Musique
Daphné dans la peau de Barbara : “Elle regardait la vie au fond des yeux”

Daphné dans la peau de Barbara : “Elle regardait la vie au fond des yeux”

06 November 2012 | PAR Yaël Hirsch

Après le succès du poétique” Bleu Venise”, la féérique Daphné s’est lancée dans un projet à première vue étonnant : interpréter le répertoire de Barbara. La série de concerts que la mutine carmine va interpréter en hommage à la longue dame brune approche; elle commence le 21 novembre à Nantes . Et l’album “13 chansons pour Barbara” (Naïve, voir notre critique) est déjà dans les bacs. Valise, ongles et pull mauves, nous avons rencontré la jolie Daphné à la sortie d’une émission de radio pour qu’elle nous parle de s a rencontre bouleversante et tardive avec l’œuvre de Barbara. Rencontre.

Vos trois précédents CDs portent tous un titre qui est aussi une teinte. Si l’album autour de Barbara devait porter une couleur ?
C’est particulier. Autant que je compose une chanson, je vois toujours une énergie de couleurs qui se dégage de la musique, autant pour Barbara je vois de la lumière, tantôt blanche, tantôt jaune, mélangée à du noir. Je vois ces deux teintes évoluer ensemble. Mais en fait, je voulais qu’il soit en noir et blanc cet album-là. Ce n’est pas un projet qui vient de mon propre désir, même si c’est une invitation à laquelle j’ai répondu positivement. Du coup les prochains albums seront baptisés de couleurs avec des noms de teintes. Mais celui-là non, ce ne sont pas mes chansons.

Y avait-il des chansons de Barbara que vous trimballiez depuis longtemps avec vous avant de faire ce spectacle et ce disque ?
Trimballer, non, le mot est fort, j’ai toujours gardé une distance parce qu’elle me faisait beaucoup pleurer. C’est très fort et dans notre lange maternelle, du coup c’était trop profond, c’était trop pour moi. Mais j’ai bien sûr écouté des chansons de Barbara que je trouvais sublimes, mais je n’ai jamais pu me plonger complètement dans son œuvre. Barbara, Brel, les artistes de cette intensité, c’est trop dur. J’écoutais plutôt Brassens ou Bobby Lapointe, des chanteurs à la poésie parfois guillerette, parfois plus triste, mais jamais dans l’écorchure de Barbara.

Barbara vous semble-t-elle trop grave ?
En fait, il y a quelque chose de lyrique chez Barbara. Elle n’est pas si sombre que cela. Elle a tellement d’esprit qu’il y a quelque chose de très sensuel, de très joyeux aussi. Elle aimait beaucoup la vie, elle a été touchée par de grandes déchirures dont elle a décidé de parler parce qu’elle regardait la vie au fond des yeux. Barbara c’est emprunt de vie autant que de mort parce que la mort fait partie de la vie. Par exemple, la chanson « le mal de vivre » finit en « joie de vivre ».

Le projet de reprendre un répertoire aussi personnel vous a-t-il intimidée?
Quand Thierry Lecamp d’Europe 1 m’a proposé ce projet, je lui ai dit « Tu es fou ». Et puis comme on m’en parlait souvent ça m’a intriguée en fait. Et je me suis dit que c’était le moment d’aller vers une œuvre que je me gardais peut-être pour la suite. Et Barbara, elle a écrit beaucoup de chansons, avant de faire ce projet, on peut dire que je connaissais un peu, mais ça a été l’occasion pour moi de vraiment me plonger dans son œuvre. J’ai eu envie que ça soit le moment.

Qu’est ce que rendre hommage à quelqu’un ?
Un hommage c’est faire les choses de tout son cœur mais avec respect. Simplement ça, avoir conscience que ce sont des chansons magnifiques. C’est un peu comme au théâtre, quand on joue Racine, Corneille, Molière, on rend toujours hommage à ces auteurs. A leur vision. Pour Barbara, c’est pareil, c’est plus qu’une chanteuse, c’est un personnage. Une vision de femme sur la vie, l’amour et la liberté. J’ai aussi aimé reprendre pour cette image de la femme : pleine, assumée, avec une part de masculinité. Ce n’est pas une victime Barbara. C’est une femme libre. La liberté c’est d’être soi-même et Barbara, elle est vraiment elle-même. Ça fait du bien, ça ouvre des perspectives. Rendre hommage, c’est avoir envie de chanter, que les gens soient heureux d’entendre les chansons et c’est tout, c’est très simple, il y a des chansons magnifiques qu’on a envie de chanter, et on les chante. Je ne suis qu’une parmi une longue chaîne à reprendre Barbara.

