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L’Hypothèse du Mokélé-Mbembé, cartographie des limbes

L’Hypothèse du Mokélé-Mbembé, cartographie des limbes

07 November 2012 | PAR La Rédaction

Au Sud du Cameroun, le crytozoologiste Michel Ballot cherche à prouver l’existence d’un animal non recensé par la zoologie officielle : le Mokélé-Mbembé. Malgré le grand nombre de témoignages récoltés, la bête reste introuvable. L’artiste Marie Voignier a suivi le chercheur à l’occasion d’une de ses expéditions et en tire un documentaire qui nous ramène aux sources de la fiction.

Dans l’invisible sillage
Alors qu’une traque s’organise généralement autour de plusieurs indices palpables, marquant le passage de l’animal poursuivi – une empreinte bien imprimée dans le sol, les vestiges d’un habitat, quelques excréments identifiables, etc. -, la quête du Mokélé-Mbembé, elle, repose uniquement sur les témoignages. Dans cet invisible sillage, tissé de légendes mystiques et d’affirmations sincères, Michel Ballot cherche, en vain, les preuves concrètes de l’existence d’un animal aussi improbable qu’hybride – mi-serpent, mi-diplodocus – et dont le portrait-robot, composé par tous les témoignages, donne l’étrange sensation d’un cadavre-exquis surréaliste. D’où l’originalité de L’Hypothèse du Mokélé-Mbembé : à contre-pied de la majorité des documentaires, qui se proposent généralement de faire le tour d’une question ou d’un objet bien défini, le film de Marie Voignier s’organise autour d’une béance ; jamais le mystère sur lequel se fonde le film ne sera abordé. Que le Mokélé-Mbembé existe ou non, là n’est pas l’enjeu. Il n’y a d’ailleurs pas d’enjeu, mais un simple jeu d’allers-retours, cherchant à prendre la mesure de l’espace qui sépare le scientifique du folklorique et le réel du magique.

D’un monde à l’autre
La béance autour de laquelle s’organise le film de Marie Voignier s’oppose nettement à la densité de la nature : il faut une machette pour progresser dans l’épaisseur hirsute de la jungle et de la patience pour essayer de voir à travers la brume compacte qui recouvre la cime des arbres et qui vient se rabattre sur le fleuve. En d’autres mots, le regard ne peut jamais plonger au loin dans ces espaces qui donnent l’impression de se refermer sur eux-mêmes. En résulte une géographie floue où s’alternent jungle, villages et fleuves. Michel arpente ces zones où le Mokélé-Mbembé aurait été aperçu et, tel un employé du cadastre, définit un périmètre qu’il quadrille avec des balises pour marquer ses déplacements et des valises équipées de caméras ou d’appareils photos. Il y quelque chose, dans sa manière de tracer les contours d’un territoire invisible, du cartographe chez le cryptozoologiste. Marie Voignier reprend cette ambition pour son film et met ainsi en relief l’existence non pas d’un animal merveilleux mais d’un monde fantastique qui se situerait à mi-chemin entre le réel et le magique. Sur ces terres, la rencontre entre le chercheur occidental et les villageois pygmées convoque les fantômes du passé : ceux de la colonisation (par exemple Michel refusant de se faire appeler “patron” ou encore la façon dont les légendes sur l’animal sont contaminées par l’évangélisation chrétienne). C’est donc un entre-deux, un espace limbique, que le film parcourt. Et, à rebours de la science qui serait une cartographie des certitudes, L’Hypothèse du Mokélé-Mbembé propose une cartographie, forcément imprécise, des limbes où errent pêle-mêle la fiction et l’espoir de voir le mythologique devenir vraisemblable.

Pierre Edouard Peillon

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La Rédaction

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