tailor, chef d’orchestre électronique, distribue les cartes, présente ses artistes, et organise la représentation qui se déroule sous ses yeux. Ces « soldats », membres d’une armée trip hop en furie, rivalisent d’audace et de diversité, et complètent les samples et les scratchs furieux de Wax Tailor à l’aide de leur guitare, de leur flûte, de leur saxophone ou de leur violoncelle. Charlotte Savary, pour sa part, la touche charme et sensualité de l’univers de l’artiste, minaude et exporte sa voix tout droit sortie des années 30’ dans les travées du théâtre du boulevard Rochechouart. Ses talons scintillent presque autant que sa robe noire pailletée. Dans la fosse, les têtes et les corps bougent doucement. C’est le downtempo qui agit, délicat et sensuel.

Le mysticisme électronique qui macule les premiers instants du concert, soudain, se teinte d’une éclatante lueur hip hop, lorsque le rappeur américain Maatic, collaborateur permanent de Wax Tailor, déboule furieusement sur la scène du Trianon. Le flow engagé et volubile, la gestuelle théâtrale, les allers-retours de Maatic sur scène seront toujours chaleureusement salués  par le public. Orné, lui aussi, d’une tenue noire ornementée de quelques touches rougeottes, le rappeur impose son charisme redoutable sur “Walk the Line”, sur “Magic Numbers”, et sur une ribambelle d’autres titres puissants et résolument urbains. Sur “Say yes”, les canadiens d’ASM, duo vecteur d’un hip-hop déterminé et diaboliquement efficace, manque de faire basculer le Trianon dans l’hystérie orgasmique collective : les bras se lèvent, battent le rythme, les voix répètent frénétiquement les paroles de la chanson : “Yes Yes Y’all… Yes Yes Y’all!” Le show bat son plein, et poursuit sa folie sur “Que Sera”, tube ultime de Wax Tailor, des visages anonymes beuglent à la volée le sample (le refrain de la fameuse chanson de Doris Dray) qui circule dans les cieux du Trianon, muté pour l’occasion en chorale géante.

Après un rappel fructueux et une gigantesque ovation à la mesure du show proposé hier soir, Wax Tailor et ses saltimbanques trip hop peuvent s’en retourner, le sentiment du devoir accompli. Paris, de son côté, se prépare déjà pour le concert que le DJ français donnera à l’Olympia, le 20 mars 2013…

Visuel (c) : MG

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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