Avez-vous aménagé des changements importants dans ces chansons ?
Non avec David Hadjadj, qui s’est occupé des arrangements, je n’ai pas eu envie de déstructurer les chansons. La seule envie que j’aie eue c’est de rester moi-même avec les instruments que j’aime, avec ma voix sans la pousser. Et avec mes musiciens qui seront avec moi sur scène, sauf le guitariste. Il y a des choses qu’on a gardées, notamment au piano. Mais on a utilisé de nouveaux instruments, tout ce qui est célestas, orgues de verre, qui sont des instruments que j’adore et qui sont toujours présents dans mes albums… Et par exemple, nous n’avons pas utilisé l’accordéon que Barbara utilisait. Je partais du principe que n’ayant pas la même voix cela serait différent. Parce que Barbara a une voix vraiment unique. N’importe qui sera loin de ce qu’elle proposait. J’ai donc essayé d’emmener les gens dans le ressenti, sans aucune volonté de tout casser.

Avez-vous choisi les chansons qui figurent sur l’album ?
Ben oui, et pour tout d’ailleurs. C’est moi qui ai décidé de faire le disque. Vous savez, au début on m’a proposé de faire le concert. Mais premièrement faire un concert, ça représente beaucoup de travail et je savais que je voulais passer un peu plus de temps avec Barbara qu’un concert. Et puis, deuxièmement en travaillant les concerts, le premier  aura lieu le 21 novembre, j’ai eu envie de faire ce disque. Et c’est moi qui ai choisi toutes les chansons.

Y-t-il des chansons que vous avez dû écarter et que vous adorez ?
Oh il y en a plein. J’adore Marienbad, je la trouve sublime. Je la ferai d’ailleurs sur scène. Il y en a plein, mais il faut se restreindre, se limiter. C’est toujours ça un disque.

Est-ce difficile d’entrer dans le répertoire d’une grande chanteuse qui a une voix si différente de la vôtre? Les voix semblent presque s’opposer…

L’opposé non, mais très différents. On chante dans les mêmes tonalités. Mais on a changé les tonalités dans deux chansons. Celle avec Jean-Louis Aubert qui me l’a demandé et celle avec Benjamin Biolay qui a la même tessiture de voix que moi, mais avec sa voix, j’ai voulu la descendre un tout petit peu.

Pouvez-vous nous parler de ceux que Barbara aurait appelés « Mes hommes » sur l’album?
Je suis allée chercher Jean-Louis Aubert bien sûr pour son passé avec Barbara, ça me semblait cohérent, mais aussi et surtout parce que j’aime sa voix. Dominique et Benjamin aussi j’aime leur voix, je n’enregistrerais jamais de duo avec quelqu’un dont je n’aime pas la voix. Et puis pour le duo avec Benjamin Biolay, j’avais envie qu’un homme chante les mots de « Dis quand reviendras-tu ? ». Ça me touchait qu’un homme chante ces paroles. Qu’un homme soit aussi dans cette position d’attendre. Il n’y a pas que les femmes qui attendent, il y a aussi les hommes. A l’époque l’écriture d’une femme qui dit ces mots-là, c’est un peu révolutionnaire. Et aujourd’hui cela me semble dans le prolongement de cet esprit-là que cela soit chanté par un homme. C’est l’homme dans toute sa fragilité, dans un romantisme un peu brisé. Je savais que ce personnage allait bien à Benjamin Biolay et qu’il adorait cette chanson.

Daphné, « Treize chansons » pour Barbara », Naïve. Sortie le 29 octobre 2012.

EN CONCERT:
20/11 Nantes – salle Paul Fort
25/11 Bruxelles
27/11 Deauville – théâtre Casino Barrière
14/12 Lillebonne (76) – salle Juliobona
17/12 Paris – Café de la Danse

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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