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[Live-Report] : Yaron Herman, Jacky Terrasson et leurs trios ouvrent le festival de Jazz de Ramatuelle en beauté (16/08/2012)

[Live-Report] : Yaron Herman, Jacky Terrasson et leurs trios ouvrent le festival de Jazz de Ramatuelle en beauté (16/08/2012)

17 August 2012 | PAR Yaël Hirsch

Les deux immenses pianistes Jacky Terrasson et Yaron Herman improvisaient ensemble, hier soir, avec génie et jubilation pour fêter l’ouverture du 27ème festival Jazz de Ramatuelle. Un très très grand moment de musique.

Toute la programmation du Festival, ici.

Dans le théâtre de verdure de Ramatuelle, accueillis à la tombée de la nuit par de jeunes bénévoles en T-Shirt bleu de mer, le public a répondu présent. Amphithéâtre comble donc, avec une population fidèle depuis près de 30 ans, certains commentant la jolie charpente transparente plantée au-dessus des précieux instruments et des musiciens et dont le contrôle technique aurait couté cher. Mais hier, peut-être pour l’adoré Yaron Herman, il y avait aussi beaucoup de jeunes, venus perpétuer une tradition de convivialité et d’excellence.

Avec son feu et son accent chantant, le Président du festival est venu accueillir ces mélomanes, présentant l’excellent programme du “in” et les dégustations de vin qui accompagnent les concerts du “off”, chaque soir dans les jardins du théâtre. Il a remercié ses partenaires et est resté mystérieux sur le déroulement du concert d’inauguration. Il a rapidement laissé la place à Yaron Herman.

Sobrement vêtu de noir, le pianiste israélien est entré immédiatement dans le vif du sujet. Seul avec son bassiste (Stéphane Kerecki) et son batteur (Zvi Ravitz), il a commencé très cérébral, avec une petite mélodie romantique qu’il a twistée et tournée avec ardeur. Mais, si l’on compare souvent Herman à Brad Mehldhau pour cette capacité d’approcher la musique avec les neurones, il n’en demeure pas moins que le jeune virtuose est aussi capable de se laisser aller à cette fête des sens qu’est l’improvisation complice. Comme symptôme de cette double montée d’intellect est d’émotion chez Herman : la précision de ses doigts quand ilS se transforment en becs d’oiseaux pour tomber en pizzicati soutenus sur les touches de son instrument… Un regard pétillant à son formidable batteur et le rythme monte d’un cran. Le trio finit le premier morceau sur un tempo orientalisant irrésistible. Pour la deuxième piste, sur une samba revisité par la batterie, le trio a joué la carte de la syncope et atteint de grands pics de joie du mouvement. Vers 21h30, l’extraordinaire acoustique du Théâtre de Verdure était encore améliorée par un feat. local : les grillons. Pour son troisième et dernier morceau, commencé sur un air de piano mélancolique et terminé en mélodie romantique de film des années 1980,  le trio de Yaron Herman s’est agrémenté du doux bruit des petits insectes si caractéristiques de la région.

Dans un grand sourire, Yaron Herman a enfin pris la parole, pour expliquer qu’on lui avait laissé la lourde tâche de décrire la suite du concert.  Mission impossible : “On ne le sait pas nous mêmes, sinon ça ne serait pas du jazz”, a-t-il ingénieusement avancé avant d’inviter Jacky Terrasson à le rejoindre.

C’est en tête à tête, leurs deux pianos à queue imbriqués, que les deux leaders des trios ont commencé ce que Herman a appelé la “Fiesta”. Herman a laissé les premières notes à son énergique aîné, Jacky Terrasson, qui, en chemise rouge et pantalon blanc, s’est mis à bouillonner des mains et du visage et à chanter en même temps que son toucher appelait en échos les notes de son collègues israélien. Un très joli moment, très raffiné.

Puis Herman a rejoint ses musiciens en coulisses, laissant toute la place aux deux autres membres du trio de Terrasson : Burnis Travis à la contrebasse et le charismatique Justin Faulkner à la batterie.  La formation s’est alors lancée dans une demi-heure ininterrompue de musique, qui couvrait tout le répertoire, tellement expressif et lyrique du pianiste : de la ballade romantique revisitée à la limite de l’atonal. Souvent debout – pour frapper les touches plus fort – ou les doigts dans les cordes du piano – pour en jouer comme de la harpe -, Terrasson était partout, suivi dans ses grandes largesses par son batteur, capable de gratter son instrument avec les ongles, d’en jouer comme d’un tam-tam ou, bien souvent, de frôler une rythmique funk.

Après cette demi-heure de grand voyage, Yaron Herman est revenu avec ses deux collègues, pour une dernière  ligne droite de pure improvisation et de pur bonheur. Terrasson a d’abord suivi Herman dans sa reprise de “Toxic” encore mille fois revu et corrigé, poussant les premiers spectateurs à se lever, bouger le bassin et taper dans les mains. Puis, dans un style oscillant entre un bee-bop classique de speakeasy et la poésie naïve d’une chanson de Trenet, les deux trios se sont transportés vers un passé bien agréable à vivifier. Enfin, dans une dernière montée de son vertigineuse, assis sur le même tabouret et le sourire jusqu’aux oreilles, les deux pianistes se sont arrêtés pour laisser leurs incroyables batteurs plonger le théâtre dans un double solo de percussions qui ferait danser la foule du Papagayo de 2012 aussi sûrement que celle de 1962.

Terriblement attentif, battant des mains juste quand il faut, ovationnant chaque solo, le public s’est levé comme un seul homme, quand, après plus de deux heures de concerts, les 6 musiciens se sont tombés dans les bras pour saluer. Le spectacle a bien été une grande “fiesta” pour reprendre le mot si juste de Yaron Herman avec des moments d’une intensité folle. Intensité que les deux trios ont encore fait durer par des bis commençant à la pointe et finissant, bien évidemment, par une orgie de rythmes et d’harmonies.

Le concert d’exception de hier soir a donc placé la barre très haut pour la suite du Festival. Mais la qualité du programme ne laisse aucun doute quant au bonheur à venir du public jusqu’au 20 août. Nous-mêmes y retournons avec joie le 18, pour entendre le pianiste sud-africain Abdullah Ibrahim.

photos (c) Yaël Hirsch

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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